PARIS
« Comment vivez-vous le fait de travailler pour des actionnaires russes ? » La nouvelle directrice du bureau parisien de Phillips n’élude pas la question qu’on lui a déjà posée cent fois et argumente avec calme et détermination.
« Oui », Phillips appartient au fonds d’investissement Mercury détenu par deux Russes qui ont fait fortune dans des boutiques de luxe. « Non », ce ne sont pas des oligarques, ils vivent maintenant à Monaco et ont voulu témoigner de leur soutien à l’Ukraine en reversant à la Croix-Rouge ukrainienne l’intégralité de la commission, soit 7 millions d’euros, sur la vente d’art contemporain de mars dernier.
Si Nathalie Zaquin-Boulakia est si flegmatique, c’est aussi parce que Phillips marche bien, très bien même. La vieille maison anglaise fondée en 1716 a connu plusieurs actionnaires ces derniers temps (Bernard Arnault, Simon de Pury…) avant de se stabiliser avec Mercury et d’adopter une stratégie singulière. Elle ne veut surtout pas aller sur le terrain de Christie’s et Sotheby’s et être présente partout dans le monde à travers des vacations organisées dans toutes les catégories d’objets. Elle s’est spécialisée dans l’art des XXe et XXIe siècles, le design, les montres et la joaillerie, soit les catégories les plus rémunératrices, afin de ne pas se disperser car cela l’obligerait à faire beaucoup de volume pour amortir des coûts de structure importants.
Elle applique ce même modèle économique à l’organisation des ventes, dans un seul lieu dans chacun des trois continents-clés (à New York, Londres et Hongkong), tout en disposant de bureaux dans certaines capitales, à l’exemple de Paris, afin de trouver des objets à vendre et y présenter des expositions d’avant-vente. « Mais cela ne nous empêche pas d’y faire des ventes de gré à gré », s’empresse-t-elle de préciser. Des ventes privées qui ont explosé dans tous les bureaux en 2021 (le double des ventes de 2020, selon le rapport annuel de l’économiste Clare McAndrew publié par Art Basel/USB), comme ont grimpé en flèche les adjudications. Le chiffre d’affaires total de Phillips a augmenté de 32 % en 2021 par rapport à 2019, dernière année récente avant la pandémie, pour atteindre 1,2 milliard de dollars. C’est cinq fois moins que Christie’s et Sotheby’s mais cela en fait clairement une alternative au duopole.
La nouvelle directrice (57 ans), qui a longtemps travaillé chez Christie’s après une brève carrière d’avocate, explique le décollage de la maison qu’elle a rejoint en 2016 par un effort concentré sur le cœur du métier d’un auctioneer : les experts « maison » qui connaissent bien les clients et les œuvres et peuvent les convaincre de leur confier leurs belles pièces. Elle est raisonnablement inquiète sur la situation géopolitique en Chine (« le marché reste très fort malgré le Covid et les restrictions à Hongkong ») et sur le Brexit (« le monde entier continue à venir à Londres »). « Je n’aimais pas trop Londres quand je m’y suis installée pour Phillips, mais maintenant je m’y sens très bien, c’est beaucoup plus décontracté et policé que Paris, assure-t-elle. Mais être à Paris, ma ville, un tiers du temps me va très bien aussi ! »
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Nathalie Zaquin-Boulakia nommée directrice régionale France chez Phillips
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°591 du 10 juin 2022, avec le titre suivant : Nathalie Zaquin-Boulakia nommée directrice régionale France chez Phillips