Le marché des cotes est réduit. Les professionnels possèdent leurs archives et maîtrisent les prix. Peu de particuliers achètent ou vendent régulièrement de l’art. Alors que les cotes initialement publiées en anglais se vendent partout dans le monde, internet commence à faire sortir les cotes françaises des frontières... Dans un créneau déjà occupé par de sérieux concurrents.
Les sites consacrés aux cotes des œuvres d’art se multiplient mais le paysage des cotes imprimées a peu changé en dix ans. « Dans le domaine des cotes, chacun a son segment, explique un professionnel, et les acheteurs d’une cote lui restent fidèles. » Quatre livres se partagent les rayons « Arts plastiques » et « Mobilier-Objets d’art ». Le Mayer, guide d’origine suisse créé en 1962, s’adresse à un lectorat plutôt professionnel. L’Artprice Annual est son principal concurrent au kilo. Best-sellers, le Akoun et les Argus Valentine’s s’adressent au public des brocantes et des salles de ventes. C’est à Artprice, géant des cotes imprimées et on line, qu’il revient d’avoir redistribué les rôles, en rachetant, dans les années 1990, ses principaux concurrents, dont ses prédécesseurs sur le marché français, l’Adec et l’Annuel Van Wilder. La première révolution, les cotes l’ont connue il y a près de vingt ans. « Lorsque est apparu le Akoun en 1985, rappelle Jacky Akoun, existaient le Mayer et le Guidargus des peintres, destinés surtout à des professionnels. Les lecteurs du Akoun sont en majorité des chineurs. » « Économique, le Akoun tient dans la poche. Il propose une cote moyenne pour tous les peintres », résume un libraire.
Dès 1992, les Argus Valentine’s proposent aux chineurs la cote d’objets et de mobilier de moyenne gamme. « La majorité des objets qui passe en salle de ventes est très accessible. On ne sait pas les promouvoir. La presse n’en parle pas », explique Antoine Valentin. Dernière-née de la collection, Combien ça cote cote dès dix euros… La recette des cotes destinées aux chineurs a cependant des limites. Les différents Akoun et Argus Valentine’s ont un succès inégal. Le Akoun, qui propose une moyenne des prix en salle de ventes, convertie, de façon peu scientifique, à un format unique pour la plupart des artistes, n’est pas la référence autorisée des galeristes… Mais ces cotes ont gagné une bonne notoriété. « On trouve même, dans certain catalogues, “référencé dans le Akoun” », explique un professionnel.
Les « bonnes » cotes
En choisissant une cote, on doit se rappeler que chacune s’efforce de coller aux désirs de son lectorat. Le Mayer, dont les ventes s’appuient sur la fidélité de vieilles galeries européennes, a choisi de s’intéresser « aussi » aux peintres représentatifs d’écoles régionales d’Europe de l’Est… Les Argus Valentine’s publient des résultats français.
En France, les cotes sont, pour la plupart, réalisées par des équipes de trois ou quatre personnes, qui trient et sélectionnent des centaines de résultats. Et choisissent les œuvres en fonction de leur qualité… déterminée par les seules indications du catalogue. Pour trouver un prix représentatif,
les méthodes se heurtent à la même difficulté : déterminer les « sous » et les « sur » cotes. La plupart des rédacteurs de guides (Mayer, Akoun, Argus Valentine’s) isolent les résultats suspects et « enquêtent », dans la limite de leurs moyens, avant de les éliminer. Ce n’est pas le cas de l’Artprice Annual, seul guide à prétendre fonder sa sélection de résultats sur le « vrai prix » d’un artiste, prix théorique calculé par une méthode complexe ou les extrêmes sont pris en compte. Mais la méthode pour obtenir le « vrai prix » de l’art est un débat serré des économistes… Les guides Mayer, Argus Valentine’s présentent, comme l’Artprice Annual, les enchères obtenues pour des objets réels. Sur les Argus Valentine’s, consacrés aux meubles et aux objets d’art figurent les enchères « médianes » obtenues dans chaque catégorie. La sélection de résultats « médians » est plus aisée dans ce domaine, puisque d’un meuble à l’autre existent des éléments de comparaison. Dans le domaine
de la peinture ou de la sculpture, où chaque œuvre est irréductible à une autre, le problème du choix se pose différemment. Le Mayer se veut très pointilleux sur la qualité des œuvres sélectionnées. Présentant quelques enchères sanctionnant cette qualité, il donnera une plus haute idée des résultats d’un artiste que, par exemple, le Akoun. Cette fameuse « cote moyenne » se fonde sur le calcul de la moyenne des enchères obtenues par un peintre en salle de ventes. Moins sélective, cette moyenne exclut, cependant, les « écoles, ateliers, suiveurs… » et, autant que possible, les cotes surestimées ou les sous-cotations. Moyenne ramenée à un format unique ou enchères réelles… Indépendamment de la qualité de la sélection opérée, on pourrait dire que tout est une question de présentation… Les auteurs de guides (Akoun, Mayer) tentent de réparer les inégalités du marché en incluant dans leur sélection des artistes vivants, moins connus.
