Arts premiers

Passions tribales

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 6 janvier 2009 - 756 mots

Le marché des arts primitifs reste vigoureux pour les beaux objets d’Afrique et d’Océanie.

PARIS - « Dans la catégorie dans laquelle nous boxons, nous n’avons pas pris conscience de la crise », admet Bernard Dulon, marchand parisien. Expert d’une vingtaine de pièces d’art africain et océanien dans une vente du 17 décembre à Drouot chez Jean-Claude Binoche, il a cédé pour 150 000 euros un mannequin funéraire de 1,75 m dit Rambaramb provenant du sud de l’île de Malekula dans l’archipel du Vanuatu (Mélanésie). Cette pièce avait été récoltée en 1935 lors de l’expédition de la Korrigane. Deux semaines plus tôt, plus de 7 millions d’euros d’objets d’arts primitifs se sont vendus en trois jours à Paris chez Christie’s, Sotheby’s et Piasa. Preuve que le marché des arts premiers se maintient très bien.
En plus d’une belle sélection de pièces africaines et océaniennes, Christie’s offrait la collection d’art africain Alan Man. C’était sans doute la vente la plus saine et la plus tentante de la saison, avec des estimations très attractives, conduisant à peu d’invendus. Un rare et superbe grand masque du Détroit de Torres (Mélanésie) de la collection Gilbert Manley s’est envolé au double de son estimation à 343 000 euros, soit un record pour ce type d’objet. Issue de la collection Man, une statuette Luba (Congo), représentant une femme agenouillée à la très belle patine noire huileuse, est partie à 547 000 euros, son estimation haute. Chez Sotheby’s, l’Afrique est arrivée largement en tête avec une majestueuse tête d’ancêtre Nlo-Byeri, chef-d’œuvre de l’art sculptural Fang du Gabon provenant des collections Charles Ratton et Louis Carré, adjugée 768 750 euros contre une estimation haute à 500 000 euros. Notons ensuite une statue Fang du Cameroun qui a triplé son estimation sur une enchère de 426 750 millions d’euros et une belle statue Baoulé ou Senufo de Côte d’Ivoire partie à 300 750 euros au quadruple du prix attendu. « Cette œuvre a appartenu aux deux immenses personnalités du XXe siècle qui, dans les années 1960, se sont battues pour la reconnaissance des arts africains, Léopold Senghor au Sénégal et André Malraux en France [lire p. 18] », précise l’expert Marguerite de Sabran. La collection Pierre Parat de statues Mumuye et de poupées Namji, toutes deux découvertes à la fin des années 1960, a suscité de belles batailles d’enchères, telle une statue Mumuye de conception cubiste, adjugée 79 950 euros, au double de son estimation, et un très bel exemplaire de poupées Dowayo/Namji vendu 23 550 euros, quatre fois son prix.

Bornéo en retrait
En art océanien, l’œuvre la plus convoitée a été un important masque de l’île de Pentecôte au Vanuatu, vendu 198 750 euros au-delà de son estimation haute. Quelques autres objets de cette région, déjà vus dans la boutique d’un marchand durant la dernière édition de Parcours des Mondes en septembre 2008, n’ont pas trouvé preneurs. Plusieurs collectionneurs se sont battus pour une superbe massue de guerre Tonga de Polynésie, estimée 9 000 euros et emportée à 51 150 euros. Une section consacrée à une collection d’objets des îles Hawaï a quelque peu déçu. Estimé 75 000 euros, un petit bol Ipu’Aina, sculpté dans un bois très dense et serti de cinq dents humaines, ayant fait l’objet d’une contestation d’expertise, a été retiré la veille de la vente, par précaution, ainsi qu’un couteau scarificateur de la même région. Les collectionneurs sont aussi restés en retrait sur les pièces indonésiennes de Bornéo, « un marché étroit particulièrement dur à défendre en ces temps difficiles », note Marguerite de Sabran.
Cela a été un peu plus laborieux pour la collection Durand-Barrère, un ensemble modeste réuni par des expatriés dans les années 1950 et présenté à Drouot chez Piasa. « La veille, plus de 6 millions d’euros avaient été dépensés. Nous avons sans doute perdu quelques enchérisseurs après cela », souligne Pierre Amrouche, l’un des experts de la vente. Mais le lot phare, une grande et rare statue féminine Deble Senoufo, finement sculptée, issue de la région ivoirienne de Korhogo, est bien partie à 322 300 euros, son estimation.

Christie’s, le 4 décembre
Résultats : 2,3 millions d’euros
Estimation : 2,1 millions d’euros
Nombre de lots vendus/invendus : 200/34
Lots vendus : 85 %

Sotheby’s, le 4 décembre
Résultats : 4,1 millions d’euros
Estimation : 4 à 6 millions d’euros
Nombre de lots vendus/invendus : 108/76
Lots vendus : 60 %

Piasa, le 5 décembre
Résultats : 709 000 euros
Estimation : 1,5 million d’euros
Nombre de lots vendus/invendus : 45/28
Lots vendus : 61 %

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°294 du 9 janvier 2009, avec le titre suivant : Passions tribales

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