Le 10e Salon international s’agrandit, améliore sa section livres et estampes et s’ouvre à l’art contemporain.
MAASTRICHT - Le marché de l’art continue de lutter contre la récession, mais Le Salon international de Maastricht se porte paradoxalement de mieux en mieux.
L’année dernière il a accueilli plus de 40 000 visiteurs, dont presque la moitié étrangers, contre 35 000 en 1992. Cette année, 160 marchands, des États-Unis et d’Europe, (contre 147 l’an passé), participent au Salon, du samedi 12 au dimanche 20 mars, dans le vaste Centre des congrès de la plus européenne des petites villes hollandaises.
Le Salon est divisé en six sections différentes : tableaux et dessins anciens, arts du tissage, antiquaires (objets d’art et mobilier), haute joaillerie, antiquités classiques (œuvres d’art antiques), art du XXe siècle, livres et estampes. L’authenticité et l’état de conservation de chaque objet seront contrôlés par un comité d’experts, composé non seulement de marchands mais également d’universitaires et de conservateurs, formule originale et hélas inapplicable en France.
"Maastricht est extraordinairement bien organisé, conçu par des marchands et pour des marchands qui réinvestissent leurs profits, et non pas par une société de foire qui ne cherche qu’à faire des bénéfices", se félicite Richard Knight de Colnaghi, président de la section Pictura (tableaux et dessins anciens) du Salon.
L’art de l’ivoire
Parmi les nouveautés, une section art moderne et contemporain enfin digne du nom grâce à la présence de marchands internationaux venus muscler un ensemble trop faible et tournée vers le seul marché hollandais. Encouragé par l’exemple de Waddington Galleries qui a fait le voyage à Maastricht pour la première fois en 1993, Marlborough Fine Art, également de Londres, fait ses débuts avec un choix de "valeurs sûres" : des tableaux de Kokoschka, Max Beckmann, Francis Bacon (une étude de 1986 pour le portrait de John Edwards), ainsi que des œuvres sur papier de Klimt et de Klee.
Kaj Forsblom de Zurich propose un Homme assis à la pipe de Picasso (1968) et une Tête de Miró de 1977. Un autre nouvel exposant, Maurice Keitelman de Bruxelles, montre un mobile de Calder de 1945. Gallery Delaive d’Amsterdam présente des œuvres récentes de Karel Appel, Niki de Saint Phalle – dont sa dernière sculpture, Dos à dos – et Blue balls de Sam Francis. Kass/Meridian de Chicago viennent avec des œuvres de Lichtenstein, Warhol, Haring, Motherwell, Jim Dine et Jasper Johns.
Dans Antiquairs, la section la plus prisée, J. Kugel de Paris illustre son thème central, l’art de l’ivoire, avec des meubles, statuettes (dont une, allemande du XVIIIe siècle représentant Mercure, attribuée à Joachim Henne), des bas-reliefs et des boîtes. En vedette, la "coupe Rothschild", un chef-d’œuvre d’art baroque réalisée par Johann Georg Kern en 1650 et montée à Strasbourg par l’orfèvre Hans Jakob Erhart.
Parmi les nombreuses porcelaines de cette section, un pichet en forme de chimère, dont seulement trois autres exemples sont connus, qui avait été commandé vers 1730 à Gottlieb Kirchner par Auguste II dit le Fort, électeur de Saxe et roi de Pologne, pour le palais japonais de Dresde (Angela Grafia von Walwitz, Londres).
Luis Elvira de Castellon, le seul marchand espagnol à Maastricht, montre des sculptures de Burgos et de l’école Catalane des XIIIe et XIVe siècles. Jan Dirven d’Anvers, grand spécialiste d’émaux français du XIIIe au XVIe siècles, présente un reliquaire de Limoges et une plaque en ivoire française, sculptée en bas-relief avec des scènes des légendes de la Table Ronde.
Une rarissime tunique
La section objets d’art antiques, créée l’année dernière, s’agrandit pour inclure des stands de livres, cartes et manuscrits. Un kylix attique à figure noire, datant de 540 av. J.-C., qui faisait partie de la collection du marquis de Northampton, est exposé par Kunst des Antike de Bâle. Royal Athena Galleries de New York montre la tête d’une statue votive d’un dieu étrusque du Ve siècle av. J.-C.
Dans la section Textura consacrée aux arts du tissage, Eskenazi (Milan) expose en outre des tapis, parmi lesquels un exemple rare de tapis Turkestan oriental, datant de la fin XVIIe-début XVIIIe et caractéristique de la production de l’oasis de Yarland sur l’antique route de la soie, des sculptures bouddhistes en provenance des Indes et de la région du Himalaya. Battilosi (Turin) propose des pièces qui proviennent du Xinjiang, Nigxia et du Tibet et quelques rares exemples du Caucase (XVIIIe).
La Kailash Gallery d’Anvers montre une rarissime tunique Provincial Cavernas à motifs tissés en laine multicolore sur un fond en coton, fabriquée au Pérou entre 200 av. J.-C. et 100 ap. J.-C.. La Galerie Sailer de Vienne présente une collection d’ouvrages textiles précolombiens datant de 1200 à 1532, dont un superbe poncho inca à motif en échiquier, en parfait état, tandis que Bernard Blondeel d’Anvers met en exergue une tapisserie des Gobelins qui représente le mois d’août, faite vers 1710 à partir d’un carton de Jules Romain pour Marie-Anne de Bourbon, fille de Louis XIV et de la Princesse de Conti.
Trésors de l’Ermitage
Très attendue, chez Agnew’s de Londres dans la section des tableaux anciens, caractérisée d’habitude par une abondance de natures mortes flamandes décoratives du XVIIe siècle, une huile sur bois de Rubens – la Sainte Famille sous un pommier, recevant la visite de sainte Élisabeth, Zacharie et saint Jean-Baptiste enfant...
Bob Haboldt & Co. de Paris présente une ravissante Fuite en Égypte, de format ovale, peinte sur cuivre vers 1605, la seule œuvre connue du peintre allemand Adam Elsheimer encore en mains privées, ainsi que deux tableaux de fleurs inédits de 1665 du peintre espagnol Juan de Arellano. Proches du goût flamand de l’époque, les deux toiles étaient sans doute destinées au marché du Nord, puisque l’artiste a pris soin de signer Johannes.
Jean-François Heim de Paris apporte des tableaux et dessins du XIXe siècle, dont une aquarelle de Delacroix représentant une tête de cheval et une étude d’acrobate de cirque de Seurat. Emmanuel Moatti de Paris met en vedette des œuvres d’artistes hollandais tels Jan Sanders van Hemessen (dont l’Ange aux ailes de papillon : la mélancolie vient d’être acquis chez Moatti par le Musée de Lille), Pieter Pietersz et Abraham de Vries.
Maastricht accueille également une exposition, "Trésors de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg", qui comprend une soixantaine d’œuvres choisies dans les collections du grand musée russe par une délégation du Salon. Parmi elles, des ornements en or du VIIe siècle av. J.-C., collectionnés par Pierre le Grand, un autoportrait d’Anton Van Dyck à l’âge de 24 ans et un bureau à cylindre par David Roentgen acquis par Catherine II, ainsi que des porcelaines russes et de Meissen et des œuvres d’art islamiques.
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Maastricht : plus grand, plus fort, plus beau !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°1 du 1 mars 1994, avec le titre suivant : Maastricht : plus grand, plus fort, plus beau !