PARIS
L’artiste guatémaltèque Nafus Ramírez-Figueroa s’inspire d’un texte mythologique maya pour sa première exposition à la Galerie Sultana.
Entre histoires mayas et monde contemporain, l’artiste guatémaltèque Naufus Ramírez-Figueroa (né en 1978) déploie une singulière approche du monde. Il partage avec le Costaricain Federico Herrero l’affiche d’une exposition à la Galerie Sultana, à Paris.
Cette exposition s’inspire d’un livre ancien. Pourquoi cet ouvrage ? Est-il pour vous habituel de travailler en relation avec des écrits ou des contes ?
Cette exposition prend appui sur la littérature maya ancienne, au travers du Popol Vuh, un écrit auquel je m’intéresse depuis plusieurs années. Je crois qu’il s’agit du seul texte ancien dans la mythologie maya rédigé dans une veine narrative. J’ai commencé à m’y intéresser après avoir lu un livre des années 1950 traitant du Guatemala : le pays a eu un gouvernement démocratique pendant dix ans, de 1945 à 1955, et cet ouvrage analysait la mythologie et la géographie du Popol Vuh par comparaison avec des pratiques contemporaines de l’époque. Coïncidence, [l’artiste] Federico Herrero a montré il y a quelques années dans une exposition qu’il s’intéressait lui aussi au Popol Vuh. Je lui ai donc proposé que nous y pensions pour cette exposition, et, relisant le livre, j’ai décidé de modifier un des chapitres et de m’intégrer moi-même dans l’histoire. Je suis entré dans l’œuvre ; le Popol Vuh est une lecture obligatoire pour la plupart des enfants en Amérique latine, il possède donc cette distance officielle, c’est presque comme un projet gouvernemental. J’ai donc pensé à le réécrire de manière à éliminer son idéologie. Je suis toujours très inspiré par la littérature, essentiellement de la poésie, mais en général plus contemporaine.
Nombre d’œuvres ici sont des sérigraphies représentant des fragments corporels. D’où viennent-ils et pourquoi sont-ils prédominants ?
Peut-être que, dans mon imagination guatémaltèque, non en tant qu’artiste mais en tant que personne, le fragment est très commun puisque nous avons subi il n’y a pas si longtemps une très longue guerre civile (1960-1996), ce qui a rendu commune la présence du corps fragmenté. Mais aussi, maintenant que la guerre est finie, des gens réfléchissent à la formation d’une d’identité, alors que le Guatemala est assez divers. Il est composé pour une grande part d’une population indigène, mais aussi d’une minorité de Noirs, de Juifs et d’Arabes. Certains essayent donc de forger une sorte de petite mythologie du rassemblement, du « tous ensemble », alors que la guerre était très raciste. Je suis moi-même intéressé par la façon dont ces artefacts mayas, à la fois dans la littérature, l’architecture et les arts, sont eux aussi des fragments. Même le Popol Vuh n’est pas une histoire complètement pure ou homogène car elle a été racontée à un prêtre espagnol et elle contient donc un peu de traduction chrétienne dans l’histoire.
Ces fragments adoptent deux styles différents, l’un géométrique et très anguleux et l’autre plus souple. Qu’est-ce qui fonde cette différence ?
Les deux styles viennent de dessins automatiques, dans la mesure où je dessine simplement sans vraiment penser. Les plus géométriques viennent de gravures sur bois et ont été une activité obsessionnelle l’an dernier ; elle a abouti à la plupart des œuvres présentées au Castello di Rivoli à l’automne, avec ces lignes dures et très graphiques qui sont comme des cristaux. Les dessins plus souples sont plutôt liés à des images d’arbres reprises de nombreuses fois en analysant leurs significations et composants tout en leur apportant des simplifications.
Des pièces suspendues en résine évoquent des oiseaux. Sont-elles liées à l’œuvre sonore dans laquelle on entend des chants d’oiseaux ?
La pièce sonore est intitulée Chirps of extinct birds that were previously unknown to science, but have been recovered through spiritist sessions (2014) ; c’est une sorte de petite pratique spirite réalisée lors de performances, où j’essaye d’appeler les esprits d’oiseaux morts. Cela fait écho à l’imagination collective car souvent, dans ces séances, les gens dessinent un peu comment ils sentent les oiseaux dans leur tête. Les pièces suspendues sont reliées à cela, bien que les oiseaux décrits ne soient pas pleinement formés.
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Naufus Ramírez-Figueroa : « Je suis toujours très inspiré par la littérature »
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Jusqu’au 17 mai 2014, Galerie Sultana, 12, rue des Arquebusiers, 75003 Paris, tél. 01 44 54 08 90
www.galeriesultana.com
tlj sauf dimanche-lundi 11h-19h.
L’artiste figure dans l’exposition « A Chronicle of Interventions » à la Tate Modern, à Londres, jusqu’au 13 juillet.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°413 du 9 mai 2014, avec le titre suivant : Naufus Ramírez-Figueroa : « Je suis toujours très inspiré par la littérature »