Dans le périmètre serré des ruelles de Saint-Germain-des-Prés, Kaos Parcours des Mondes joue le grand écart de l’Afrique à la Chine.
Bien que les arts primitifs restent plus abordables que l’art contemporain, les tarifs peuvent laisser songeur, surtout au regard des records millionnaires enregistrés en juin à Paris. Néanmoins, en quittant le panthéon labellisé des Punu, Fang et autres Kota, les esprits affranchis peuvent débroussailler d’autres recoins de l’Afrique, voire prendre le large pour l’archipel océanien. « Il faut se laisser aller à l’aventure. Rien ne justifie a priori qu’un masque vaille 2 millions d’euros par rapport à d’autres choses. Si on ne cherche pas une sculpture Fang ou un masque Punu, il y a moyen de se faire une collection de sensibilité. L’Afrique est vaste », remarque Claudine Lebas, directrice de L’Accrosonge. Celle-ci propose différents objets issus d’Afrique de l’Est dans une gamme allant de 300 à 35 000 euros.
Le marchand Renaud Vanuxem conseille de lorgner vers le nord du Nigeria, du côté des ethnies Mama, Mumuye ou Chamba. Dans le cadre de Kaos, il présentera pour 10 000 euros une intrigante statue Keaka du Nigeria, recouverte d’une croûte sacrificielle. Une œuvre non stéréotypée que l’œil focalisé sur les grandes figures classiques ne peut apprécier à sa juste valeur. « C’est un travail original, libre, qui peut désarçonner. Il y a peu de travail livresque autour de ça. Les gens préfèrent les objets évidents », regrette Renaud Vanuxem. De son côté, son confrère Johann Levy arbore pour environ 25 000 euros un masque Mumuye sorti d’Afrique voilà moins de cinq ans. « La majorité des masques Mumuye est sortie dans les années 1990. Les prix ne sont pas chers car ces œuvres ne sont pas encore rentrées dans l’histoire de manière muséale. Si une ethnie n’est pas sacralisée par les musées ou par un prix record en vente publique, le grand public ne se sent pas à l’aise », déplore ce marchand de la rue Mazarine.
Pour qui daigne quitter les sentiers balisés, Maine Durieu affiche des spécimens de son exposition consacrée aux bronzes Gan du Burkina Faso, objets de pouvoir ou fétiches de protections qu’on peut acheter entre 300 et 8 000 euros. Inspirés de l’ondulation du serpent, les motifs se déclinent en arabesques, torsades et spirales. « Les gens se tournent vers ce type d’objets lorsqu’ils ne trouvent plus ce qu’ils veulent dans le bois à des prix raisonnables », remarque Maine Durieu.
De même, il serait profitable d’élargir les frontières au-delà de l’Afrique noire, vers le Nouveau Continent, en terre Hopi.
Un détour par les tribus Hopi et Zuni
Dans les contrées désertiques de l’Arizona, les esprits Kachina sont sollicités par les tribus Hopi et Zuni, pour obtenir fertilité et fécondité. Le terme de Kachina désigne tout à la fois l’esprit du dieu invoqué, le danseur qui l’incarne lors des festivités et les poupées rituelles offertes aux enfants lors des cérémonies. Ces instruments d’apprentissage d’aspect facétieux sont entre 2 000 et 15 000 euros à la galerie Flak.
Une virée vers l’océan Pacifique garantit des découvertes, même si le nombre d’œuvres disponibles sur le marché est moindre que pour l’Afrique. Le spécialiste en art océanien, Anthony Meyer, affiche une quinzaine de pièces du Maître de la Mélanésie dans une gamme de 2 500 à 200 000 euros. Les petits portefeuilles gagnent à s’orienter vers les objets ethnographiques de l’archipel océanien. « Les jeunes collectionneurs peuvent commencer avec un petit pendentif avec une nacre simple pour 150 euros. On peut se faire plaisir avec des objets rares, authentiques, à des prix encore abordables », commente Jean-Édouard Carlier, directeur de la galerie Voyageurs et Curieux. Dans sa galerie conçue sur le principe d’un cabinet de curiosités, on peut ainsi chiner des massues des îles Fidji pour 1 400 euros ou des peignes entre 500 et 1 500 euros. Qui dit ethnographie, ne dit pas seulement objet utilitaire, ces objets pouvant avoir une dimension rituelle. Certaines massues étaient usitées dans les danses et les cérémonies. Les bijoux pouvaient servir de monnaie d’échange, mais intervenir aussi dans les rituels d’initiation. Les objets ethnographiques ont une cote grandissante depuis 1998-1999, comme le montrent certains résultats surprenants en vente publique. En juin dernier, une massue Maori en os de baleine s’est ainsi propulsée à 72 917 euros. « Ce type d’objet n’aurait pas fait plus de 10 000-15 000 euros voilà quinze ans », rappelle Renaud Vanuxem. Et de rajouter : « Le collectionneur qui travaille avec son œil peut faire des découvertes presque dans tous les domaines. C’est une question de moyens. Il y a des choses qui se chinent, il y a des gens qui inventent des objets par leur regard. » À bon entendeur !
Saint-Germain-des-Prés, VIe, tél. 01 42 72 05 33, www.parcours-des-mondes.com, 15-18 septembre, 11 h-19 h, le vendredi 16 jusqu’à 21 h.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Parcours des Mondes à la découverte de nouveaux sentiers
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°572 du 1 septembre 2005, avec le titre suivant : Parcours des Mondes à la découverte de nouveaux sentiers