Succès pour les ventes Rateau, Degas et celle d’un tableau de Bassano, ainsi que pour les ventes de mobilier et d’objets d’art. En revanche, les ventes de tableaux modernes ont obtenu, à quelques exceptions près, des résultats souvent médiocres.
PARIS - Triomphe, le 19 décembre au George V, pour Me Jacques Tajan, qui a réalisé un produit de 8 392 873 francs, frais compris, lors de sa vacation de 19 œuvres de Degas, en provenance de la collection d’Arlette Nepveu-Degas, petite nièce du peintre. L’autoportrait vers 1857-1858, huile sur papier marouflé sur toile, s’est honnêtement vendu à 2 millions de francs, contre une estimation de 2,5 à 3 millions de francs. Mais l’autoportrait vers 1854-1855, au fusain et à l’estompe, estimé entre 250 000 et 300 000 francs, s’est envolé à 1,2 million de francs. L’autoportrait au crayon noir de la même époque a doublé son estimation basse pour atteindre 400 000 francs.
Des 23 objets d’Armand Rateau proposés le même soir, 21 ont trouvé preneur, souvent à des prix mirobolants, pour un total, frais inclus, de 18 666 276 francs. Une table de toilette à plateau de granit gris, reposant sur un entablement en bronze, a laissé loin derrière elle son estimation de 600 000 à 800 000 francs, pour être finalement adjugée 1 850 000 francs. Une table liseuse, son plateau en poirier noirci et le piétement en bronze, estimée au même niveau, a atteint 1,7 million de francs, tandis qu’une paire de jardinières a plus que triplé son estimation haute à 3 150 000 francs.
Le lendemain, Me Tajan adjugeait 10,8 millions de francs un tableau de Jacopo Bassano, Deux chiens se reposant près d’un tronc d’arbre, qui a été préempté par l’État. Autrefois attribuée à Titien, cette toile (61x79,5 cm) est désormais considérée comme le premier portrait de chien exécuté par Bassano, et le premier dans l’histoire de la peinture.
Face à une telle euphorie, le monde du tableau moderne a paru bien triste à Drouot. Exception qui confirme la règle, la vente de tableaux et sculptures du XIXe et XXe siècle de Me Picard, le 25 novembre, a enregistré quelques beaux résultats – Cannes. Le Suquet vu du Palm Beach de Van Dongen, par exemple, estimé entre 600 000 et 800 000 francs, a été adjugé 1 million de francs –, avec 84,5 % des lots vendus en termes de valeur. Mais le même jour, à Drouot-Montaigne, Me Briest n’ a trouvé preneur que pour 21 de ses 68 tableaux impressionnistes et modernes.
Déprime également, le 27 novembre, chez Me Binoche, dont le Portrait de Madame H.P. de Picasso, 1952, a été adjugé 18,8 millions de francs, (20 580 000 francs avec les frais), bien en-dessous de son estimation de 20 à 25 millions de francs. Déception finalement, le 28 novembre, pour Me Loudmer, qui n’a vendu que la moitié des dix tableaux exceptionnels de la collection d’Adrien Maeght pour un total de 7 510 000 francs, contre une estimation globale d’entre 31 et 37, 5 millions de francs.
Porcelaine des Médicis
Les amateurs étaient au rendez-vous, en revanche, pour la très riche et très éclectique collection de Louis et Geneviève Rodis, dispersée par Me Guy Loudmer le 6 décembre. Comprenant aussi bien de l’archéologie que des monnaies grecques, de l’art primitif africain et précolombien, et des aquarelles d’artistes contemporains, la collection s’est vendue à quatre-vingt pour cent, et à de bons prix.
Comme toujours, Drouot a réservé quelques surprises, parmi des lots de bien moindre importance. Les œuvres de Caillebotte, artiste salué récemment par une rétrospective majeure au Grand Palais, sont rares sur le marché. Son tableau La plage de Trouville, vue de la corniche, 1882, estimé entre 1,8 et 2 millions de francs, a été adjugée 2,3 millions à un amateur français le 8 décembre, chez Me Boisgirard.
Bodegon à la coupe de pommes, aux plats de prunes et à la guirlande de cerises, 1627, un tableau de l’important peintre espagnol d’origine flamande Juan van der Hamen y Leon, qui a enrichi la nature morte espagnole par des objets de luxe et une grande vivacité de coloris, a été adjugée 1,5 million de francs, son estimation basse, le 2 décembre chez Mes Rieunier, Bailly-Pommery, Mathias et Leroux. Chez Me Ferri, le 9 décembre, un très rare plat rond en pâte tendre de Florence, de l’atelier de porcelaine des Médicis, vers 1570-1580, estimé à 1,5 million de francs, a trouvé preneur à 900 000 francs.
Du beau mobilier XVIIIe
C’est particulièrement dans le domaine du meuble que décembre s’est avéré un mois faste pour Drouot. Seuls 4 lots sur 184, dans la très belle vente du 9 décembre des Études Couturier Nicolay et Oger-Dumont, réunies pour la circonstance, de dessins, tableaux, céramique, orfèvrerie, meubles et objets d’art, sont restés invendus. Une commode Régence, estampillée L. Delaitre, estimée entre 500 000 et 600 000 francs, a été adjugée 520 000 francs ; un buste de Madame Ramié par Joseph Chinard, estimé entre 300 000 et 400 000 francs, a été adjugé 420 000 francs.
Le 14 décembre, Mes Delorme et Fraysse ont adjugé 3 100 000 francs une rare paire de commodes Régence – dont l’une est estampillée Gillet et estimée entre 3 et 4 millions de francs –, qui provenaient de la collection d’Eugène Kraemer. Lors de la même vente, qui a totalisé plus de 8 millions de francs, soit 90 % de vendus, Les enfants jouant avec un chat, une huile sur cuivre par Jean-Honoré Fragonard, a plus que doublé son estimation pour atteindre 2 280 000 francs.
1. Juan van der Hamen y Leon, Bodegon à la coupe de pommes, aux plats de prunes et à la guirlande de cerises, 1627, toile, 61 x 97,5 cm, Rieunier, Bailly-Pommery, Mathias Leroux, Paris, 2 décembre, 1 642 425 F. (Est. 1,5 - 2 000 000 F)
2. Plat rond en pâte tendre, vers 1570-80, Florence, porcelaine des Médicis, Ferri Paris, 9 décembre, 985 455 F.(Est. 1 500 000 F.)
3. Idole de Piravend, Louristan, IXe-VIIIe siècle av. J.-C., statuette féminine en bronze, H. 12 cm (Provenance : ancienne collection André Derain), Loudmer, Paris, 6 décembre, 250 000 F (Est. 140 000-180 000 F)
4. Wassily Kandinsky, Die rote Form, 1938, huile sur toile, 81 x 60 cm, Loudmer, Paris, 28 novembre, 2 529 335 F. (Est. 4-5 000 000 F.)
5. Georges Braque, Nature morte sur une table, 1927, huile sur toile, 26 x 65 cm, Briest Paris, 25 novembre, 2 189 900 F. (Est. 800 000 - 1 200 000)
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Paris Degas et Rateau spectaculaires
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Paris Degas et Rateau spectaculaires