Paris : le réveil de juin

Premières adjudications de l’été

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1996 - 826 mots

Au terme d’une longue et morne saison, le marché parisien s’est enfin réveillé en juin. Parmi les nombreux meubles, objets et tableaux, souvent ordinaires, proposés aux amateurs et aux marchands, s’en trouvaient d’autres, plus rares, de meilleure qualité, et donc plus recherchés.

PARIS - En tant que spécialiste de l’estampe, Me Jean-Louis Picard est en passe de s’affirmer comme le premier commissaire-priseur de Paris. Sa troisième vente de l’année dans ce domaine, le 13 juin, qui était également sa dixième vacation consacrée à la succession d’Henri Petiet, comprenait 221 gravures ayant appartenu à ce grand collectionneur d’art, de voitures et de trains miniatures.

Amateur d’estampes depuis 1919, Henri Petiet s’était installé comme marchand en 1925 afin de mieux satisfaire ses désirs de collectionneur. À cette prestigieuse provenance s’ajoutaient, le 13 juin, non seulement la qualité et la condition, souvent exceptionnelles, des pièces proposées, mais aussi leur très grande diversité, ce qui a beaucoup intéressé les acheteurs, particuliers et marchands européens et américains : la vente a réalisé un produit de 4 103 000 francs, soit 92,85 % en valeur.

La Bibliothèque nationale de France a préempté cinq lots, dont Nature morte, 1914, une lithographie de Roger de La Fresnaye, à 39 000 francs, et Les joueuses de flûte, 1904, une eau-forte et aquatinte de Marie Laurencin à 26 500 francs. Trois préemptions ont également été faites en faveur de la Bibliothèque d’art et d’archéologie. Par ailleurs, Nu au coussin bleu à côté de la cheminée, 1925, une lithographie d’Henri Matisse, a été adjugée 340 000 francs, et La petite blanchisseuse, 1896, de Pierre Bonnard, 240 000 francs.

Le marché orientaliste saturé
La peinture orientaliste, en plein essor depuis quelques années, marque le pas. L’importante quantité de tableaux venus sur le marché ces derniers mois semble avoir saturé ce secteur. Seules 140 des 339 œuvres de la vente de Mes Gros et Delettrez, les 21 et 22 avril, ont trouvé preneur. 200 tableaux devant être à nouveau mis en vente par la même étude le 25 juin, il n’était pas surprenant que les tableaux orientalistes proposés par Me Jacques Tajan dans sa vente "Art de l’Islam", le 10 juin, en pâtissent. Sur les 84 tableaux, sculptures, aquarelles et dessins orientalistes, 28 seulement se sont finalement vendus. Un très beau paysage d’Eugène Fromentin, Coup de vent dans les plaines d’Alfa, a été adjugé 100 000 francs, son estimation basse. Une toile de l’Américain Frederick A. Bridgman, Nu au guéridon, issue d’une collection privée et estimée – très modestement – entre 60 000 et 80 000 francs, n’a pas trouvé preneur. Les céramiques ont également déçu : le beau plat d’Iznik, estimé entre 80 000 et 100 000 francs, qui figurait sur la couverture du catalogue, est parti à 57 000 francs, et deux autres plats du même genre sont restés invendus. Les armes ont fait de meilleurs résul­tats : une paire de pistolets à silex turcs, 1808-1839, a été adjugée 23 000 francs, au-dessus de son estimation haute, un moukahla, (un fusil à silex marocain) s’est vendu 10 000 francs. La vacation a produit un total de 1 442 500 francs, avec 146 lots vendus sur 290.

Mobilier et objets d’art
Mes Berlinghi et Lucien, à Nogent-sur-Marne, seraient-ils en train de lancer une véritable mode avec leurs ventes de mobilier et d’objets Second Empire ? La dernière en date, le 8 juin, a enregistré une augmentation importante des prix pour les souvenirs historiques liés à Napoléon III, tels ce panneau de soie tissée représentant la famille impériale, estimé entre 8 000 et 9 000 francs et payé 10 500 francs, ou encore une paire de boutons de manchettes frappés du portrait de l’Empereur, et portant l’inscription "Napoléon ad vitam aeternam. Amen", estimée entre 1 500 et 1 800 francs, adjugée 2 000 francs. Le mobilier du train impérial, une suite de deux fauteuils et douze chaises, style Renaissance, une coiffeuse et un lit en palissandre, style Louis XV, ont tous été préemptés par la Caisse des monuments historiques pour meubler le château de Pierrefonds, à 112 000 francs, 26 000 francs et 7 600 francs.

Hercule et Persée
D’autres meubles et objets dispersés à Drouot ont fait de bons résultats. Le 12 juin, dans une vente de tableaux et de mobilier XVIIIe siècle, chez Mes Rieunier, Bailly-Pommery, Matthias, Le Roux et Oger, Dumont – qui n’ont pas réussi à vendre le très beau portrait présumé de Francesco de Médicis attribué à Giovanni Battista Moroni –, une rare paire d’armoires en acajou, Louis XVI, estampillées Leleu, s’est vendue 981 000 francs, un peu en dessous de son estimation. Lors d’une vacation organisée le 14 juin par Mes Couturier et Nicolay, qui comprenait également du beau mobilier classique XVIIIe siècle, deux groupes en bronze, Hercule tuant l’Hydre de Lerne et Persée tuant le dragon, publiés dans le catalogue sans aucun descriptif d’expert, sont partis à 1 220 000 francs, contre une estimation de 80 000 à 100 000 francs seulement chacun.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°27 du 1 juillet 1996, avec le titre suivant : Paris : le réveil de juin

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