Piasa

Mode et modernité

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 29 avril 2005 - 622 mots

Les créations modernistes du couturier Paul Poiret à l’encan.

 PARIS - Le monde de la mode est en effervescence. Le génie créatif du couturier Paul Poiret (1879-1944) sera porté au pinacle les 10 et 11 mai à Drouot par la SVV Piasa. Centrées autour de la garde-robe conçue pour sa femme, Denise, et ses enfants, plus de 600 pièces incluant en outre des archives, maquettes pour tapis, papiers peints ou tissus, du petit mobilier de décoration et autres créations des Ateliers Martine, jusqu’à présent conservées par la famille Poiret, sont livrées aux enchères. « C’est à la fois la collection d’un couturier et l’histoire d’un couple et d’une famille à travers la garde-robe de leur vie en commun. C’est extrêmement émouvant, évoque l’expert Françoise Auguet. Le modernisme de Poiret, minimaliste dès le départ dans sa recherche de la simplification des formes, est salué. Il a ouvert toutes les portes aux couturiers du XXe siècle. Rappelons aussi que Paul Poiret est le premier couturier à avoir pensé à faire un parfum… Il a aussi révolutionné l’univers de la mode en abandonnant le corset dès 1906 ! » L’ensemble a été évalué 600 000 euros sur la base d’estimations tout à fait modestes et indicatives. Beaucoup de lots pourraient flamber, à commencer par les pièces historiques pour lesquelles vont se battre les musées du monde entier. Une exposition organisée à Paris chez le créateur Azzedine Alaïa (lui-même grand collectionneur de robes anciennes), et ouverte au public du 21 au 24 avril, a été inaugurée le 20 avril au soir par tout le gratin du monde de la mode, des couturiers aux conservateurs des plus grandes institutions du monde entier. « Paul Poiret était connu internationalement, des États-Unis au Japon, peut-être même plus à l’étranger qu’en France. Mais bien que Mme Poiret ait donné des affaires personnelles au Musée Galliera, je crois que le Musée de la mode se mobilise pour acquérir plusieurs choses », souligne l’expert. Inspiré par sa muse Denise, qu’il épouse en 1905, Paul Poiret n’aura de cesse d’inventer pour cette femme d’avant-garde naturellement élégante des tenues étonnantes de simplicité et de grâce, défilant au rythme des différents chapitres du double catalogue. Les « Heures champêtres » subliment des robes tirant leur influence de l’univers rustique du XIIIe siècle et du Directoire, à l’instar de la robe Delphinium, datant de 1912, en crépon de fil bleu ciel et ivoire, estimée 8 000 euros. D’autres vêtements s’inspirent des couvertures berbères, de voyages dans les pays slaves, des coupes traditionnelles et des couleurs d’habits persans, chinois ou japonais. Le chapitre des « Heures insolites » réunit les créations insolentes et les fantaisies, comme un tailleur de dîner Premier Consul, vers 1913, en duvetine de soie vert jade et broderie au fil d’or, estimé 8 000 euros. Au registre des créations particulières pour des événements mondains, on succombe à la robe Champs-Élysées, en satin de soie damassée et tulle de soie ivoire à décor de lignes de pierres cristal taillées, estimée 12 000 euros, que Denise Poiret porta pour l’inauguration du Théâtre des Champs-Élysées, le 1er avril 1913, soir de la première du Sacre du printemps de Stravinsky chorégraphié par Nijinski. Enfin, notons plusieurs pièces datées des années 1910-1912 issues de la collaboration du couturier avec le peintre Raoul Dufy, alors à peine connu, dont le manteau du soir La Perse (1911), estimé 15 000 euros, en velours de coton soyeux ivoire sur un décor dessiné, gravé sur bois et imprimé par Raoul Dufy. Un monument historique à lui seul !

L’UNIVERS DE DENISE ET PAUL POIRET

Vente les 10 et 11 mai, Drouot-Richelieu, SVV Piasa, www.auction.fr/piasa, expert Françoise Auguet, tél. 06 16 10 35 35, exposition le 9 mai, 11h-18h, les 10 et 11 mai, 11h-12h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°214 du 29 avril 2005, avec le titre suivant : Mode et modernité

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