Bijoux, dessins, tableaux, bibelots à prix modiques, le marché de l’art se mobilise pour Noël. Mais les amateurs achètent-ils vraiment leurs cadeaux en ventes publiques et dans les galeries ?
PARIS - Aux mois de novembre et de décembre, comme chaque fin d’année, la saison bat son plein en ventes publiques. Les vacations de spécialités grandes et petites se succèdent à un rythme effréné et les salles des ventes grouillent d’acheteurs. L’esprit de Noël soufflerait-il sur les ventes aux enchères dont quelques-unes sont même baptisées pour l’occasion « vente de Noël » ? Rien n’est moins sûr. « La période précédant Noël est une bonne période drainant de nombreux particuliers », convient Grégoire Debuire, commissaire-priseur à Lille, qui annonce une grande vacation bien fournie le 7 décembre (SVV Mercier & Cie) comprenant 400 lots de montres, bijoux, tableaux, céramiques, argenterie, sculptures et objets d’art, et une première vente de « Marines » le 13 décembre incluant tableaux, dessins, mobilier, objets d’art, et instruments scientifiques sur le thème de la mer et de la navigation. « Pour des idées de cadeaux “déco”, c’est génial ! », avance-t-il. Pourtant, si quelques lots peuvent échouer au pied du sapin le 24 au soir, la démarche d’aller faire ses emplettes en salle des ventes n’est pas automatique. « C’est vrai qu’il y a plus de marchandises à vendre en novembre et décembre, notent plusieurs professionnels de Drouot. Cela attire donc davantage d’acheteurs. Mais pas plus de novices. Et les fêtes de Noël n’y changent rien. » Pour le non-initié aux rituels des enchères, l’hôtel des ventes parisien reste un temple inaccessible. Afin d’y remédier, Drouot organise les 13 et 14 décembre un week-end Portes ouvertes pour le grand public (rens. 01 48 00 20 20). Pour les autres, le frein principal aux achats de Noël vient tout simplement du fait que l’enchérisseur n’est jamais sûr d’emporter son lot. « Il y a toujours quelqu’un qui aura la même idée que vous et qui pourra miser plus haut que vous », lance un intéressé. Même dans certaines spécialités susceptibles d’inspirer pour les fêtes de fin d’année, les achats cadeaux restent très marginaux. « On vend des montres toute l’année, assure l’expert en horlogerie Romain Réa. Bien sûr, ça bouge plus en décembre, mais également en juin, les deux saisons fortes. » Même constat pour les bijoux et l’orfèvrerie. Pour l’expert Thierry Stetten, « à part quelques objets très typés, qui peuvent s’offrir mais qui sont des petites choses ne constituant pas un marché – comme des stylos ou des boutons de manchettes de marque dans leur écrin –, les bagues et colliers s’achètent tout le temps. Et pour l’orfèvrerie, [ses] clients sont des collectionneurs qui regardent les poinçons, ce, autant en janvier qu’en décembre. » D’après le commissaire-priseur parisien Rémy Le Fur, qui tient le marteau lors de ventes consacrées aux vintages, maroquinerie et haute couture, il paraît « impensable de faire cadeau d’un bien d’occasion comme un foulard Hermès. En revanche, il arrive que des particuliers s’offrent un petit tableau à 2 000-3 000 euros avant les fêtes ».
Dans le domaine de la bande dessinée, la saison serait plus sensible. Éric Leroy, expert chez Tajan, remarque que, dans sa vente de fin novembre, les « objets en 3D comme des sculptures en résine et les Pixi Tintin se vendent mieux qu’au printemps. Tandis que pour les albums les collectionneurs sont toujours là ». Quant aux ventes de vins, qui ont lieu toute l’année, il est clair, selon l’expert Alex de Clouet, que « le contexte économique a plus d’influence sur les achats que les périodes de fête ».
