La 5e et dernière édition du salon parisien qui doit rejoindre dès l’an prochain la Biennale des antiquaires au Grand Palais aura connu moult rebondissements.
PARIS - La 5e édition de Paris Tableau qui se tenait du 11 au 15 novembre au Palais Brongniart a connu bien des rebondissements. Le vendredi 13 en fin d’après-midi, en plein salon, les organisateurs ainsi que le SNA (Syndicat national des antiquaires) sont venus mettre fin à la question qui brûlait toutes les lèvres : quel devenir pour Paris Tableau face à l’annualisation de la Biennale ?
En effet, les deux organisations ont annoncé ensemble que Paris Tableau intègrera la prochaine édition de la Biennale des antiquaires, convaincu que cette dernière va redonner toute sa place à la peinture ancienne, une spécialité qu’elle avait quelque peu délaissée. « Cette décision est la démonstration que l’intérêt général prime sur l’intérêt privé, cet intérêt général étant d’avoir un salon annuel de grande qualité à Paris », a commenté Dominique Chevalier, président du SNA. Pour l’heure, il n’a pas été décidé si les membres de Paris Tableau qui devront comme tous les autres exposants être sélectionnés par la commission d’admission présidée par Henri Loyrette seront regroupés ou non sous la nef du Grand Palais. Le SNA s’est également engagé à maintenir le traditionnel colloque sur la peinture ancienne, organisé par la société Paris Tableau pendant la tenue de la Biennale, l’une des réussites de la manifestation qui attire nombre de conservateurs de musées tant français qu’étrangers.
Puis, suite aux événements tragiques survenus un peu plus tard dans la soirée de ce même vendredi à Paris et aux recommandations de la préfecture de police et du ministère de la Culture, les organisateurs ont pris la décision d’évacuer le Palais Brongniart à 15h le samedi, alors qu’il avait ouvert normalement ses portes le matin à 11h. Il n’a pas rouvert le dimanche, dernier jour de l’exposition. Seuls les collectionneurs qui avaient rendez-vous avec un marchand ont pu pénétrer dans le lieu qui a fermé définitivement ses portes à 16h. « La dernière édition de Paris Tableau sous cette forme ne s’est malheureusement pas terminée de la manière la plus heureuse qui soit », a commenté Mehdi Korchane (galerie Michel Descours). Cette sage décision n’étant pas sans conséquence du point de vue commercial, bien évidemment.
Appel à souscription
Dès le soir du vernissage d’ailleurs, un événement inédit dans le cadre d’une foire s’était produit : Jean-Pierre Cuzin, expert en peinture et ancien conservateur en chef du département des peintures du Louvre, ainsi que Guillaume Kientz, actuel conservateur dans ce même département au Louvre, ont organisé une souscription auprès des visiteurs afin de récolter des fonds pour acheter au profit du Musée des beaux-arts de Lyon une œuvre de Claudius Jacquand, Un soldat soigné par une religieuse dans un cloître (1822), présentée sur le stand de la galerie Michel Descours (Lyon). Ce cloître n’est autre que celui du Palais Saint-Pierre qui abrite le musée depuis le XIXe siècle. Sollicités à hauteur de 100 euros chacun, les donations des visiteurs généreux ont rapidement atteint le prix affiché, soit 15 000 euros, lorsque Jean-Luc Baroni en a offert 10 000. L’opération a duré au total 1h30, avec l’aide de 56 mécènes. La galerie Descours a continué sur sa lancée, vendant d’autres œuvres, comme L’Obole de la veuve, 1840, de François-Joseph Navez. La galerie présentait par ailleurs un important tableau caravagesque d’Adam de Coster, Saint François en méditation à côté du frère Léon (autour d’1 million d’euros).
« Si cette année reste une belle édition, on sentait qu’elle n’avait plus le feu sacré », constatait Nicolas Joly, expert en tableaux anciens. Certainement, déjà, les marchands étaient tournés vers l’avenir, pensant à la prochaine Biennale. « Les exposants eux-mêmes se sentaient soulagés à l’idée de fusionner avec la Biennale », notait un connaisseur du marché. Les galeries de peinture italienne, nombreuses, se disaient satisfaites du niveau de leurs transactions, comme Giacometti (Rome), qui a notamment vendu Le Christ descendant dans les limbes de Solimena, vers 1710, Carlo Virgilio (Rome) qui a cédé une série d’études de bras et jambes, par Vincenzo Camuccini (1771-1844), très moderne ou Porcini (Naples), qui s’est séparé d’un Bon Larron, de Michelangelo Cerquozzi (1602-1660). Quant aux galeries anglo-saxonnes, elles ne cachaient pas le fait d’être présentes cette année, davantage dans le but d’acheter que de vendre.
Le plus beau tableau était sans conteste Paysage d’hiver, de Cézanne chez Art Cuéllar-Nathan (Zurich), issu de la collection d’Ambroise Vollard, en vente pour 3 millions d’euros, tandis qu’Agnews proposait une vue intérieure du Panthéon par Panini (300 000 euros) et que la galerie Aaron (Paris) dévoilait un stand de haute tenue, dont une œuvre de grand format de l’artiste méconnu Hilaire Ledru, Indigence et Honneur, 1804. Car Paris Tableau c’était aussi cela, un lieu de découverte, un salon lors duquel les marchands pouvaient présenter des artistes plus confidentiels, « des seconds couteaux tout à fait talentueux », comme le disait Jacques Leegenhoek, en raison du niveau d’érudition du public.
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Paris Tableau se désintègre
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Abonnez-vous dès 1 €Claudius Jacquand, Un soldat soigné par une religieuse dans un cloître (vue du cloître du palais Saint-Pierre), 1822, huile sur toile, 42 x 32 cm. Courtesy Galerie Michel Descours, Lyon.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°446 du 27 novembre 2015, avec le titre suivant : Paris Tableau se désintègre