PARIS
L’artiste mexicain est exposé simultanément chez Chantal Crousel et Marian Goodman à Paris.
PARIS - Gabriel Orozco a toujours aimé l’espace. Les espaces, même. Et si l’artiste d’origine mexicaine (né en 1962 à Jalapa, Veracruz) s’est fait connaître dès 1993 en découpant une Citroën DS dans sa longueur et en la réduisant dans sa largeur, il n’en demeure pas moins qu’il n’aime pas se sentir à l’étroit. Rien d’étonnant donc qu’il ait eu besoin de deux galeries – et non des moindres, Chantal Crousel et Marian Goodman, à Paris – pour s’ébattre à son aise. C’est d’ailleurs avec les « Roiseaux », douze mobiles réalisés avec des plumes d’oiseaux et des branches de bambou qu’il investit la grande salle de Chantal Crousel.
Le roseau plie, c’est bien connu, ce qui permet à Orozco de le mettre en courbe. Quant aux plumes qui volettent au vent, elles donnent à chaque sculpture une grande légèreté. Ce qui coule de source, c’est le rapport à la nature, le principe d’hybridation, l’idée de rencontre opportune entre deux mondes – l’animal et le végétal –, un thème cher à l’artiste, qui a toujours revendiqué le hasard et les aléas du quotidien comme principaux appuis de sa démarche. Chaque œuvre, suspendue à la hauteur du regard, dessine une arborescence, et, toutes ensemble, tel un banc de poissons, une nuée d’oiseaux ou des cimes d’arbres, se mettent en mouvement en fonction de notre propre déplacement, proposant ainsi une vraie chorégraphie, un ballet. Superbe.
L’air, la terre
À leur côté, pour poursuivre l’idée de rencontre fortuite, de télescopage, est présentée une série de diptyques photographiques, composés de clichés pris par Orozco lui-même dans des lieux et à des moments différents. Intitulés « Métonymies », ils métissent des images et chaque partie devient un tout. Ils sont complétés par une centaine de pièces en terre cuite, déclinaisons des combinaisons possibles du triangle.
L’impression est tout autre lorsqu’on entre chez Marian Goodman. En effet, à la légèreté du vent dans les plumes semble s’opposer là, à première vue, une rigoureuse construction et une monumentalité. Au sens propre des termes d’ailleurs puisqu’il s’agit d’une véritable architecture. Montrée pour la première fois à Paris et intitulée Shade Between Rings of Air, l’installation a été créée en 2003 pour la Biennale de Venise. Elle était alors présentée à l’intérieur du pavillon italien, en écho et en correspondance avec La Pensilina, la pergola en béton de ce même pavillon conçue par l’architecte Carlo Scarpa en 1952 ; la structure d’Orozco en est une parfaite réplique, mais en bois. Comme une maquette en somme, mais de la même taille que l’original, ce qui rappelle d’une part le penchant de l’artiste pour les jeux d’échelle, notamment humaine, et d’autre part sa volonté constante de créer des arcs et des passages entre les disciplines. Ainsi pensée comme une sculpture directement empruntée à l’architecture, l’œuvre se lit différemment, révèle comment le triangle qui la compose s’intègre dans de grandes courbes (ou l’inverse), comment cet immense toit, juste posé sur de petites boules qui le séparent des colonnes, devient plus aérien. Car c’est bien de circulation d’air – comme l’indique le titre en français « La grille entre les anneaux d’air » – dont il s’agit. Et si, à première vue, le visiteur ne voyait pas le lien entre les deux expositions, alors que l’artiste les a conçues ensemble, on comprend dès lors mieux qu’elles parlent l’une et l’autre de légèreté, d’apesanteur, de fluidité, de mouvement et donc d’espace. Le parallèle est renforcé par la présence, ici également, d’une série de terres cuites jouant avec les principes du poids et du retournement comme avec les figures du triangle, de la demi-sphère et du cercle. Ce cercle, que l’on retrouve dans la vidéo projetée au sous-sol où l’on voit l’artiste s’adonner à l’une de ses activités préférées de ces dernières années : le lancer de boomerang. Avec au poignet, une plume d’oiseau qui lui sert de girouette. Histoire de boucler la boucle, si l’on peut dire, pour un amateur de courbes et un joueur de cette arme de jet.
Et puisqu’il est question de courbe, celle de sa cote est ascendante. Avec des œuvres allant, chez Chantal Crousel, de 13 000 dollars (10 000 euros) pour les diptyques photographiques, à 95 000 dollars (75 000 euros) pour un Roiseau et 330 000 dollars (260 000 euros) pour l’installation d’un ensemble de 60 terres cuites. Chez Marian Goodman, on retrouve les photos au même prix et le sommet est atteint avec la grande installation dont le prix tourne autour du million de dollars.
Jusqu’au 20 octobre, galerie Chantal Crousel, 10, rue Charlot, 75003 Paris, 01 42 77 38 87, du mardi au samedi 11h-13h, 14h-19h, www.crousel.com ; galerie Marian Goodman, 79, rue du Temple, 75003 Paris, tél. 01 48 04 70 52, du mardi au samedi 11h-19h, www.mariangoodman.com
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Orozco, mon truc en plumes
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°375 du 21 septembre 2012, avec le titre suivant : Orozco, mon truc en plumes