Ce choix a des retombées promotionnelles pour les artistes.
Se fondant sur les résultats en vente aux enchères, il ne menace pas la crédibilité du guide. On pourra se méfier, par contre, des prétendus guides de cotations, proposant aux artistes une publicité payante, illustrée, indiquant leurs prix en galeries. Les cotes ne reflètent pas non plus exactement la réalité de l’activité des salles de ventes. « Pour deux objets identiques, on choisira le bon résultat obtenu dans une salle de ventes moins connue », explique-t-on chez Mayer et Argus Valentine’s.
Le « bon » site
La multiplication des sites consacrés aux résultats de l’art en salle de ventes est étonnante, alors que nombre d’entre eux n’ont pas encore trouvé leur équilibre économique. Les deux leaders de la catégorie, Artnet et Artprice, ont perdu plusieurs dizaines de millions d’euros depuis leur création. Or ils présentent l’éventail le plus complet dans le domaine de la recherche de résultat. Artnet est illustré et propose une recherche détaillée, par artiste, dimensions, échelle de prix… Artprice offre le répertoire
le plus exhaustif, invendus inclus, ainsi qu’un ensemble de signatures et monogrammes. « Chaque site propose des options intéressantes et il faudrait tous les consulter », estime Andrew Marlborough, étudiant à l’université de Southampton, qui s’apprête à publier un mémoire sur le sujet. « Étant donné la concurrence dans ce domaine, il faut, pour savoir qui s’imposera, se demander quelles sont les entreprises les plus rentables maintenant. » Le choix est d’autant plus délicat que chaque site propose toute une gamme d’outils. L’Italien Gabrius, qui ne travaille curieusement que sur un nombre
de résultats très réduits, est techniquement le plus avancé en la matière, avec Artexpand, un outil permettant d’engendrer des graphes très sophistiqués. Mais quels produits dérivés du résultat sont réellement utiles ? Très peu de sites présentent des illustrations.
Le montant des droits d’auteur et l’hypothèse d’artistes surgis de nulle part, non répertoriés par les associations, effraient les exploitants de sites. On évoque à ce sujet les difficultés d’Artnet, qui a passé outre une législation encore floue. La numérisation des images pose une difficulté technique et financière qui s’ajoute au problème des droits d’auteur. Artprice contourne la difficulté en proposant, à titre payant, d’envoyer par e-mail illustrations du catalogue et détail de la vente. L’image est un élément essentiel de compréhension du résultat, qui devrait justifier l’investissement. Si les œuvres sont reproduites avec exactitude : « Les catalogues comportent des illustrations interverties, mal numérotées », rappelle Duncan Hislop, éditeur de l’Art Sales Index dont le site, précurseur du genre,
ne comporte pas d’illustration. « Les images supposent un surcroît de vérifications. » Beaucoup de sites, en revanche, présentent toutes sortes de graphiques, cotes, indices qui ne constituent pas une indication exacte et pertinente pour juger la cote d’un artiste. « Les graphiques présentés par ces sites, destinés à des particuliers ou des professionnels, ne présentent aucun intérêt, estime l’économiste David Kusin.
Ils utilisent trop peu de données et couvrent une période trop courte. » « Beaucoup de graphes sont en dents de scie et n’indiquent pas grand-chose reconnaît Duncan Hislop. Ils me sont commandés surtout par des galeries, comme illustrations. » Face à cette profusion d’outils, le choix d’un site relève de raisons personnelles. La promotion agressive de certains sites peut agacer. Les nouveaux sites se veulent simples et accessibles. Guide-Mayer.com propose les résultats sélectionnés pour la réalisation du Mayer depuis 1987. Après une recherche simple, le montant des enchères s’affiche immédiatement. On peut ensuite accéder au détail de la vente. Chaque résultat sera illustré « avec l’accord de l’ADAGP, ainsi que des successions Matisse et Picasso », tient-on à préciser chez Mayer. Sur Akoun.com, figurent, pour un public plus large, les cotes moyennes des peintres, ainsi que des résultats sélectionnés dans toutes les autres disciplines. On n’accède pas au détail de la vente mais au montant des enchères.
Un pictogramme commente la cote de l’artiste : stable, fluctuante, en hausse. Ce qui se conçoit bien… s’énonce clairement.
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Livres de cotes, la mesure de l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°557 du 1 avril 2004, avec le titre suivant : Livres de cotes, la mesure de l’art