Pierre Chareau en majesté à la galerie Doria

Paris. C’est à la fin de l’année 1980, après les ventes Eileen Gray et celles du maharaja d’Indore, à Monaco, que Denis Doria se passionne pour le Mouvement moderne. Depuis, il est connu pour avoir constitué les plus grandes collections en ce domaine, notamment pour le cheikh Al-Thani avec des pièces provenant du palais d’Indore et pour Laurent Negro avec la collection du château de Gourdon.

Soucieux de partager ses connaissances, Denis Doria se considère davantage comme un galeriste que comme un marchand et rapproche son travail de celui d’un historien d’art plutôt que d’un antiquaire. Après d’importantes recherches, il a réuni une quarantaine d’œuvres majeures de l’architecte et créateur de meubles Pierre Chareau (1883-1950), affilié au mouvement. Ses meubles, simples d’aspect mais surprenants par leurs éléments articulés et mobiles, incarnent l’esprit moderne. Il associe des matériaux traditionnels, comme le bois, à des matériaux plus modernes comme le métal, qu’il est l’un des premiers à utiliser pour le mobilier de luxe. Pour lui, la modernité consiste en un savant équilibre entre rationalisation de la forme et usage de matériaux précieux. Simplification des lignes et totale adéquation entre la fonction de l’objet et les besoins de son utilisateur sont prépondérantes dans son travail.

Prévue de longue date, l’exposition a été retardée par l’annonce de la dispersion des collections de la Maison de verre d’Annie et Jean Dalsace, chez Christie’s en 2021, à laquelle le nom de Pierre Chareau restera à jamais associé. « Cela nous a permis de compléter notre ensemble. » De cette maison, proviennent la Table gigogne MB 106 (vers 1923), la Jardinière PF 35, v(ers 1923) ou encore la paire de fauteuils MF 15 (vers 1922). Le fameux canapé-lit de repos SN 24 (tapisseries de Jean Lurçat) fait partie des pièces déjà vendues. La numérotation si particulière des modèles a été établie par Chareau lui-même à l’époque.

Pièce maîtresse de cette présentation, la bibliothèque MU 1030, vers 1930, en palissandre de Rio, créée pour Daniel Dreyfus est une parfaite illustration des pièces dites « métal et bois » emblématiques de l’œuvre de Chareau, dont les structures de fer martelé ont été réalisées par son ferronnier, Louis Dablet. « Cette pièce, que j’ai laissé acheter par un de mes clients il y a très longtemps, je n’ai eu de cesse de la racheter. Elle est probablement l’une des plus importantes du créateur », confie le galeriste. Parmi les autres chefs-d’œuvre présentés, se trouvent le meuble d’applique, vers 1927 et le meuble suspendu MA 788, vers 1927, « sans doute la première étagère murale qui ait été créée », explique Denis Doria, tous deux provenant de la collection Jean-Claude Brugnot. Le Salon MF 15, vers 1920-1922, comprenant un canapé et trois fauteuils, issu de la collection Edmond Fleg – premier client de Chareau – a retrouvé l’aspect de sa tapisserie d’origine. « Nous faisons un travail sur l’exactitude historique des pièces », précise le galeriste.

Plusieurs luminaires en albâtre, à l’instar des appliques d’angle LA 292, la Lampe de table, modèle dit « Petite religieuse », vers 1923 ou encore la paire d’appliques LA 548, vers 1927 complètent le tout, ainsi que quelques céramiques de Robert Lallemant, Francis Jourdain et des lampes de Jacques Le Chevallier.

Pour cette 5e exposition-vente de Pierre Chareau chez Denis Doria, avec des pièces aux provenances importantes, les prix s’échelonnent entre 35 000 et 1,2 million d’euros.