ART CONTEMPORAIN

Petrit Halilaj, souvenirs, souvenirs

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 13 décembre 2017 - 395 mots

Mention spéciale du jury à Venise, le Kosovar présente « ABETARE » chez Kamel Mennour.

 Paris. On n’oublie pas facilement les installations de Petrit Halilaj. Ceux qui ont vu en 2014, dans cette même galerie, le lac rose réalisé avec du produit de vaisselle parfumé, entouré de rochers, de terre, de végétaux avec un grand cheval en son milieu, s’en souviennent encore. Cette deuxième exposition chez Kamel Mennour n’échappe pas à la règle. Pour l’espace du bas, l’artiste (né en 1986 au Kosovo, il vit aujourd’hui entre Berlin, le Kosovo et l’Italie) a en effet conçu une œuvre composée de douze tables et bancs de l’école primaire de son village natal qu’il est allé récupérer en 2010, avant qu’elle ne soit reconstruite. Avec, comme dans toutes les écoles, les lettres, graffitis, inscriptions, dessins gravés dans le bois ou le formica des pupitres. Autant de traces qu’Halilaj a sculptées et agrandies en fils d’acier et qu’il a disposées tout autour, comme une mise en volume de ces écritures et évocations enfantines. On retrouve là aussi une fusée, un cœur, des armes, ainsi que des noms de stars de musique (Eminem) ou du foot (Messi, Ronaldo) et les acronymes, TMK, FSK, KFOR, PDK… des groupes politiques et armés, liés au conflit qui a déchiré la région. On y découvre aussi les lettres du mot « ABETARE » (abécédaire), un livre qui donne son titre à l’exposition et, avec lequel, enfant, l’artiste a appris l’albanais, dont l’usage était alors interdit par les Serbes. Un manuel de lecture qui des années 1960 aux années 1990 passait de main en main, de génération en génération. Petrit Halilaj a fait imprimer sur papier peint toutes les pages, qui tapissent entièrement la première salle de la galerie, avec les lettres et l’imagerie qui le composent. La grande force de l’exposition est là, dans cette plongée nostalgique, dans cette mémoire à la fois individuelle et universelle. Elle témoigne aussi, à travers ces souvenirs, d’une profonde réflexion sur le langage et sur une identité culturelle qui, avec une dimension politique affichée, anime le travail d’Halilaj depuis une dizaine d’années.

Entre 5 000 (pour la plus petite œuvre, une sérigraphie et dessin à l’encre sur papier) et 50 000 euros, les prix sont logiques pour un artiste qui a représenté le Kosovo à la Biennale de Venise en 2015. Cette année, il y a reçu la mention spéciale du jury.

PETRIT HALILAJ, ABETARE (FLUTURAT),
jusqu’au 27 janvier 2018, galerie Kamel Mennour, 6, rue du Pont-de-Lodi, 75006 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°491 du 15 décembre 2017, avec le titre suivant : Petrit Halilaj, souvenirs, souvenirs

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