Analyse

L’union fait la force

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 31 mars 2009 - 517 mots

Lors d’une grève des transports publics, les gens pratiquent volontiers le covoiturage. Les crises économiques réveillent, elles, l’instinct de solidarité des galeries, enclines à louer des stands en commun sur les foires.

La « Fair Gallery », regroupant gb agency (Paris), Jan Mot (Bruxelles) et Raster (Varsovie), avait pris les devants en proposant un véritable projet curatorial sur l’édition 2007 de Frieze Art Fair, à Londres. Sur un mode différent, de nombreuses enseignes avaient, à l’exemple d’Esther Schipper (Berlin) et Air de Paris (Paris), mutualisé leurs efforts lors de la dernière édition d’Art Basel Miami Beach. Le parfum collectiviste flottait déjà dans la section « Supernova » de ce salon, initiée en 2007. Sur la foire Art Dubaï en mars, Distrito Cu4tro (Madrid) et Krinzinger (Vienne) ont aussi joint leurs efforts, tandis que Kamel Mennour (Paris) et Galleria Continua (San Gimignano) ont coproduit un projet de Daniel Buren. « Même si la période est serrée, tendue, c’est dans ces moments-là qu’il faut montrer de la générosité, retrouver des zones de poésie », défend Kamel Mennour. Celui-ci pourrait reconduire l’initiative, cette fois avec son confrère berlinois Johann König, lors de la prochaine Foire internationale d’art contemporain (FIAC). Les organisateurs de ce salon souhaitent d’ailleurs encourager ce type de pratique. « Nous avons décidé de réduire les frais de participation de 700 euros pour les galeries qui ont choisi de présenter conjointement une candidature, confie Martin Bethenod, commissaire général de la FIAC. Le geste est symbolique, mais il est perçu positivement. »
Au-delà des foires, certaines galeries font aussi jeu commun. Les Parisiennes Françoise Paviot et Galerie RX vont inaugurer ensemble les expositions respectives d’Aki Lumi et de Yuki Onodera le 12 mai prochain. Une association d’autant plus justifiée que les deux artistes en question forment un couple et effectuent ensemble leurs tirages. « Nous avons aussi prévu de partager à l’avenir des choses peu visibles, recouper par exemple nos fichiers presse environ tous les trois mois », indique Éric Dereumaux, codirecteur de la galerie RX.
La connivence s’exprime également dans les achats effectués en commun. C’est le cas de Big Stone de David Hockney, que David Juda (Annely Juda, Londres) a vainement montré depuis plusieurs années de foire en foire. De façon inopinée, ce grand dessin figurait sur les cimaises de la galerie londonienne James Mayor à Tefaf Maastricht. Pourtant Juda participait aussi à ce salon. Il y avait même montré cette œuvre l’an dernier. En changeant la pièce d’emplacement, l’effet de « déjà vu » s’est estompé et les possibilités de vente se sont démultipliées.
Les acquisitions communes risquent de se généraliser du côté des musées, dont les budgets sont en berne. L’an dernier, le Rijksmuseum, le Stedelijk Museum (Amsterdam) et le Central Museum d’Utrecht s’étaient associés pour acheter à hauteur de 750 000 euros un siège pour bébé de Gerrit Rietveld, chez Frans Leidelmeijer lors de Tefaf Maastricht. Quelques années plus tôt, le Centre Pompidou, la Tate (Londres) et le Whitney Museum of American Art (New York) avaient acquis ensemble Five Angels for the Millennium de Bill Viola. Aujourd’hui, encore plus qu’hier, l’union fait la force.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°300 du 3 avril 2009, avec le titre suivant : L’union fait la force

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