De loin comme de près, la situation new-yorkaise semble plombée.
Les galeries ferment à tour de bras, des plus alternatives comme Guild & Greyshkul aux plus installées comme Feigen Contemporary ou Roebling Hall. Préférant diminuer les frais, la galerie new-yorkaise Goff Rosenthal a fermé son antenne berlinoise tandis que Stefania Bortolami a mis en stand-by son idée d’ouvrir un second espace dans le Lower East Side. Asher Edelman a lui quitté le superbe bâtiment sur trois étages inauguré l’an dernier avec Dennis Oppenheim pour revenir à ses anciens locaux. « Il faut être modeste par les temps qui courent », confie le marchand. Petit génie des affaires, le jeune Zach Feuer a réduit son écurie en se séparant de huit artistes, parmi lesquels Tal R, Danica Phelps et Christoph Ruckhäberle. « Je ne veux pas être gros dans l’économie actuelle. Il est temps maintenant d’avoir moins de frais généraux, d’être petit et maigre », a-t-il déclaré à la chaîne de télévision américaine Bloomberg. Cela était quelque part prévisible. « Tout le monde a cru qu’il pouvait se payer une maison, acheter de l’art ou avoir une galerie. Les réveils sont difficiles. Le système hypothécaire américain s’est détaché de ses fondamentaux comme le marché de l’art », remarque le collectionneur Hubert Neumann. Même si le cœur nucléaire de New York continue de battre, les pulsations sont bien moins vives. « Je suis devenue conservatrice, j’ai baissé mes dépenses d’un tiers et je n’ai pas acheté d’art depuis octobre. Mais je soutiens toujours le New Museum, confie la collectionneuse Laura Skoler. Le climat est terrible ici. Certains ont perdu 45 % de leurs biens. »
Chute de l’empire
L’exposition baptisée « Empire » du collectif satirique Bruce High Quality Foundation, à la galerie Cueto Project, montrait sur un ton drolatique à quel point Gotham est un colosse aux pieds d’argile. Pour ces anciens étudiants de la Cooper Union, tout Manhattan reposerait sur une pizza géante et molle. Les distributeurs d’argent se trouvent figés dans le plâtre, tels les restes archéologiques d’une civilisation déchue. Mais les maîtres de cet empire n’ont pas dit leur dernier mot. En tout cas, ils n’attendent pas le déclin à la façon de Sardanapale. Il n’est pas anodin que le plus « marchand » des galeristes, Larry Gagosian, ait orchestré en mars deux expositions de qualité muséale, ainsi une magnifique rétrospective de Piero Manzoni. D’autres hiérarques entendent rester dans la course. C’est le cas des Mugrabi auxquels le New York Times a consacré un article très instructif. Leurs stratégies de manipulation du marché risquent-elles de ne plus fonctionner ? Qu’importe, ils ressortent leur casquette de collectionneur ! « Nous agirons plus comme des collectionneurs, et moins comme des marchands, affirmait David Mugrabi au quotidien new-yorkais. Nous achèterons plus et nous vendrons moins. » Même si Gagosian monte des expositions quasiment non commerciales, si les Mugrabi mettent un mouchoir sur leurs martingales, l’Amérique n’a pas fait son aggiornamento. Silvia Karman Cubiñá, directrice du Bass Museum à Miami, le dit bien : « Ce n’est pas la fin de la cupidité. Elle est juste mise entre parenthèses. »
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New York « is freezing »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°299 du 20 mars 2009, avec le titre suivant : New York « is freezing »