Pour sa deuxième édition, le salon du Carrousel du Louvre a profondément renouvelé ses exposants. Pour séduire tous les types d’amateurs.
Du neuf ! Avec 58 nouvelles recrues sur 122 participants, le Salon du collectionneur s’offre cette année un nouveau visage. Née sous l’égide du Syndicat national des antiquaires (SNA) en 2003, la foire finit d’essuyer les plâtres, tout en peaufinant un concept qui a fait ses preuves. Sélectionnés pour leur qualité, les objets du salon s’adressent aux collectionneurs en tout genre (beaux-arts, archéologie, arts du feu…). Pour l’occasion, l’espace du Carrousel du Louvre à Paris est organisé en secteurs thématiques identifiables par leur couleur. Le renouvellement est à créditer en partie à l’ouverture cette année du salon aux marchands qui ne sont pas membres du SNA. Séduits par cette alternative à la Biennale des antiquaires, les galeristes européens arrivent en masse. De plus, on assiste à un chassé-croisé entre les galeristes partis tenter leur chance à la foire internationale World Fine Art Fair de Moscou (lire p. 22) et ceux qui, en 2003, figuraient au feu le Pavillon d’automne. Enfin, Michel Vandermeersch, responsable du salon, nous a déclaré avoir écarté des marchands qui n’avaient pas fait leurs preuves en 2003.
Heureux d’être de retour
Le plus grand renouvellement s’opère du côté des beaux-arts, avec un rééquilibrage notable entre la peinture ancienne, moderne et contemporaine. Le spécialiste en tableaux flamands De Jonckheere (Bruxelles, Paris) a franchi le pas, même si la galerie, à l’image du Minotaure (Paris), sera également présente à Moscou. Satisfaits de la première édition de la foire, de nombreux marchands reviennent les bras chargés. Michel Poletti d’Univers du bronze (Paris) signale avoir triplé son chiffre d’affaires en deux ans grâce au salon et réserve un Lion qui marche de Carpeaux et Les Trois Grâces de Barye. Thierry Normand (Paris) a fait ses emplettes dans les collections privées, où il a déniché une Vue de la casbah d’Alger d’Eugène Isabey (1830) et une Femme nue penchée sur son tub dessinée par Pierre Bonnard. Alexis Bordes (Paris) promet une sélection éclectique, parmi laquelle figure un dessin de Pierre Paul Prud’hon sur papier bleu représentant une allégorie de l’industrie. Olivier Delvaille (Paris), en revanche, n’a pas vu aboutir les nouveaux contacts pris en 2003, mais il compte sur des œuvres de Gervex, Le Sidaner et Lévy-Dhurmer. Chez Applicat-Prazan (Paris), si les pièces sur papier ou de petit format, comme une aquarelle d’Estève de 1962, sont favorisées, Franck Prazan a dans sa manche une grande huile de Jean Fautrier de 1961, West Side, « digne d’une biennale ».
