Avec leurs records ou, parfois, leurs résultats décevants, les ventes aux enchères se suivent mais ne se ressemblent pas. Chaque mois, L’Œil interroge les experts qui donnent leur opinion sur les prix obtenus.
230 000 F
Il est très rare de trouver sur le marché un meuble aussi ancien. Ce coffre en chêne orné de pentures à décors végétaux date du XIIIe siècle. Il a été présenté par l’expert Bruno Perrier à l’Espace Tajan : « Ce coffre fait partie des premiers modèles équipés de pieds, qui sont chevillés en façade et cloués sur les côtés. Pour ne pas faire éclater le bois, les panneaux latéraux ont été montés en retrait, une technique archaïque, caractéristique des assemblages les plus anciens. Ils n’auraient pourtant pas pu tenir sans les cerclages de fer et les pentures métalliques qui assurent la solidité de l’ensemble. On pouvait tout attendre de ce meuble hors cote, sans références. Il ne pouvait intéresser qu’une frange étroite d’amateurs de Haute-Époque, férus d’objets du haut Moyen Âge. Il a été adjugé dans la fourchette donnée, mais aurait pu obtenir beaucoup plus. »
Étude Tajan, espace Tajan, 17 mai.
6 000 000 F
C’est la plus haute enchère jamais prononcée pour un manuscrit littéraire français, les 52 « placards » corrigés de la première impression du monument de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu. Il s’agit de la presque totalité du premier tome, Du côté de chez Swann, où sont indiqués nombre de remaniements et de corrections. Cet ensemble, qui a été vendu par Christie’s à Londres, était estimé entre 6 et 9 MF. Selon l’expert Verenne de Soultrait, « l’estimation était basée sur des résultats obtenus par des placards disséminés qui se négocient autour de 300 000 F chacun. Le fait de présenter un tome quasi entier, le premier, et toutes les corrections qu’il contient en faisait une pièce exceptionnelle, mais aussi un objet très difficile. Seuls quelques fanatiques de Proust auraient pu être intéressés, avec des fondations et universités privées. C’est finalement la fondation suisse Martin Bodmer qui a acquis ce manuscrit, sans doute le dernier d’importance à rester en mains privées ».
Christie’s, Londres, 7 juin.
1 240 000 F
Présentée hors catalogue lors de la vente annuelle du château de Cheverny, une chope allemande a vu son estimation de 80 000/100 000 F pulvérisée. Cet objet en ambre gravé et ciselé dans une monture en argent doré a sans doute été réalisé vers 1640 ; son poussoir est orné d’un personnage ailé à queue de serpent. Me Philippe Rouillac, qui l’avait eu quinze jours avant sa vente, explique les raisons de ce succès : « Il s’agit d’un objet très rare, dont un exemplaire comparable appartient au Victoria & Albert Museum de Londres. Grâce à Internet, j’ai pu réunir rapidement une documentation en consultant les catalogues de musées étrangers, et la chope a figuré dans mon catalogue sur Internet. Elle a attiré des acheteurs allemands, suisses, italiens et anglais, et c’est finalement un Suisse qui l’a emportée ».
Étude Rouillac, Orangerie du château de Cheverny, 4 juin.
2 300 000 F
Magnifiquement ornée de dessins en couleur, cette cape en plume d’oiseaux qui appartenait au roi de Hawaï a été fabriquée vers 1800-1820, ce qui est très ancien pour un objet d’art premier. Elle a été vendue à New York par Sotheby’s dans la fourchette donnée par l’expert Jean G. Fritts : « Cette pièce exceptionnelle a été conservée pendant plus d’un siècle par un musée canadien, le Niagara Falls Museum, dont toutes les collections ont été constituées au cours du XIXe siècle. Sa beauté, sa provenance et son état de conservation lui ont valu un prix record pour un objet d’art hawaïen. Elle a été achetée par un particulier d’Hawaï ».
Sotheby’s, New York, 19 mai.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°518 du 1 juillet 2000, avec le titre suivant : l‘œil de l‘expert