8 000 €
17 ans après avoir réalisé son premier portrait qui fit le tour du monde, Steve Mac Curry retrouva la petite Afghane, mère de famille, dans le même camp de réfugiés au Pakistan. Ces deux icônes sont pour la première fois réunies en diptyque. Une présentation historique qui montre le soin extrême apporté à la préparation de cette vente si discutée. Le photographe Léon Herschtritt, expert de la vente aux côtés de Jean Di Sciullio, dit avoir souhaité que les photo-reporters qui marquèrent leur époque, ceux que lui-même, en tant que reporter, avait toujours admiré, soient représentés à la vente. On y retrouvait ainsi, première historique, le travail de Bruce Davidson, et des photographes de la célèbre exposition américaine
« Family of Men ». Références émouvantes pour un connaisseur, que le public, jeune et motivé mais presque entièrement nouveau, ne comprit pas toujours. A l’occasion de la vente furent réalisés les premiers tirages d’exposition de nombreux journalistes, peu accoutumés aux habitudes d’un marché surtout américain (l’agence Magnum possédant son propre Show Room, pour exposer le travail de ses reporters). En 2001, rappelle Léon Herschtritt, des reporters en transit à Paris vinrent signer, in extremis, leurs tirages à la vente même. Médiatisée, à la suite du record obtenu par les photos du 11 septembre de Nachtwey, la première vente était surtout animée par la volonté de faire connaître le travail des photo-journalistes. La vente s’inscrivait dans un contexte de difficultés économiques des agences de reporters et de remise en question de leur travail. Alors que de grands groupes bataillent pour posséder les archives du monde, que beaucoup de documents passionnants mais non publiables disparaissent et que les supports matériels des photographies se sont fragilisés, de tels documents sont précieux. Quant à leur intérêt esthétique, soit franchement contesté, soit critiqué d’un point de vue éthique comme une volonté de « faire du beau avec des cadavres », il est parfaitement reconnu, et même admiré chez les professionnels. Les rivaux malheureux de Nachtwey sont ses plus fidèles admirateurs. Comme le souligne Léon Herschtritt, il y eut des milliers de photos de mai 68, mais ce sont celles de Gilles Caron que l’on retient.
- Etude Bruno de Maigret, 15 novembre.
1 490 750 €
L’enchère atteinte par la série des vues du Mont Fuji, achetée pour un amateur asiatique, témoigne de l’intérêt croissant pour les paysages japonais alors que les rares portraits d’acteurs de Sharaku, dont on espérait beaucoup, n’obtinrent pas le succès escompté. La vente dont l’exposition attira plus de 5 500 visiteurs, reste un événement, ce que confirment les efforts du Musée Guimet pour enrichir ses collections. Pour comprendre les motivations d’un collectionneur moderne, il faut garder à l’esprit l’affinité miraculeuse qui exista, à la fin du XIXe siècle entre certains artistes occidentaux et l’art populaire des estampes, que l’on découvrait à peine (ouverture du Japon en 1858). Ces estampes, qui, mal interprétées, alimentèrent aussi un japonisme « de pacotille », répondent aux réflexions que certains artistes commencent à mener sur une réforme de la représentation. Monet, Van Gogh entre autres, les collectionnent. Comme les premières photographies, elles révolutionnent le point de vue des peintres en introduisant les vues angulaires ou plongeantes. Un lien intéressant et paradoxal unit les estampes japonaises étonnantes de vie et de naturel, et pourtant très élaborées, aux photographies instantanées qui se développent dans les années 1860. Qu’elles rêvent une épingle à chignon à la main ou offrent le thé, les geishas se livrent à des activités insignifiantes et charmantes, qui semblent saisies sur le vif, sans protocole, mais avec retenue et sobriété. Ce mélange de familiarité et de mystère influença sans doute les paisibles intérieurs peints par les Nabis. Peut-être lié à l’origine populaire des estampes, il en explique l’attrait, malgré leurs conventions picturales très éloignées des nôtres. Les collectionneurs japonais s’intéressèrent après les occidentaux aux estampes, longtemps jugées « vulgaires ». C’est afin de ne pas choquer ces collectionneurs, nombreux à la vente, que les shunga, estampes érotiques, ne furent pas intégralement reproduites dans le catalogue.
Sotheby’s, Paris, 27 novembre.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°543 du 1 janvier 2003, avec le titre suivant : L’œil de l’expert