Considéré par beaucoup comme l’antichambre de la sacro-sainte Biennale des antiquaires, le Salon du collectionneur offre une chance de briller. Chez les nouvelles recrues, Florence de Voldère (Paris) tient encore secret le décor de son stand, qu’elle promet « surprenant ». Elle y proposera Le Paiement de la dîme de Pieter Bruegel le Jeune, bientôt intégré dans le répertoire de Klaus Ertz. Virginie Pitchal (Paris) choiera ses clients, avec des tableaux de maîtres allemands, espagnols, flamands, italiens et hollandais du XVIIe siècle. Parrainé par Jacques Leegenhoek et Éric Coatalem (Paris), le Munichois Helmut Riedl s’est armé d’un rare portrait signé Ambrosius Benson. Décidé à bouder les salons « moyen à haut de gamme dont la qualité se dégrade rapidement », Georges Franck d’Artesepia (Paris) inaugurera une sélection de vues parisiennes d’avant 1850, un thème dont la galerie est en passe se faire une spécialité. Heureuse coïncidence pour Aude Lamorelle de la galerie Alfa (Paris), dont la maîtrise universitaire avait pour sujet Anne Louis Girodet : la galeriste profite de la première rétrospective sur l’artiste, qui se tiendra au Louvre à Paris cet automne, et présente une quinzaine d’œuvres de ses élèves. Mathias Ary Jan (Paris) espère redorer le blason d’artistes de la Belle Époque dans un marché encore indécis face aux tableaux d’arrière-garde de la fin du XIXe. Une timidité qu’aura peut-être à affronter la Galerie Malaquais (Paris), spécialisée dans la sculpture indépendante de la même période, avec des bronzes de Charles Malfray (La Source du Taurion) et Marcel Damboise (La Paysanne). Commissaire de la prochaine exposition consacrée à Théo Van Rysselberghe au Palais des beaux-arts de Bruxelles, c’est en connaisseur que le consultant bruxellois Olivier Bertrand présentera La Dame en vert (Mme Laure Flé, 1897), pastel inédit de l’artiste… L’abstraction des années 1950-1960 se trouvera notamment chez Michelle Héritier (Fauconnières, Drôme), tandis que Françoise Livinec (Paris) fera honneur aux portraits de femmes. Antoine Lebel (Paris) parraine le New-Yorkais Michael Goedhuis, habitué de la Biennale des antiquaires, lequel table sur Paris pour réintroduire l’art contemporain chinois. Il présente un ensemble de calligraphies chinoises par six artistes de la nouvelle vague, dont la dimension intellectuelle devrait, selon lui, séduire la clientèle française.
Primitifs flamands
Les secteurs « Mobilier et objets d’art » et « Bijoux » ont aussi été largement retouchés. Parmi les fidèles, Ariane Dandois (Paris) n’a pas cédé aux sirènes de Moscou, estimant que le Salon du collectionneur lui permet de proposer un choix plus varié de pièces. « Je n’ai pas que des choses importantes et chères », explique-t-elle. Selon elle, la jeunesse ambiante l’empêche de « se fossiliser » et l’oblige à dénicher des pièces rares mais abordables, comme un canapé italien de la fin du XVIIIe, qui a pour particularité d’arborer trois dossiers de siège. Déçus de n’avoir vendu qu’à des Belges en 2003, Vincent de Lange et Jean-François Taziaux du Couvent des Ursulines (Liège) restent pourtant positifs et réservent un ensemble de pendules, bougeoirs en bronze doré et du mobilier Charles X, qui demeure leur point fort. Les Bruxellois Luc et Tin De Backker outrepassent leurs spécialités en sculpture médiévale pour proposer deux tableaux de primitifs flamands : une petite Vierge à l’Enfant par le Maître de la légende de la Madeleine (Bruxelles, fin du XVe) et une Adoration des mages de l’entourage d’Hugo Van der Goes (Gand, vers 1480). Chez les nouveaux, Olivier Renard (Beaulieu-sur-Mer, Alpes-Maritimes) présentera un coffre d’époque Louis XIV en bois de violette et bronze doré sur sa base d’origine en bois sculpté et doré. Les Turinois d’Antichita’ Restauri Vaccrino visent les collectionneurs et les décorateurs avec une jumelle de la première moitié du XVIIIe, deux stucs décorés représentant l’histoire d’une famille romaine, signés Tarsilla Siyter (1765), et une collection de marbres et pierres dures du XVIIIe. Observant un rajeunissement de leur clientèle, les Parisiens Isabelle et Gino Fouquet proposent une table de salon en marqueterie de bois clair à décor de petite branche fleurie de Nicolas Petit, une paire de fauteuils aux perroquets d’époque Directoire attribuée à Jacob et une autre de vases en porphyre de forme Médicis. Le Lyonnais Alain Marcelpoil entend participer à la réhabilitation d’André Sornay et consacre l’intégralité de son stand à l’élégant mobilier Art déco.
