Six mois après la publication, en décembre 1998, des statistiques portant sur les résultats des ventes aux enchères à travers le monde (lire le JdA n° 73), nous avons demandé à Robin Duthy, d’Art Market Research, d’établir pour ce numéro d’été, à partir de sa banque de données, une nouvelle série d’indices en francs de manière à suivre les tendances de l’évolution du marché. L’Indice Art 100 donne un aperçu général du marché, les trois autres couvrent différents secteurs – l’art contemporain, les tableaux anciens et le mobilier français du XVIIIe siècle. Deux experts et un galeriste les commentent et soulignent que le mouvement de hausse, amorcé en 1997 et 1998, s’est poursuivi au cours du premier semestre 1999.
Le JdA Art100
L’évolution mensuelle montre que la progression amorcée en 1997 et 1998 s’est poursuivie pendant les six premiers mois de cette année, mais à un rythme plus lent. L’indice a cru de 0,2 % entre décembre 1998 et mai 1999, alors qu’il avait gagné 5 % pendant le semestre précédent, de juin à décembre 1998. Il faut néanmoins souligner que les résultats des ventes de juin, généralement fructueuses, n’ont pas encore été prises en compte.
L’ensemble des statistiques élaborées par Robin Duthy, d’Art Market Research, s’appuie sur les résultats de quelque 400 commissaires-priseurs et organisateurs de ventes aux enchères à travers le monde, et couvre une période commençant en 1975. Chaque indice statistique regroupe les résultats obtenus en vente publique pour une sélection d’artistes représentatifs d’une école ou d’une période. Dans le cas des meubles et des objets d’art, c’est la méthode du “panier” – un ensemble d’objets significatifs – qui est retenue. Les résultats sont saisis au fur et à mesure des ventes, mais deux précautions sont prises afin d’éviter les distorsions : les prix les plus élevés et les plus faibles sont éliminés des calculs, à concurrence de 10 % du haut et du bas de l’échelle. C’est cette valeur moyenne qui est rapportée aux chiffres de base pour établir les variations de l’indice par rapport à 1975. Les indices en francs français ont été calculés à partir des taux de change mensuels depuis 1975 et sont en francs courants. Ils se basent sur les “prix marteau”. Pour dégager une tendance générale, l’Indice Art 100 recense les variations de prix de 100 grands artistes européens et américains de toutes les époques.
Art contemporain
Jérôme de Noirmont, galeriste :
“Le marché de l’art très contemporain se tient très bien, et l’intérêt des collectionneurs redouble depuis deux ans. Il est beaucoup plus sain qu’il y a quelques années. Les artistes qui étaient recherchés il y a un an le sont de plus en plus. Pour ceux qui figurent dans l’indice, les pièces de Sandro Chia, très nombreuses, sont stationnaires. Keith Haring est très populaire : ses prix sont désormais en forte hausse, alors que sa cote avait beaucoup fléchi. N’ayant pas pleinement bénéficié du soutien des galeries, le prix de ses œuvres dépendait uniquement des collectionneurs et des amateurs. Celles de Francesco Clemente, qui passent rarement en vente publique, sont en hausse. Clemente s’affirme comme l’Italien de la Trans-avant-garde qui obtient les meilleurs résultats. Peu d’œuvres de Mimmo Paladino apparaissent sur le marché. Les prix de celles de Georg Baselitz se tiennent. On retrouve depuis quelques mois une forte demande sur des artistes américains comme Matthew Barney et Robert Gober, en raison de l’immense pouvoir d’achat des collectionneurs américains. Les dernières vacations confirment une très forte hausse du marché pour des artistes comme Basquiat, Haring et Warhol, ce dernier connaissant une véritable envolée. Pour Basquiat, il y a eu de très beaux résultats depuis six mois, même si l’on n’a pas atteint les 3,3 millions de dollars de novembre 1998, qui étaient un accident. Hammer and Sickle est parti à plus de 880 000 dollars en mai chez Christie’s. Le prix réalisé par ce diptyque confirme l’année 1982 comme étant la période la plus recherchée du peintre. L’importance de l’œuvre de Basquiat est aujourd’hui reconnue. Ses toiles sont réclamées aussi bien par les musées et les institutions que par les collectionneurs d’art moderne. C’est un des artistes importants de la fin du XXe siècle, un des rares peintres des années quatre-vingt à ce niveau.
Le marché pour l’art contemporain a bien repris. Les collectionneurs font preuve de discernement en achetant des pièces de choix, sans distinction du support : sculpture, vidéo, huile sur toile. On note aussi une très bonne tenue des photographies, en particulier celles de Cindy Sherman. Ces prix élevés ne sont pas pour autant dangereux. Je ne pense pas qu’il existe un risque de surchauffe. Les records sont établis sur des pièces exceptionnelles et celles-ci sont peu nombreuses.”
Tableaux anciens
Éric Turquin, expert :
“Les mouvements de long terme sont plus significatifs que les évolutions mensuelles. Il serait préférable de concentrer l’indice sur les maîtres anciens des XVIIe et XVIIIe siècles. Le marché a enregistré un mouvement de baisse assez lent entre 1991 et 1996, sans qu’il y ait eu un effondrement pendant cette période de crise. Il s’est ressaisi depuis avec beaucoup de vigueur, le rythme de la progression s’accroissant nettement entre 1997 et 1998. Ainsi, pour les tableaux français, on retrouve en 1998 le niveau de 1990. Les tableaux hollandais et italiens atteignent eux, en 1998, un niveau plus élevé qu’en 1990. Un Canaletto vaut aujourd’hui plus cher qu’en 1985. Le léger infléchissement de la courbe entre la fin de l’année 1998 et le début de 1999 pourrait s’expliquer par les résultats moyens des ventes qui ont eu lieu cet automne à New York.
Une telle reprise est valable pour les tableaux très importants, et non pour les pièces moyennes, car ces analyses sont faites à partir des plus grands tableaux.”
Mobilier français du XVIIIe siècle
Roland de l’Espée, expert :
“De 1975 à 1998, le marché a progressé fortement. L’analyse mensuelle de la courbe n’est pas la plus représentative de l’activité du marché. Il y a eu un tassement de l’activité en 1986, puis le marché est reparti avant d’atteindre un plafond en 1989-1990. La crise des années quatre-vingt-dix n’a cependant pas autant affecté le mobilier XVIIIe, qui a été épargné par rapport au marché des tableaux modernes. Un nouveau tassement s’est produit entre 1991 et 1996, qui s’explique par la nécessité de retrouver la confiance des collectionneurs. La machine est ensuite repartie. La reprise qui s’est affirmée à partir de 1997 s’est poursuivie en 1998. Cette relative stabilité s’explique par le fait que le mobilier XVIIIe est un marché ancien qui n’a jamais été spéculatif. À l’inverse des pièces de qualité, le mobilier bas de gamme a tendance à stagner. Les commodes provinciales, qui se vendaient il y dix ans entre 20 et 35 000 francs, se négocient aujourd’hui à un prix équivalent.”
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Premier semestre : la reprise se confirme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°86 du 2 juillet 1999, avec le titre suivant : Premier semestre : la reprise se confirme