En octobre 2002, les directeurs généraux de Phillips, Simon de Pury et Daniella Luxembourg, ont fait l’acquisition des dernières actions de la maison de ventes que détenait encore LVMH. À cette occasion, leur avocat leur a présenté Perry Lerner, l’un des associés de Lerner & Spire (LPP), consultant sur la transaction. Les dirigeants ont apprécié ses conseils, à tel point qu’ils l’ont engagé en tant que directeur administratif. Sa mission est de transformer Phillips de Pury en une société plus rentable. Il a répondu à nos questions.
Quels sont les changements que vous avez apportés ?
Phillips, de Pury & Luxembourg a tenté, au cours de sa brève existence, de se concentrer sur des domaines artistiques considérés comme prestigieux. C’est-à-dire des œuvres qui intéressent les collectionneurs de premier ordre, et les marchands spécialisés. Phillips s’est ainsi concentré sur l’art américain, l’art contemporain, l’art suisse, la joaillerie, la photographie, le design des XXe et XXIe siècles, et l’art impressionniste et moderne. Nous avons l’intention d’organiser des ventes pour tous ces départements à l’exception de l’art impressionniste et moderne.
Nous avons pris la décision de faire de l’expertise de ses spécialistes le point fort de Phillips. Si nous arrivons à simplifier la structure de l’entreprise, nous pourrons offrir à nos clients un meilleur accès à nos spécialistes. Nous voulons faire des experts les acteurs principaux de notre société, et rendre l’administration plus rentable et plus efficace pour notre clientèle, en rapprochant le spécialiste du client.
Nous avons supprimé un grand nombre de postes administratifs et nous avons donné ces responsabilités aux départements des experts. Par exemple, les spécialistes vont rédiger eux-mêmes leurs communiqués de presse, avec l’aide de conseillers extérieurs. Ils seront également responsables des relations avec les clients – présents et futurs. Auparavant, les relations avec la clientèle relevaient d’un département indépendant. Aujourd’hui, nos spécialistes et notre département de relation clientèle travaillent main dans la main. Nous nous sommes donc efforcés de simplifier l’organisation afin que les spécialistes jouent un rôle plus important dans l’administration du département et de leurs affaires.
Êtes-vous l’architecte de cette restructuration ?
J’ai travaillé avec Simon de Pury et Daniella Luxembourg dans le développement de ce projet. Nous avons trouvé un consensus sur la manière selon laquelle ce plan serait appliqué. J’ai été responsable d’une grande partie de son application. Mais j’ai suivi la direction qu’ils m’ont donnée.
Utilisez-vous le terme “gestion d’expert” au sein de la société ?
Oui. Notre principe est que, si vous venez chez Phillips, vous serez accueillis par un expert. Cette personne vous dit ce qu’elle sait, ce qu’elle fait, et elle est responsable de toute la procédure, c’est-à-dire de l’estimation, des contrats de mise en vente, de la facturation, de l’encaissement, des suivis divers, et elle s’assure que les biens que vous avez commandés sont effectivement ceux que vous avez reçus, et que les biens que vous nous avez envoyés sont bien ceux que vous souhaitiez nous adresser.
Le deuxième aspect concerne la gestion de l’entreprise. Nous opérons en partenariat afin d’inclure tous les départements dans nos décisions, et d’éviter l’autocratie typique des organisations pyramidales. Nous nous entretenons régulièrement avec tous les départements pour résoudre des questions telles que l’attribution du budget de la publicité et du marketing, le prochain déménagement à Chelsea, au sud de Manhattan, la planification des divers besoins des départements et l’optimisation du système de livraison. Nous demandons aux spécialistes de s’investir dans des questions de gestion dont ils ne se souciaient traditionnellement pas, justement parce que nous essayons de gérer cette société en partenariat. Dans cette optique, nous avons l’intention de diviser une partie du capital entre tous les départements, de sorte que chacun ait un intérêt financier dans la société, grâce à un plan de stock-options. Quand ce programme sera appliqué, tout le monde n’aura pas le même nombre de stock-options, mais elles auront toutes la même valeur.
Comment s’est organisé le licenciement économique ?
Sur les 140 employés d’origine, il en reste 80 dont 60 ou 65 sont, à mon sens, des experts. Avant la restructuration, plus de la moitié des employés travaillaient à l’administration. Sur la totalité, 50 ou 60 personnes n’étaient pas du tout des experts. Maintenant, la société présente un taux d’experts et de spécialistes qui dépasse les 80 %.
