L’été, la plupart des professionnels de maisons de ventes ne débranchent pas, au contraire. Les commissaires-priseurs savent mettre à profit leurs séjours estivaux pour s’attacher leur clientèle.
Si la plupart des maisons de ventes ferment durant un mois au cours de l’été, nombre de dirigeants et de commissaires-priseurs en profitent pour multiplier les contacts professionnels. L’activité est même à son comble dans les villes côtières, où se concentrent les vacanciers.
« Nous sommes proches de la mer, mais pas au bord de mer », expose le commissaire-priseur François-Xavier Duflos installé à Nantes, une ville qui se vide en été. Aussi, depuis six ans, organise-t-il des ventes aux enchères à Noirmoutier, en Vendée, et, cette année pour la première fois, à l’île d’Yeu. « Ce sont des ventes de marine et d’objets de charme destinés à agrémenter les résidences secondaires. Au-delà de l’aspect économique, on voit des gens nouveaux, décontractés. C’est agréable. »
C’est à Deauville que Delphine de Courtry, la plus mondaine des commissaires-priseurs de la maison Piasa, passe ses vacances. Elle y partage avec son mari sa passion pour le cheval, « qui [lui] fait rencontrer du monde ». Cavalière émérite et joueuse de polo, elle ne manque pas une vente de yearlings et assiste aux courses hippiques. Les nombreux dîners conviviaux font partie du circuit. « Ces activités qui restent des moments de détente favorisent les contacts. Des liens se tissent au fil du temps », ajoute-t-elle. Commissaire-priseur à Fontainebleau, Jean-Pierre Osenat aime, même en vacances, garder un pied au bureau : il revient deux jours par semaine à Paris. Sa passion pour les vieux bateaux le conduit à naviguer sur le bassin d’Arcachon à bord d’un Riva Aquarama des années 1960, « la “Rolls des mers” ». Sur place, il ne manque pas de faire la promotion de ses ventes bellifontaines de canots automobiles de collection (qui ont lieu quatre fois l’an).
« Retrouver des clients »
Claude Aguttes, commissaire-priseur hyperactif à Neuilly-sur-Seine, Paris (Drouot) et Lyon, reste toute l’année « branché en permanence sur [s]a boîte mail, le téléphone portable toujours allumé ». L’an dernier, son épouse et lui avaient s’étaient réservé une semaine en Italie pour aller voir les fresques de Mantegna. Le voyage fut annulé à la dernière minute au profit d’un inventaire à effectuer à Mulhouse, suivi de la visite d’une collection avignonnaise, laquelle a débouché sur la vente de la collection Chirée en mars 2011 (3,4 millions d’euros de recette).
Cette année, le couple a prévu de passer quelques jours en famille à l’île de Ré (Charente-Maritime). « C’est un lieu qui me convient, car je sais que je vais y retrouver des clients », se rassure-t-il. Amoureux des vieilles pierres, il se retire aussi en août dans son château XVIIIe de Blanzat (Puy-de-Dôme), classé momument historique, où il reçoit très souvent des clients. À 10 kilomètres de là, il possède un autre joyau patrimonial, le château fort de Tournoël dont il achève les restaurations. L’édifice est ouvert au public. Lorsque Claude Aguttes achève une visite, il explique aux visiteurs qu’il est commissaire-priseur et les invite à lui proposer des tableaux.
Le commissaire-priseur parisien Rémy Le Fur a quant à lui pour destination la Grèce, où il retrouve une maison pleine d’amis en août. « Je ne quitte pas mon portable. Même quand je vais me baigner, je le pose sur le rivage où je peux l’entendre sonner. Il m’est déjà arrivé de laisser mes invités en carafe pendant trois jours, le temps d’un rendez-vous clientèle ou d’un inventaire en France, et de revenir. » Également en séjour en Grèce et prêt à sauter dans un avion sur un coup de fil, son confrère parisien Christophe Joron Derem accueille ses clients en villégiature, « à condition qu’ils soient aussi des amis », ceci afin de « joindre l’utile à l’agréable ». « Le fait d’avoir noué des contacts l’été permet aux gens de se rappeler de vous en hiver », assure-t-il.
Séduire les décorateurs
À Cannes, Jean-Pierre Besch ne prendra de vacances que la dernière semaine d’août, après ses ventes de prestige. La saison estivale compte pour un bon tiers dans son chiffre d’affaires annuel, les Parisiens et les Anglais en résidence secondaire représentant ses principaux clients. Selon la qualité des lots qu’il propose, le commissaire-priseur attire une clientèle plus internationale. La Côte d’Azur fait aussi venir les marteaux parisiens. Marc-Arthur Kohn a longtemps organisé des vacations à Cannes. Cette année, il tentera sa chance à Monte-Carlo. Du coup, Olivier Collin du Bocage occupe la place laissée vacante, en animant cinq jours de vente à l’hôtel cannois Majestic, début août. Depuis six mois, il rassemble des lots haut de gamme (7 millions d’euros d’estimation) pour tenter de séduire la clientèle fortunée de passage (chinoise, russe et du Moyen-Orient) et les décorateurs qui meublent les propriétés de la région. Car les grands collectionneurs possèdent des villas sur la Côte d’Azur, notamment à Saint-Tropez. De passage dans la station balnéaire, un cadre d’une grande maison de ventes internationale peut s’étonner d’y croiser en quelques jours plus de clients que dans le reste de l’année. Parmi ces riches collectionneurs figurent François Pinault, Bernard Arnault, Dimitri Mavrommatis, Monique Barbier-Mueller… et, dans leur sillage, François Curiel et Charles Cator, deux des dirigeants de Christie’s International. Autre lieu accélérateur de contacts : Monaco, avec ses milliardaires et ses galas très courus.
Propriétaire d’une maison à Saint-Tropez, Francis Briest, coprésident d’Artcurial, passera aussi du temps au Donjon de Vez (Oise), sa propriété, « pour suivre le montage de l’exposition “Small Medium Large”, qui ouvre début septembre. En effet, durant l’été arriveront les œuvres monumentales (notamment de Bernar Venet, Johana Vasconcelos, Arne Quinze et Julian Opie), qui seront installées par les artistes dans le parc de ce monument historique ». Bourreau de travail, Thomas Seydoux, directeur international du département art moderne et contemporain de Christie’s, s’octroie de courts séjours dans sa propriété du Midi et sur des rallyes de vieilles voitures, préférant rendre visite à des clients-amis. « Je n’arrive pas à faire des coupures totales : je suis mal à l’aise, d’une humeur de chien. J’ai besoin de bosser pour me sentir en vie. Si je ne faisais pas un métier qui me passionnait, je pense qu’il en serait autrement. »
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Pas tout à fait en vacances
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Abonnez-vous dès 1 €Pont-Île-de-Ré - © photo Own work - 2004 - Licence CC BY-SA 3.0
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°351 du 8 juillet 2011, avec le titre suivant : Pas tout à fait en vacances