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ART CONTEMPORAIN

Philippe Favier de goutte en goutte

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 18 septembre 2024 - 652 mots

PARIS

Le peintre présente une nouvelle série évoquant l’infiniment grand à la galerie Ceysson & Bénétière.

Paris. Philippe Favier a certes été régulièrement montré à Paris depuis vingt ans (à la Maison européenne de la photographie, à Paris, et dans le cadre de foires à plusieurs reprises, présenté notamment par la Galerie 8+4), mais il n’avait pas eu d’exposition personnelle en galerie depuis celle d’Yvon Lambert en 2000. Un bail !

« Astérochromies », composée d’une quarantaine de peintures sous verre inédites, prolonge et développe le travail présenté à la galerie Ceysson & Bénétière de Saint-Étienne en juin-juillet de l’année dernière.

Pour cette nouvelle série qui donne son titre à l’exposition, Favier (né en 1957) a abandonné sa pratique habituelle qui, depuis longtemps, le voit s’immiscer dans des objets qu’il chine dans des brocantes et vide-greniers pour les détourner à l’envi. Un abandon tout sauf définitif – « car j’y reviendrai certainement un jour ou l’autre. Là j’ai ressenti la nécessité d’aller voir ailleurs pour me ressourcer et retrouver l’excitation matinale », précise- t-il. Et pas complet non plus puisque les cadres de ces œuvres, qu’il a repeints à l’aide de son fameux noir poudré, proviennent tous de ses fructueuses collectes.

De la goutte à la constellation

L’artiste revient ici à la peinture, rouge ou noire, qu’il projette au dos de plaques de verre, comme une pluie de gouttes. Une sorte de dripping pollockien, mais à plus petite échelle : David Quéré, scientifique au CNRS, grand spécialiste de la goutte, commissaire de cette exposition et auteur du livret publié pour l’occasion aux Éditions Fata Morgana, qualifie cette pratique de « dropping ». Pour accueillir ses griffures, Favier recouvre préalablement toute la surface de peinture blanche, qu’il grave ensuite avec une pointe de gramophone pour encercler, cerner, sertir ses gouttes et réintroduire ainsi le trait. « Je me sentais orphelin du dessin », indique-t-il. Et de la gravure également qu’il a toujours pratiquée avec une minutie d’horloger.

Les œuvres évoquent ainsi des constellations, d’où le titre de l’ensemble « Astérochromies », en référence aux larmes d’Astrée qui, selon la légende, en tombant sur terre, se transformèrent en asters, ces petites fleurs en forme d’étoile. Et ici, dans chaque œuvre, en myriades de points plus ou moins petits, comme autant d’astres situés aux confins des galaxies. Ou, selon leur disposition, comme des notes sur une portée, des lignes d’écriture ou des pattes de mouche. Le natif de Saint-Étienne qui vit aujourd’hui entre la Drôme et Nice, le dit bien d’ailleurs : « Je retombe toujours sur des pattes qui préexistent et qui sont toujours issues du même émetteur. »

Lorsqu’on lui avait un jour demandé pourquoi il peignait en minuscule, Philippe Favier avait répondu : « Je ne fais pas petit, je fais de loin. » Une jolie formule qu’illustrent et illuminent ces œuvres, pour lesquelles il fait les deux, en évoquant l’infiniment loin et grand – le cosmos, la voûte céleste – et l’infiniment petit avec toutes ces gouttes et ces centaines de points plus ou moins minuscules parsemés comme un archipel, un thème cher à l’artiste qui, par le passé, avait intitulé l’une de ses séries « L’archipel des pacotilles » (1991-1995). Car s’il a quelque peu changé de registre ici, Philippe Favier est resté fidèle à son (ses) univers dont la cartographie dessine toujours autant de poésie, d’humour, de facétie.

Entre 1 000 et 25 000 euros (avec une pointe à 60 000 euros pour une installation d’un ensemble d’œuvres qui a trouvé preneur dès le soir du vernissage), les prix sont raisonnables pour un artiste à la carrière déjà longue dont le marché est très stable et bien établi. « La progression des prix est régulière et constante avec une grande fidélité des collectionneurs », précise Loïc Bénétière, l’un des deux directeurs de la galerie. Ce à quoi l’on peut ajouter que l’artiste présentant à chacune de ses expositions des séries inédites, ses fidèles collectionneurs sont toujours tentés d’acquérir une nouvelle œuvre et constituer ainsi une… collection de Favier.

Philippe Favier, Astérochromies,
jusqu’au 5 octobre, galerie Ceysson & Bénétière, 23, rue du Renard, 75004 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°639 du 20 septembre 2024, avec le titre suivant : Philippe Favier de goutte en goutte

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