La Shanghai Fine Jewellery and Art Fair a réuni une trentaine de marchands occidentaux du 13 au 21 octobre.
SHANGHAI - En l’espace de quelques années, trois cents gratte-ciel ont poussé dans le ciel de Shanghai. Dans le même temps, le nombre de Chinois à avoir fait fortune dans l’immobilier ou ailleurs a explosé. La ville est aussi portée par la perspective de l’Exposition universelle de 2010, dont le périmètre est en train d’être dégagé le long du fleuve Huangpu. Dans ce contexte, deux jeunes européens ont décidé de se jeter à l’eau et de créer une foire de joaillerie et d’antiquités, la Shanghai Fine Jewellery and Art Fair (SFJAF). Le premier, Nicolò Filippo Mori, un financier transalpin installé sur place depuis quelques années, a été entraîné dans cette aventure par le second, Maximin Berko, un historien de l’art chinois, mais aussi rompu aux secrets du marché de l’art par ses liens familiaux avec les propriétaires de la galerie Berko (Bruxelles). D’emblée, les organisateurs ont bousculé les habitudes de l’Empire du milieu. La foire, qui s’est déroulée du 13 au 21 octobre, a eu une durée exceptionnellement longue, dans un pays où ce type de manifestation ne se prolonge jamais au-delà de trois ou quatre jours. Le prix d’entrée ensuite, fixé à 200 yuans (20 euros), était dissuasif pour les simples amateurs d’art, même si quelques heures après l’ouverture du salon, il était déjà possible de se procurer de faux billets d’entrée sous le manteau ! La fréquentation s’est établie autour du chiffre de 700 entrées quotidiennes, une goutte d’eau. Enfin, sur la trentaine de galeries participantes, pas une seule n’était chinoise, donnant à cette manifestation un goût un peu décalé. Ce parti pris a en conséquence coupé le salon d’une fraction de la clientèle acquise aux antiquaires locaux. Ce sont donc les marchands occidentaux qui sont venus pour l’occasion en Chine tenter leur chance. Tel était le cas du galeriste parisien Bernard Dulon, qui présentait sur la foire un bel ensemble de pièces d’art africain. L’expert entendait surfer sur la vague des Chinois qui ont déferlé sur le continent africain. « Mon bilan est très positif, nous a-t-il déclaré. J’ai rencontré des gens intéressés et intéressants. Les Chinois ont un regard sur les œuvres que je n’ai pas vu en Europe depuis longtemps, un regard ouvert et intelligent ». Si le marchand n’a pas réalisé de transaction sur place, il a bon espoir que des ventes se concrétisent à Paris dans les semaines à venir. Il faut dire que sur place, les autorités chinoises taxaient à 30 % les pièces d’origine étrangères ! Ces tracasseries ont même coûté son stand à la galerie Marlborough, dont les peintures de Manolo Valdès sont restées bloquées en douane. De son côté, après sa participation à la foire ShContemporary dans la même ville début septembre (lire le JdA n°265, 21 septembre 2007, p. 20), la JGM Galerie (Paris) enfonçait le clou auprès de ses clients chinois. Jean-Gabriel Mitterrand en profitait même pour prononcer une conférence sur la tradition de mécénat des particuliers et des entreprises dans les pays occidentaux, avec le secret espoir de susciter des vocations dans l’Empire du milieu. La galerie se félicitait d’avoir vendu plusieurs œuvres, notamment chinoises et signées des Luo Brothers (90 000 euros), de Ma Liu Min (30 000 euros) et de Yang Tao (5 000 euros), mais aussi de Claude Lalanne, tout en soulignant l’importance des contacts apportés par son partenaire chinois, Hugo Liao. Quant aux joailliers, discrètement relégués dans les angles de la foire, ils semblent avoir bien travaillé, surtout après le dîner de gala du 17 octobre qui a été un indéniable déclencheur après de premiers jours bien ternes.
Acheter de l’art en Chine constitue aujourd’hui une manière efficace pour les nouveaux riches de sortir de l’argent du pays pour ensuite le réinvestir dans la pierre en Occident. Après avoir acquis un tableau de maître en Chine, il n’est pas très compliqué de l’offrir aux enchères sur les places de Londres, New York ou Paris, si possible avec une plus-value !
Pour les collectionneurs de haut vol, la galerie Taménaga (Paris-Tokyo) exposait sur son stand deux merveilles proposées au même prix de 17 millions de dollars (11,8 millions d’euros) : La Moisson, de Cézanne, provenant de l’ancienne collection Mellon ; et un petit tableau classicisant de Picasso datant de 1922. Mais la foire réunissait aussi des galeries de niveau très intermédiaire, surtout dans le contemporain. Si les organisateurs ont marqué un point en organisant un vetting (commission d’expertise), ils devront accentuer leur sélectivité pour inciter les galeries de qualité à venir et à revenir l’année prochaine. D’autant qu’au final, seuls vingt marchands sur trente-deux ont vendu.
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Première en Chine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°268 du 2 novembre 2007, avec le titre suivant : Première en Chine