PARIS
Cette édition post-Covid-19 du salon de référence de la photographie donnait à voir un ensemble d’œuvres de qualité.
Paris. L’édition 2022 de Paris Photo a confirmé une nouvelle fois le rendez-vous incontournable qu’elle est pour les institutions, les commissaires et les collectionneurs, mais aussi pour les amateurs. Mieux valait d’ailleurs avoir pris son billet à l’avance si on voulait accéder, certains jours, à la foire compte tenu des espaces limités du Grand Palais éphémère. La 25e édition s’est achevée sur une fréquentation de 61 000 visiteurs selon les organisateurs (contre 58 000 en 2021, soit une hausse de 5 %).
Après deux ans de crise sanitaire et ses contraintes de déplacements, le petit monde de la photographie s’est retrouvé et a circulé entre les deux secteurs qui composaient la foire : le secteur des galeries dans la nef principale et celui des éditeurs sous la tente. Les Américains, clientèle de poids du secteur, étaient de retour comme les Européens. Il régnait une belle énergie et le contenu offrait, comme à l’accoutumée, un large panel des différentes pratiques et usages de la photographie et de l’image, du XIXe siècle à nos jours, avec pour la partie moderne et contemporaine des artistes de différentes nationalités bien que la scène anglo-saxonne soit de loin la plus représentée. Cette édition était l’une des plus réussies depuis la création de la foire en 1997 par son contenu et la clarté des stands dans leur présentation d’œuvres. Moins de photographies étaient exposées tandis que les stands avec de solides propositions étaient plus nombreux.
Les réappropriations des techniques du XIXe siècle par la nouvelle génération de photographes étaient particulièrement bien représentées cette année, ainsi que le développement du médium sur différents supports, comme le rouleau de métal pour la jeune Chinoise Chen Xiaoyi (galerie A Thousand Plateaus Art Space, Chengdu) dans le secteur « Curiosa ». La galerie Setareh (Düsseldorf, Berlin) présentait des pièces récentes de Philipp Goldbach, Peter Miller et Sebastian Riemer questionnant les fondements et les évolutions de la photographie dont l’impressionnante installation de Philipp Goldbach de la diapothèque entière de l’Institut d’histoire de l’art de l’université de Bonn, reconstituée en un mur composé de ses 240 000 reproductions d’œuvres d’art.
Les conflits passés ou actuels étaient également plus présents dans les œuvres exposées. La lutte de l’Ukraine pour son indépendance vue par Boris Mikhaïlov (Suzanne Tarasieve, Paris) ou le génocide rwandais abordé par Barry Salzman (Deepest Darkest, Le Cap, Afrique du Sud) au travers de la découverte d’un charnier en 2018, offraient des installations « coup de poing », tandis que la galerie barcelonaise Rocio Santa Cruz montrait un ensemble inédit de photographies de la guerre d’Espagne d’Antoni Campañà et que la galerie Éric Dupont (Paris) présentait un extrait du travail de Mathieu Pernot, réalisé en 2021, dans les ruines du Moyen-Orient.
Les femmes derrière, ou devant la caméra, étaient plus nombreuses, surtout celles des années 1970-1980 que ce soit dans leurs luttes ou dans leurs récits intimes. Parmi les inédits exceptionnels, remarqués dès le premier jour, les autoportraits de l’Américaine Melissa Shook (1938-2020) et les photographies de sa fille chez Miyako Yoshinaga (New York), réalisés pour exorciser l’amnésie post-traumatique causée par mort de sa mère quand elle avait douze ans, ou encore, chez Julian Sander (Cologne, Allemagne), les tirages d’exposition de la série « Portraits au temps du sida » de Rosalind Fox Solomon, objet par ailleurs d’une belle exposition au sein de Paris Photo par la fondation américaine Muus Collection, détentrice d’archives de photographes américains. Les pièces exceptionnelles ne manquaient pas, toutes périodes confondues, et ont trouvé preneurs ou, du moins, des intérêts qu’il restait à confirmer. A été ainsi vendue, dès le premier jour, chez Peyroulet & Co (Paris), La Nébuleuse de Raoul Ubac (1939).
Les galeries françaises offraient un beau panorama de la scène française dans toute sa diversité, du Réverbère (Lyon) aux galeries parisiennes Binôme ou Camera Obscura, avec, chez Christophe Gaillard (Paris), les derniers travaux de Stéphane Couturier [voir ill.] ou de Smith, et deux solo shows particulièrement remarqués : celui d’Orlan chez Ceysson & Bénétière (Paris, New York…) et celui de Nicolas Floc’h (galerie Maubert, Paris). Paris Photo contribue ainsi à renforcer la visibilité de certains artistes, à susciter des propositions d’exposition par des musées et à faire émerger des photographes de toutes générations comme les Belges Mark van den Brink ou Jacques Sonck (Fifty One, Anvers), ou à faire découvrir des mouvements artistiques d’avant-garde tel que le collectif roumain Sigma des années 1972-1978 (Jecza, Timisoara).
De manière générale, le niveau des achats ou promesses d’achat a été soutenu, pour des prix s’échelonnant de 1 000 à 150 000 euros pour les plus élevés, à l’instar de la série sur le sida de Rosalind Fox Solomon. Dans le même temps, la vente de la collection de François Lepage, chez Millon, a dépassé son estimation de 900 000 euros pour atteindre près deux millions d’euros. Un daguerréotype d’Alphonse-Eugène Hubert de 1839-1840, estimé entre 60 000 et 80 000 euros a été adjugé 420 000 euros à un musée américain au terme d’une bataille d’enchères avec un collectionneur français.
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Paris Photo 2022 tient son rang
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°599 du 18 novembre 2022, avec le titre suivant : Paris Photo 2022 tient son rang