Les tableaux orientalistes connaissent un succès croissant auprès des collectionneurs maghrébins, turcs et européens. En témoigne le produit élevé (près de 14 millions de francs) obtenu par la vente organisée par l’étude Gros & Delettrez, le 12 mai à Drouot, qui a été émaillée de fortes enchères saluant la dispersion d’œuvres de Majorelle, Dinet, Bauernfeind et Ernst.
PARIS - Dans la palmeraie, une œuvre de Jacques Majorelle (1886-1962) des années trente est partie à 1,6 million de francs - un record mondial pour le peintre - contre une estimation de 200 000 à 250 000 francs. Le caractère inédit de ce tableau jamais publié, l’érotisme du sujet - une jeune femme noire en train de se dévêtir au milieu d’une luxuriante palmeraie - l’utilisation d’un rehaut de poudre d’or qui recouvre le corps nu du personnage, ont exacerbé l’intérêt des collectionneurs qui se sont âprement disputés cette huile (54 x 71 cm) signée et située à Marrakech. « Plus de quatorze personnes ont surenchéri pour acquérir ce tableau qui a finalement été emporté par un particulier français », explique le commissaire-priseur Henri Gros, à une enchère quatre fois plus élevée que le précédent record qui ne dépassait pas les 400 000 francs. « Ses tableaux de femmes noires nues et ses vues de casbahs de l’Atlas des années trente sont les plus prisés, analyse l’expert Lynne Thornton. Les expositions organisées à Nancy et à Paris et les multiples livres publiés ont contribué à asseoir la cote du peintre. Ses œuvres sont achetées par des Marocains, par des Français qui vivent à Nancy, ou par d’autres qui ont une résidence au Maroc. »
L’autre forte enchère de la vente - 1,6 million de francs également - est allée à une huile de Gustav Bauernfeind (1898-1904), Jérusalem. Vue plongeante sur le dôme du Rocher, dont les œuvres se vendent entre 50 000 et 7 millions de francs, son prix record. Deux de ses huiles ont été enlevées à plus de 3,5 millions de francs en mai 1999 chez Sotheby’s à New York. Cet artiste allemand, bon dessinateur d’architecture, s’est spécialisé dans les vues de Jérusalem, de Damas et de Jaffa, où il séjourna plusieurs fois. « La plupart des artistes européens du XIXe siècle dépeignent la Ville sainte de loin, vue du mont des Oliviers. Dans cette toile d’une composition inhabituelle, Bauernfeind montre le contraste entre les vieilles maisons dans une rue étroite, et la splendeur du célèbre dôme du Rocher, qui brille sous un soleil doux », écrit l’expert.
Une huile de Dinet emportée à 1,5 million de francs
Beau résultat aussi pour une huile d’Étienne Dinet (1861-1929), Tendresse paternelle, montrant un homme serrant son fils contre lui, enlevée à 900 000 francs. Le record pour un tableau de Dinet remonte au mois de novembre. Il a salué la dispersion d’une grande huile du peintre, La Quesba, figurant un jeune homme en train de jouer d’une longue flûte de roseau à une jeune femme assise à ses côtés, partie à 1,5 million de francs chez Gros & Delettrez. Une œuvre de Jules Laurens (1825-1901), Une halte à la porte de Téhéran, a, elle, doublé son estimation pour s’envoler à 410 000 francs. « Laurens a accompagné Xavier Hommaire de Hell en mission scientifique en Perse en 1846. Les représentations de la Perse datant de cette époque étant extrêmement rares, il n’est pas étonnant que cette huile ait été très disputée », poursuit l’expert.
Les œuvres fantasmatiques
d’Édouard-Frédéric Richter (1844-1913) représentant des femmes belles et élégantes, enfermées dans l’enceinte du harem, sont, elles aussi, très prisées des collectionneurs. La Sortie du harem est partie à 400 000 francs en mai à Drouot, alors qu’une autre de ses œuvres, Au harem, Constantinople, était adjugée 260 000 francs en novembre à Drouot. Pour moins de 100 000 francs, l’amateur pouvait emporter une huile intimiste du premier pensionnaire de la villa Abd-el-Tif à Alger, Léon Cauvy (1874-1933), Algérienne sous la treille, partie à 62 000 francs, ou une toile d’Henry Pontoy (1888-1968), Marocaines au bord de l’oued, enlevée à 70 000 francs.
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Majorelle s’envole
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°106 du 26 mai 2000, avec le titre suivant : Majorelle s’envole