Des marchands qui jouent le jeu
Christie’s n’en est pas moins inspirée pour lancer sur le marché parisien son nouveau concept de ventes généralistes à petits prix, dont la première a lieu le 8 décembre, « une date idéale pour une sorte de marché de Noël », affirme Pierre Mothes en charge de la vacation. Un ensemble de près de 300 lots d’objets de charme, mélange de tableaux et dessins anciens et modernes, d’objets d’art et de mobilier ancien et XIXe siècle, d’Art déco et d’art asiatique composent ce coup d’essai pour un rendez-vous trimestriel en 2004. Si l’initiative ressemble beaucoup aux ventes généralistes que l’on peut trouver à Drouot, elle est présentée différemment, « avec un catalogue richement illustré et une sélection de pièces de qualité. C’est l’idée d’un beau fonds de maison sain ». La fourchette de prix, dont la plupart sont annoncés sans réserve (indiqués par une signalétique rouge dans le catalogue) est attractive, de 10 à 20 000 euros. Un petit bougeoir du XIXe siècle est estimé 5 à 10 euros, du jamais-vu chez Christie’s !
L’esprit de Noël plane peut-être plus chez les marchands. Alain Demachy déclare ne pas se sentir concerné : « Je suis un antiquaire qui vend du meuble. Je vois mal une commode entourée d’un gros ruban rouge près du sapin. » La plupart des antiquaires du Carré Rive Gauche ont néanmoins fait des efforts pour décorer en la circonstance leur vitrine. Non seulement festifs sur le plan esthétique, ils parrainent aussi une association d’aide aux jeunes enfants et personnes âgées en difficulté : sur une sélection d’objets choisis par des personnalités en boutique, 10 % du prix est reversé à l’association. Faire une bonne action, c’est aussi cela l’esprit de Noël. Il en coûtera tout de même de 1 000 à 20 000 euros. Au-delà de cette opération, il est des marchands pour lesquels Noël prend un sens particulier. Avec sa vitrine décorée de houx et de tissus rouges où trône sa table magnifiquement dressée, Véronique Girard, spécialiste de l’argenterie du XVIIIe siècle, attire, outre sa clientèle, quelques nouveaux clients. « À Noël, je vends davantage d’objets de charme à poser sur une table de fête comme des bougeoirs ou des seaux à champagne à partir de 500 euros et qui sont des pièces du XVIIIe siècle. » L’antiquité de charme a également les faveurs de Nicole Altéro, surtout pour l’argenterie et la verrerie, « des petits cadeaux premier prix ». Et, à l’attention du particulier pour qui la provenance a toute son importance, il est nécessaire de signaler le nom de l’antiquaire.
Cadeaux intelligents
À l’Espace Chevalier, les ventes sont aussi plus nombreuses les deux derniers mois de l’année. « Environ un tiers des achats sont des cadeaux de Noël », confirme Céline Letessier. Le créneau de la galerie : les pièces décoratives tels les kilims, de 50 euros pour un joli coussin à 5 000 euros le grand kilim ancien. « On est dans des rapports de prix beaucoup plus raisonnables que pour les tapis anciens. C’est la raison pour laquelle cela marche. » Concernant l’art tribal, la galerie Noir d’Ivoire donne le change pour sa traditionnelle exposition « Rituel d’automne » qui rassemble des objets rituels de charme très variés comme des petites sculptures en fer du Mali et du Burkina, des terres cuites du Nigeria, du Ghana et du Mali, et des bijoux en bronze et en ivoire d’Afrique de l’Ouest, à des prix accessibles.
À la galerie Paviot, le rendez-vous « Christmas Gifts » de décembre est programmé depuis cinq ans avec un succès renouvelé : des cartons de photographies modernes sont consultables et des « petites pièces de qualité sont proposées à partir de 50 euros, des cadeaux intelligents », soutient Françoise Paviot. Pour diversifier son offre, la galerie lance parallèlement cette année un « Demi-stock », sur une idée d’Alain Paviot qui vend ses fonds de tiroirs : des épreuves de photographes des années 1920-1950 comme Cartier-Bresson, Brassaï, Doisneau ou Cecil Beaton, entre 300 et 1 000 euros pour vrais amateurs avec peu de moyens.
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Maisons de ventes, antiquaires et galeries proposent des objets inédits pour les fêtes de fin d’année
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°182 du 5 décembre 2003, avec le titre suivant : Maisons de ventes, antiquaires et galeries proposent des objets inédits pour les fêtes de fin d’année