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ART DU XXE SIÈCLE

Perrotin organise un cycle du peu connu Lynn Chadwick

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 30 octobre 2024 - 629 mots

PARIS

« Scalène », premier chapitre d’une série de trois, regroupe une soixantaine d’œuvres de l’artiste, créées entre 1947 et 1962.

Paris. En 1956, Lynn Chadwick (1914-2003) obtient le grand prix international de sculpture à la Biennale de Venise. L‘année suivante, le Musée national d’art moderne de Paris lui consacre une importante exposition. Et puis quasiment plus rien depuis en France, où il n’y a d’ailleurs que sept ou huit de ses œuvres dans les collections publiques alors qu’on en compte 70 en Angleterre et 60 aux États-Unis. Les raisons? L’artiste était pour le moins rugueux, comme la surface de ses sculptures. Ensuite, la France s’est plus intéressée à Henry Moore et surtout « il a subi chez nous la concurrence forte de Giacometti, même si leurs œuvres sont très différentes », indique Matthieu Poirier, le commissaire de cet « Hypercycle », sorte de rétrospective internationale divisée en trois chapitres avec une série d’expositions qui, après Paris, se poursuivront à New York puis en Asie jusqu’en 2026.

Le premier d’entre eux se tient à Paris dans deux lieux distincts. À l’Hôtel de Sully, siège social du Centre des monuments nationaux, où l’on peut voir, dans les deux cours du site, un ensemble de huit sculptures de grandes tailles. Et le second à la galerie Perrotin où sont déployées une soixantaine d’œuvres d’un format plus domestique, intime, datées de 1947 à 1962, soit ses tout débuts.

Car avant d’être artiste, Chadwick avait d’abord été architecte, designer et même pilote dans la Royal Air Force. Cela laisse des traces et des pistes qui se révèlent ici d’emblée, notamment avec un petit dessin d’architecture de 1947 et surtout, inspiré par Calder, un mobile de 1952 pour lequel il déploie des lignes de façon aérienne. La ligne comme point de départ, si l’on peut dire, qu’on retrouve très vite dans l’une de ses rares œuvres en plâtre puis dans celles en fer, bronze, acier qui le voient transformer ses lignes en pattes pour faire atterrir et tenir debout ses sculptures. Elles évoquent alors l’humain ou l’animal, avec très tôt une volonté de styliser, de géométriser ses formes, d’où le titre donné par Matthieu Poirier à ce premier volet : « Scalène » qui caractérise un triangle dont les trois côtés sont inégaux. Comme un beau défi à l’équilibre avec ces figures et ces géométries instables qui donnent à chaque œuvre son pesant de fragilité, d’inquiétude, voire de tourment, accentué par l’aspect écorché des surfaces magnifiquement travaillées et le côté souvent anguleux des formes structurées par des tiges comme autant d’arêtes.

De salle en salle (les quatre au premier étage de la galerie), les sculptures sont présentées de façon très étudiée, souvent sur de grands socles spécialement conçus pour les mettre à hauteur de regard et jouer avec leur échelle. Elles sont principalement regroupées par thèmes : le passage du mobile au stabile, les animaux (chien, cheval, poisson…), les couples dont certains fusionnent tellement qu’ils ne font plus qu’un et tiennent sur trois jambes. Comme une évolution sentimentale qui progressivement métamorphoserait les corps et en ferait des êtres hybrides nés de la rencontre entre le constructivisme et une forme de naturalisme, de façon assez logique pour un artiste connaisseur de l’histoire de l’art, grand lecteur de Charles Darwin et passionné par la nature qu’il fréquentait assidument, vivant reculé dans son château, dans la région des Cotswolds où il s’était installé dès 1958.

Entre 65 000 et 3,9 millions de dollars, les prix peuvent paraître élevés, mais ils s’expliquent par le fait que si Lynn Chadwik est relativement peu connu en France, il a toujours été très présent sur la scène internationale avec de nombreuses expositions dans d’importantes institutions et des acquisitions par de grandes collections aussi bien publiques que privées. En témoigne d’ailleurs le passage très régulier de ses œuvres en ventes publiques.

Lynn Chadwick, Hypercycle Chapitre I : Scalène (1947-1962),
jusqu’au 16 novembre, Hôtel de Sully, 62, rue Saint-Antoine, 75004 Paris et galerie Perrotin, 76, rue de Turenne, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°642 du 1 novembre 2024, avec le titre suivant : Perrotin organise un cycle du peu connu Lynn Chadwick

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