À une époque où carrières précipitées et célébrités usurpées s’effondrent comme des châteaux de sables, chacun s’échine à trouver de nouveaux repères artistiques.
Certains se reportent sur les valeurs labellisées. D’autres cherchent des créateurs essentiels mais discrets que le marché n’a pas su capter. Des artistes qui bien souvent servent de boussoles secrètes et de ressources morales et intellectuelles à leurs confrères. La Foire de Cologne avait pris les devants voilà trois ans, en créant une section baptisée Hidden treasures (trésors cachés). Celle-ci avait notamment permis de (re)découvrir un peintre hors norme comme William N. Copley. Il n’est pas surprenant que le secteur Art Première de la Foire de Bâle donne la parole en juin prochain à l’inclassable Gino de Dominicis, représenté par Lia Rumma (Milan), ou au collectif visionnaire General Idea, présenté par Frédéric Giroux (Paris). « General Idea a influencé toute l’école de Grenoble à la fin des années 1980, les Pierre Huyghe, Philippe Parreno, Dominique Gonzalez-Foerster, rappelle Frédéric Giroux. On revient à des gens qui ont anticipé. On se repose les questions : d’où vient-on ? Quelles sont les choses importantes ? » Des questions qu’on peine à se poser le nez dans le guidon du marché, ou l’œil rivé sur les diagrammes des bases de données… Ce n’est donc pas un hasard si on voit apparaître à Paris la poésie de John Giorno chez Almine Rech, la comète de la Beat Generation, Wallace Berman, chez Frank Elbaz ou encore le très complexe Thomas Bayrle, pétri des questions de cybernétique et d’urbanisme, chez Air de Paris.
Jeunes galeries sur le retour
Étrangement, la plupart de ces revivals sont orchestrés par de jeunes galeries. Le Parisien Jocelyn Wolff a ainsi montré le travail de Franz Erhard Walther, attaché à l’idée de processus et de temporalité. « Notre désir, à nous jeunes galeries, est de nous nourrir intellectuellement auprès d’artistes qui ont mis en place des repères et des paradigmes essentiels à la jeune génération. Nous voulons articuler un discours où les sources qui nous nourrissent sont identifiables, où les généalogies sont lisibles », indique le galeriste. De son côté, gb agency (Paris) a remis à l’honneur un minimaliste décalé comme Robert Breer ou les anti-happenings de Július Koller. « Ces artistes n’avaient rien à perdre. Július pouvait se retrouver seul à Bratislava face à un char soviétique, Breer n’a pas hésité à tout chambouler à une époque où Donald Judd était considéré comme un saint », souligne Nathalie Boutin, codirectrice de gb agency.
Ces artistes offrent d’ailleurs des modèles de carrière sur lesquels les plus jeunes plasticiens seront amenés à se caler si la crise se faisait persistante. « C’est le retour au travail de jour aux États-Unis, et c’est OK. Les artistes l’ont toujours pratiqué, Van Gogh était prédicateur, Pollock aide serveur, Henry Darger, portier », écrivait récemment Holland Cotter dans le New York Times. Et d’ajouter : « [Maintenant les artistes] peuvent rêver éveillés et se concentrer. Ils peuvent ne rien faire pendant un temps, ou faire quelque chose et se tromper, échouer dans la paix et recommencer. » Exactement comme les créateurs qu’on redécouvre aujourd’hui.
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Maîtres à penser
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°298 du 6 mars 2009, avec le titre suivant : Maîtres à penser