Corée du Sud - Foire & Salon

ENTRETIEN

Patrick Lee : « Le marché coréen dispose d’un important potentiel de croissance »

Directeur de la foire internationale d’art Frieze Seoul

Par Rémy Jarry, correspondant en Asie du Sud-Est · Le Journal des Arts

Le 13 septembre 2023 - 811 mots

SEOUL / CORÉE DU SUD

À la veille de la 2e édition de la foire Frieze Seoul, son directeur évoque sa vision du marché et ses ambitions.

Patrick Lee. © Deniz Guzel, 2021
Patrick Lee.
© Deniz Guzel, 2021

Depuis sa nomination en 2021 et le lancement réussi de Frieze Seoul en 2022, Patrick Lee en est devenu la figure de proue. Directeur de galeries pendant quinze ans (One and J. de 2006 à 2019, puis Hyundai jusqu’en 2021), il a mis à profit son expertise développée au fil de la soixantaine de foires auxquelles il a participé et de son expérience au sein des comités des foires internationales comme Art Basel. Patrick Lee nous éclaire ainsi sur l’état actuel et les perspectives du marché de l’art de la 4e économie d’Asie.

Quelles sont les évolutions récentes les plus marquantes du marché de l’art en Corée du Sud ?

Le marché a beaucoup changé au cours des dix et surtout cinq dernières années. Connus pour leur appétence pour l’art contemporain et leur ouverture, les collectionneurs coréens sont désormais très bien identifiés. Stimulé par un renouvellement générationnel et un revenu disponible en croissance continue, le marché dispose d’un important potentiel de croissance. Par ailleurs, les contraintes légales et fiscales qui pèsent sur le marché immobilier rendent l’art encore plus attractif en tant qu’investissement. Je note enfin un ajustement salutaire entre les galeries et les maisons de ventes coréennes. Ces dernières ont décuplé le nombre de leurs ventes tout en consignant directement des œuvres auprès d’artistes contemporains, créant quelques tensions avec les galeries. Depuis un an, nous assistons à un rééquilibrage bienvenu entre le premier et le second marché.

Associez-vous le succès des « art toys » [figurines en édition limitée très populaires en Asie de l’Est] au développement du marché ?

Ces objets offrent un premier accès au monde de l’art. J’ai toujours été enthousiaste à leur égard et note qu’une frange de leurs acheteurs converge naturellement vers des œuvres plus pointues.

Qu’en est-il du marché des NFT et des plateformes numériques ?

Après un fort engouement, l’intérêt pour les NFT est indéniablement retombé. Mais les NFT ne sont qu’un outil technologique à la disposition des artistes, pas des œuvres d’art. Je pense donc que l’art numérique contribuera de plus en plus au développement du marché.
Quant aux plateformes numériques, elles se multiplient mais peinent toujours à se monétiser. Nous sommes encore au stade « Instagram », qui reste le réseau privilégié par les galeries pour la promotion et la vente d’œuvres en ligne.

De la K-pop à la K-beauty en passant par les K-dramas, la culture coréenne est plébiscitée partout dans le monde. Les arts visuels connaissent-ils un succès équivalent ?

La scène artistique coréenne dans son ensemble a été consacrée internationalement comme le montre « Only the Young: Experimental Art in Korea, 1960s-1970s », l’exposition actuelle du Solomon R. Guggenheim Museum sur les mouvements d’avant-garde coréens, et « Black Sun », celle de l’artiste contemporaine Mire Lee (née en 1988) au New Museum de New York. Cette ascension est également très soutenue par le gouvernement et une communauté de commissaires d’exposition et d’universitaires de renom. À sa manière, Frieze Seoul est aussi une validation de cette consécration internationale.

Peut-on ainsi parler de « K-art » ?

Ce n’est pas un terme que j’emploie particulièrement. Le monde de l’art a son propre mode de fonctionnement pour valider la qualité des œuvres et des artistes.

Qu’est-ce qui a motivé le lancement de Frieze Music à Séoul ?

Frieze a débuté comme magazine et reste ouvert au paysage culturel dans son ensemble, qu’il s’agisse de design, d’architecture, de cinéma ou de musique. Frieze Music a déjà eu lieu pendant les foires de Los Angeles et de Londres. J’ai souhaité l’intégrer à notre programme car la scène musicale est très importante à Séoul. Nous aurons ainsi un concert de l’artiste Colde grâce au soutien de notre partenaire BMW. À noter que notre première édition a été particulièrement bien reçue par les stars de la musique. Passionnés d’art, plusieurs artistes comme RM du groupe BTS sont venus sans que l’on ait eu à contacter leur agent.

Quels sont les autres atouts de Séoul ?

Le nombre de musées privés et publics, de fondations et d’ateliers d’artistes y est vraiment impressionnant. Cette riche offre culturelle me rend très optimiste pour l’avenir. Nous avons intégré cet écosystème à notre Frieze Week en collaborant avec plusieurs institutions et espaces non-commerciaux afin de relayer leurs manifestations auprès des visiteurs de la foire.

Quel est le degré d’ouverture de Frieze Seoul au reste de l’Asie ?

Frieze Seoul est le point d’ancrage de Frieze en Asie avec le potentiel de devenir une plateforme panasiatique de référence pour le marché de l’art international, pas seulement en Corée. Nous attendons d’ailleurs un nombre important de collectionneurs japonais, chinois et d’Asie du Sud-Est cette année. Parallèlement, Frieze Seoul établit un pont avec l’Occident pour les galeries non asiatiques souhaitant se développer sur le continent. Cela fonctionne dans les deux sens.

Frieze Seoul,
du 6 au 9 septembre, au COEX, 513, Yeongdong-daero, Gangnam-gu, 06164 Séoul, Corée du Sud.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°616 du 8 septembre 2023, avec le titre suivant : Patrick Lee, directeur de la foire internationale d’art Frieze Seoul : « Le marché coréen dispose d’un important potentiel de croissance »

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