Galerie

ESTAMPES

Louise Bourgeois sur les planches

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 19 janvier 2018 - 503 mots

La galerie Karsten Greve présente plus de 60 estampes et portfolios réalisés par l’artiste entre la fin des années 1980 et 2009, avant sa disparition.

Paris. Karsten Greve est le premier à avoir montré Louise Bourgeois en galerie à Paris (mais aussi en Europe). Et ce dès 1990, un an après avoir ouvert son espace rue Debelleyme dans le 3e arrondissement. S’il a depuis organisé neuf expositions personnelles à cette adresse (et plus de vingt dans le monde) de cette artiste née à Paris en 1911 et décédée à New York en 2010, celle-ci n’est que la deuxième (après celle de 2005) entièrement consacrée aux « Éditions » selon son titre.

L’ensemble, composé de 65 pièces, permet donc de découvrir un pan très important – et moins connu que ses sculptures ou ses œuvres sur papier – du travail de Louise Bourgeois. En effet, à partir du moment où l’artiste redécouvre cette discipline à la fin des années 1980 (elle l’avait étudiée à New York en 1938), elle la pratiquera jusqu’à sa mort, réalisant au total plus de 5 000 planches. Au fil des années, elle donnera systématiquement un exemplaire de chaque tirage au MoMA, qui vient d’en montrer une large sélection, accompagnée du catalogue raisonné, dans une version définitive mise en ligne.

Le corps meurtri

On retrouve à Paris les différents thèmes et obsessions qui dominent toute son œuvre. À commencer par le rapport au corps, en l’occurrence le corps meurtri. Les neuf estampes (pointes sèches et aquatintes) du portfolio Topiary (The Art of Improving Nature) [1998] font allusion à sa sœur Henriette, atteinte d’une maladie à une jambe, qu’elle fait métaphoriquement glisser vers l’image d’un arbre pourvu d’une béquille, selon le principe de la topiaire, cet art de tailler les branches. Plusieurs portfolios sont ainsi déployés, notamment les neuf planches d’Anatomy (1990) (le corps encore) ou ces neuf pointes sèches qui raniment chacune sa célèbre figure de l’araignée sous le titre très explicite d’Ode à ma mère (1995).

Ailleurs, dans le Triptych for the Red Rooms (1994), l’artiste évoque Charcot et le fameux arc de l’hystérie, sur fond d’une sexualité houleuse perceptible dans la bouche, le couple et l’édredon en vague de la gravure Untitled (Le Lit, gros édredon, bleu). La vague est encore le motif de Day and Night, deux tissus cousus avec impressions numériques, rappel de son enfance parisienne lorsque ses parents tenaient une galerie de restauration de tapisseries à Saint-Germain-des-Prés. Car outre la qualité des œuvres et de la déclinaison des thèmes sur ces différents supports, l’ensemble révèle comment Louise Bourgeois les utilise pour travailler leur surface, jouer avec des couleurs vives (rouges et bleus) et composer de façon différente avec l’espace, quelquefois presque en 3D.

Les prix aussi sont en relief, allant de 20 000 euros pour les plus petites sérigraphies sur papier à 275 000 euros pour le diptyque de tissus. Mais il s’agit de Louise Bourgeois, l’une des plus importantes artistes de sa génération et de la seconde moitié du XXe siècle et du début du XXIe.

informations
Louise Bourgeois, Éditions,
jusqu’au 24 février, galerie Karsten Greve, 5, rue Debelleyme, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°493 du 19 janvier 2018, avec le titre suivant : Louise Bourgeois sur les planches

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