Parallèlement à « Art France Berlin », la foire Art Forum attire cette année sept galeries françaises.
BERLIN - Ceux que les usual suspects [habitués] de l’art contemporain commencent à lasser peuvent se requinquer les papilles sur la foire Art Forum Berlin, organisée du 30 septembre au 4 octobre. « À Berlin, une galerie peut décider de lancer une nouvelle position artistique, peu connue encore du marché, affirme la directrice de la foire, Sabrina Van der Ley. C’est plus dur sur d’autres foires plus onéreuses, où vous êtes obligés de venir avec des artistes confirmés seulement. » Tout comme la ville de Berlin, la foire se cherche encore. Malgré l’effort d’internationalisation et de dégraissage mené depuis trois ans, Art Forum reste à 48 % allemande. En se recentrant sur les pratiques émergentes, elle ne se mouille pas totalement dans les eaux de la fashion, mais ne régate pas loin non plus. Son focus sur les jeunes artistes pourrait en faire la plus grande et pointue des foires off. Mais, dans le même temps, elle veut aussi rallier les grosses pointures comme Thaddaeus Ropac (Paris, Salzbourg) ou Robert Miller (New York).
D’une certaine façon, le salon porte bien son nom, car il relève davantage du forum entre professionnels que de l’événement commercial. Même si le nombre de visiteurs progresse de 5 000 entrées chaque année, les achats dépassent rarement le cap des 10 000 euros. Cette anémie commerciale avait longtemps refroidi les galeries françaises. Aussi n’est-ce pas l’appât du gain qui motive cette année l’arrivée soudaine de sept recrues parisiennes. L’aide d’environ 1 500 euros, accordée par l’ambassade de France à chaque participant hexagonal, n’est pas étrangère à ce soudain attrait. De même que l’opération de séduction « Art France Berlin » (lire p. 25).
Le reflet de cette manifestation se perçoit chez Kamel Mennour avec la présence sur son stand d’une toile de Djamel Tatah, lequel figure dans l’accrochage des peintres français au Martin-Gropius-Bau, l’espace d’expositions temporaires de la ville. Adel Abdessemed est de toutes les festivités avec une nouvelle œuvre baptisée Black House, un maison comme un revers grinçant de la Maison Blanche. Son grand squelette Habibi se déploie, lui, dans le cadre d’Art France Berlin. Chez Laurent Godin, le jeu d’écluse avec l’exposition des peintres français ne vaut que pour les œuvres récentes de Gérard Traquandi, le reste de l’espace étant divisé entre une sculpture de Wang Du, des collages d’Aleksandra Mir et une pièce récente de Vincent Olinet.
Chevaux français
La plupart des exposants ne s’en cachent pas : ils donnent une priorité à leurs chevaux français pour leur trouver des relais, ou du moins un écho à l’étranger. Les travaux de Julien Audebert et de Pierre-Olivier Arnaud rythment ainsi le stand clair et lisible d’Art : Concept, occupé également par une table « maraîchère » de Michel Blazy. La galerie Zürcher entonne un cocorico avec une vidéo de Mathilde Rosier, artiste dont la Deutsche Bank possède des dessins, et trois gouaches monumentales de Marc Desgrandchamps, peintre que le collectionneur allemand Frieder Burda a acheté au printemps. Tout en présentant Mark Dion, In Situ donne la parole à Damien Deroubaix et à Bruno Perramant. Le premier jouit déjà d’une bonne audience dans les pays du Nord. Le second sème un certain trouble chez les collectionneurs germaniques, lesquels ressentent parfois une concurrence directe avec leur peinture nationale…
Habitué du salon, Frank Elbaz profite quant à lui de sa fidélité. La maquette du Bundesberg, montagne de déchets du Hongrois Antal Lakner présentée l’an dernier sur la foire, figure cette fois dans l’exposition parallèle organisée par la foire, « Big City Lab ». Clin d’œil à Duchamp et au goût allemand pour la bière, Elbaz propose enfin sur son stand une cuvette de toilettes de l’Américain Jay Batlle dont la manette est customisée par une marque de bière. Une pièce qu’on aurait plutôt vue sur la foire Art Cologne, où la Kölch coule à flots lors du vernissage !
30 septembre-4 octobre, Exhibition Grounds Messe Berlin, halls 18 & 20, www.art-forum-berlin.com, tlj 12h-20h. - Directrice : Sabrina Van der Ley - Nombre d’exposants : 121 - Tarifs des stands : 185 euros le mètre carré - Nombre de visiteurs en 2005 : 37 000
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Opération séduction
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Abonnez-vous dès 1 €Pour le poète allemand Durs Grünbein, Berlin est « un vide qui a la qualité de se remplir à nouveau, peu importe de quoi, pour peu que ce soit amusant ». Le vide se comble de jour en jour au gré des artistes et galeries qui y prennent leurs quartiers. Depuis le printemps, Aurel Scheibler et Buchmann (Cologne) ont ouvert des antennes à Berlin. Elles seront rejointes en septembre par Jablonka (Cologne) et Haunch of Venison (Londres, Zurich). Installé en 2005, le galeriste californien Javier Peres profite des faibles loyers pour prochainement s’agrandir. Les grands espaces industriels encore en jachère aimantent aussi les gros collectionneurs allemands. Le petit réseau initié par Erika Hoffmann et son défunt mari Rolf s’enrichira dans les mois à venir de Wilhelm Schürmann, d’Aix-la-Chapelle, de Christian Boros, anciennement de Wuppertal, d’Axel Haubrock de Düsseldorf, ou encore de Thomas Olbricht d’Essen. La perspective enfin d’un vrai marché berlinois ?
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°243 du 22 septembre 2006, avec le titre suivant : Opération séduction