Le Salon international de la céramique de collection et des arts du feu se tenant au sein du Salon du collectionneur, les spécialistes sont fidèles au poste, d’autant que le cru 2003 fut excellent. Christian Béalu (Paris) promet un vase en majolique d’Orazio Fontana commandé par Guidobaldo II pour la pharmacie ducale du palais d’Urbin (Italie). Nelly Fouchet de la galerie Arcanes (Versailles) réserve deux groupes d’orléans en pâte tendre du XVIIIe et deux assiettes à décor de paysage en sèvres datées 1868. Jean Robert de Lavergne (Les armes du chevalier, Paris) propose un très rare plat aux armoiries de mariage d’un conseiller au parlement de Metz de 1721. Habitué de la Tefaf de Maastricht, Constant Vecht (Amsterdam) a l’éclectisme pour credo, comme le prouvent une terre cuite de Pieter Van Bauerscheit le Vieux représentant deux garçons bouchers, une tête de bouddha en pierre du temple de Borobudur à Java (Indonésie) et une madone à l’Enfant de la vallée du Rhin de la fin du XIIIe. Dû à la concomitance du Kaos-Parcours des mondes (lire p. 18), les sections réservées à l’Asie et aux arts primitifs et à l’archéologie sont plutôt restreintes, mais comptent néanmoins Alain de Monbrison (Paris), Ariadne Galleries (New York), Bernard Dulon (Paris) et la Galerie Mermoz (Paris). L’étoile d’Ishtar (Paris) cherche à séduire autant l’amateur d’art contemporain que le féru d’archéologie, avec un dieu hittite en bronze du deuxième millénaire av. J.-C. et un très grand chaouabti en albâtre du scribe royal du célèbre roi Ramsès II. La Belge Gisèle Croës (Bruxelles) réserve une délicate épingle à cheveux en or serti de pierres et de verre de l’époque Qi du Nord (549-577), ainsi qu’un gobelet en argent aux motifs ciselés illustrant des fleurs et divers animaux de l’époque Tang ou Liao. La galerie Barrère (Paris) a travaillé auprès de collections européennes et américaines pour réunir huit hauts-reliefs provenant des grottes bouddhiques de Lungmen, sculptées sur ordre impérial entre les Ve et IXe siècles. Susan Ollemans (Londres) viendra avec un somptueux collier en or au motif boteh (ou fleur) d’Inde du Sud datant du XIXe siècle, orné de diamants, rubis et émeraudes, de même que des céramiques chinoises de la période Song et des jades et des tableaux d’artistes indiens de la période coloniale.
La corde pour Maastricht, le vent pour le Carrousel
À l’image des grands salons internationaux, le Salon du collectionneur a su diversifier ses activités. Conservateurs, experts et historiens disserteront sur leurs spécialités lors de conférences quotidiennes : ainsi, Daniel Alcouffe sur « Louis XIV collectionneur ; les agates » ou Jean-Gabriel Peyre sur « La symbolique du vin sur la faïence ». Le salon organise aussi deux expositions. La première lève le voile sur la collection privée de Pierre Rouge, une vingtaine de coffrets réalisés par la dynastie d’ébénistes Hache. La seconde présente une cinquantaine d’instruments de musique à vent provenant de l’exceptionnelle collection de Bruno Kampmann. Après les trois prestigieux violons Amati exposés au printemps à la Tefaf de Maastricht, la musique saurait-elle adoucir les mœurs du monde de l’art ? Enfin, côté pratique, face aux regrets largement exprimés lors de l’édition inaugurale, le salon bénéficie désormais d’une ouverture sur deux week-ends et d’une nocturne en semaine. Collectionneurs, à vos marques. Prêts ? Partez !
- Commissaire général : Michel Vandermeersch - Nombre d’exposants : 122 - Prix du m2 : 650 euros - Nombre de visiteurs : 16 000 en 2003
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Le Salon du collectionneur se renforce
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Abonnez-vous dès 1 €Du 16 au 25 septembre, Carrousel du Louvre, 99, rue de Rivoli, 75001 Paris, 11h-20h (jusqu’à 22h le mercredi 21), tél. 01 44 51 74 74, www.salonducollectionneur.com
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°220 du 9 septembre 2005, avec le titre suivant : Le Salon du collectionneur se renforce