Si les experts passent plus de temps à des tâches administratives, en auront-ils encore pour faire bénéficier le client de leur expertise ?
Bien entendu, car la plupart de ces tâches se rapportent aux clients. Il n’y a rien de plus important que l’information qui est échangée entre les clients et les experts.
Avez-vous également l’intention de vendre des œuvres considérées comme mineures ?
Je ne sais pas ce que vous appelez des œuvres mineures, mais nous n’avons pas changé les critères de qualité des œuvres que nous mettons en vente. L’idée reste de vendre des œuvres importantes, mais il faut savoir que la gamme des prix est grande dans toutes les ventes. Tous les tableaux ne se vendent pas un million de dollars. Il y a beaucoup d’œuvres plus modestes réalisées par des artistes phares qui n’atteindront jamais les prix des peintures majeures.
Mais vous n’allez pas refuser de telles œuvres ?
Si votre question est de savoir si nous dirigeons vers le marché secondaire, la réponse est non. Pour tout vous dire, je crois que nous nous orientons vers la partie supérieure du marché dans des catégories comme la photographie.
Si le nombre d’œuvres vendues reste le même alors que le nombre de salariés a diminué, les experts vont devoir travailler d’arrache-pied. Les salaires ont-ils augmenté ?
Ils sont restés les mêmes. La réorganisation n’a pas eu d’impact sur la structure salariale. Personne n’est payé à l’heure. Et le succès de Phillips leur permettra d’arrondir leurs fins de mois d’une manière non négligeable.
Comment cette restructuration permettra-t-elle à Phillips de devenir plus rentable ?
Les profits sont générés par les ventes. Phillips est plus rentable, car avec une administration plus efficace et des frais généraux revus à la baisse les bénéfices sont plus importants. C’est fondamental.
Avez-vous une idée de l’ampleur de la baisse des frais généraux ?
Nous sommes une société privée, mais nous dirons qu’il y a eu une baisse significative des frais généraux : 50 ou 60 personnes en moins, et, comme vous le savez, un déménagement à Chelsea dans des espaces bien moins onéreux que nos locaux de la 57e Rue. La société n’a pas de dettes. Nous avons beaucoup de ressources et la possibilité d’opérer de manière très efficace. Nous nous préparons à ce que la majorité des affaires de l’entreprise soient des transactions privées, qui sont très profitables. Simon et Daniella travaillent depuis longtemps dans ce domaine avec le succès que l’on sait. Nous sommes d’ores et déjà largement en avance sur nos prévisions pour 2003 dans cette catégorie. Nous continuerons de prendre des commissions sur les ventes, et je pense que la combinaison de ces deux activités nous sera plus bénéfique que si nous avions poursuivi avec la même structure administrative.
Quel est le pourcentage en parts de marché contrôlées par Phillips ? Avez-vous un pourcentage en vue ?
Je ne sais pas quels sont les chiffres. Le marché des enchères est très variable. Les prix marteaux ont baissé ces dernières années, ce qui ne veut pas nécessairement dire que le marché est plus petit, mais que les prix pourraient diminuer. Notre objectif est de réaliser de bonnes ventes dans chaque catégorie. Il est juste de dire que nous ne pensons pas forcément que cette année sera idéale pour le marché, et ce pour les raisons que l’on connaît. Comme vous le savez, nous avons réussi à obtenir la collection de photographies Vivendi, l’une des plus importantes collections américaines, et nous nous en félicitons.
Depuis notre entretien avec Perry Lerner à la fin du mois de février, Phillips, de Pury & Luxembourg n’a pas semblé pouvoir empêcher l’hémorragie de ses experts. La maison de ventes a annoncé la fermeture de son département d’art suisse accompagné du départ de la spécialiste Irène Stoll. À l’instar du prince Dimitri, l’expert international David Bennett quittera le département de joaillerie cet été, après seulement un an d’exercice, pour laisser place à Stephen Giles. Le vétéran et ancien de Sotheby’s, Michel Strauss, s’est finalement décidé à rester au sein de la société en qualité de directeur international des départements de peinture, en dépit de l’organisation occasionnelle de ventes d’art impressionniste et moderne.
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Perry Lerner : Phillips, de Pury & Luxembourg se restructure
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°170 du 2 mai 2003, avec le titre suivant : Perry Lerner : Phillips, de Pury & Luxembourg se restructure