À la galerie Xavier Hufkens, l’artiste néerlandais conçoit son travail comme une déambulation dans les pièces de son esprit.
Bruxelles. Chez Mark Manders (né en 1968 aux Pays-Bas), la réalité n’est jamais telle qu’elle paraît. Des sculptures qui semblent être en argile craquelée sont en fait du bronze peint. Des poutres en bois usé sont composées de polyester. Les objets et mobiliers qu’il crée pour ses installations sont une reproduction fidèle de la réalité, mais réduite à 88 %. Dans certaines de ses œuvres, il utilise des feuilles de papier journal extraites d’un quotidien créé de toutes pièces en mettant bout à bout et au hasard tous les mots de l’Oxford English Dictionary et en les accompagnant de photos abstraites qu’il a réalisées lui-même. L’artiste crée tout un monde, mélancolique et intemporel. Chaque œuvre y est autonome et peut s’apprécier comme telle, bien qu’elle soit reliée aux autres.
Mark Manders voulait être écrivain, mais sa fascination pour les objets l’a conduit à écrire avec des objets, pas avec des mots. Depuis 1986, son œuvre se déploie autour d’un projet quasi unique : « Self-Portrait as a building » (« Autoportait en tant que bâtiment »). Chaque exposition est l’occasion de montrer, à travers ses installations, de nouvelles pièces de son immeuble en expansion. Pour sa première exposition chez Xavier Hufkens, qui a repris la représentation de l’artiste après la fermeture de Zeno X, sa galerie historique à Anvers, Manders occupe les quatre étages de la galerie bruxelloise.
Chaque « pièce » qu’il y installe, chambre à coucher, salle de bains, atelier, est une métaphore de son caractère ou d’une expérience vécue. Mais tout cela est subliminal et intégré dans le process et ne s’impose pas au spectateur. Manders a acquis sa notoriété avec ses grandes figures en bronze, imitant l’argile craquelée, aux traits androgynes lointainement inspirés de la statuaire grecque. Ses figures sont souvent incomplètes ; soit il leur manque une jambe, des bras, soit elles sont inachevées. Certaines parties sont brutes, à peine malaxées, ou retenues par des planches, comme pour évoquer un temps figé. De même, ses installations font penser à un décor abandonné et livré à lui-même. Tous les éléments qui le composent, le mobilier comme les objets, ont été façonnés par l’artiste qui travaille seul dans l’ancienne filature où il a installé son atelier à Renaix.
Au dernier étage, on entre dans ce qui se présente comme son atelier : des espaces séparés par des bâches plastique, des sculptures inachevées sur leur socle, des objets trouvés éparpillés sur le sol, un bureau encombré de papiers, photos et objets divers, et une curieuse vitrine avec un chat noir coupé en deux. Chacun de ces éléments a été soigneusement fabriqué par l’artiste pour paraître plus véridique que nature. Pour nous laisser avec son absence.
Depuis les années 2000, Mark Manders jouit d’une visibilité aux États-Unis où il fait l’objet d’expositions institutionnelles. Il est présent dans les collections du MoMA à New York et a reçu commande pour une sculpture à Central Park. En maison de ventes, ses œuvres dépassent souvent les estimations, 41 800 dollars [38 500 €] pour une tête (Untitled Head, 2018, bronze, éd. de 9,20 x 18 x 7 cm) estimée à 20 000-30 000 dollars chez Phillips en 2018, ou 21 590 dollars [18 600 €] pour Suitcase with Dog and Pillow, 1992, estimée à 10 000-15 000 dollars, toujours chez Phillips, en juin 2024. L’exposition chez Hufkens était attendue, une partie des pièces qui se négocient entre 25 000 et 500 000 euros a été vendue avant l’ouverture à des collectionneurs européens, américains et asiatiques.
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L’intérieur en faux-semblants de Mark Manders
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°643 du 15 novembre 2024, avec le titre suivant : L’intérieur en faux-semblants de Mark Manders