Trois galeries parisiennes s’associent pour célébrer l’art débridé de Pascin. En espérant le sortir d’une certaine disgrâce.
PARIS - Trois galeristes, trois générations, trois passionnés de Jules Pascin. Voisins de la rue des Beaux-Arts (Paris-6e), Abel Rambert (Galerie Rambert), Jean-François Aittouarès (Galerie Aittouarès) et Benoît Sapiro (Galerie Le Minotaure) se sont réunis autour d’une exposition et d’un catalogue communs, où tableaux, aquarelles et dessins rappellent la ferveur d’un artiste aujourd’hui en disgrâce.
En 1905, il y a cent ans, Julius Mordecaï Pincas (1885-1930) débarquait sur le quai de la gare de l’Est. Issu de la bourgeoise juive de Bulgarie, il francise son identité à la suite de l’accueil réprobateur fait par son père à certains de ses dessins. Ce « libertin du XVIIIe », comme le décrit Jean-François
Aittouarès, adorait Fragonard, Boucher et Watteau. Son choix des maisons closes comme lieu de travail tombait sous le sens ; les modèles dénudés y foisonnent et, au fond, pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable ? Envoyé à Paris par Simplicissimus, journal satirique allemand, Pascin ne connaît pas les difficultés financières des artistes débutants. Son succès ne se fait pas attendre. Festif, généreux et débordant d’énergie, il est une figure emblématique de la vie nocturne des Années folles. « J’aime sa liberté, son charisme, sa générosité, sa respiration à travers le dessin », confie Abel Rambert, sur le point d’achever, avec son fils, le cinquième tome du catalogue raisonné de l’artiste.
Tons caribéens
« Oh, comme les gens sont idiots de ne pas voir que tous mes talents de peintre se révèlent dans mes dessins et non dans mes tableaux ! », proclamait Pascin. Le superbe portrait d’Éliane (1924), huile sur carton exposée chez Rambert, vaut pourtant son pesant d’or, tant par sa beauté que par son prix (250 000 euros). Le point de vue surélevé, la transparence de la matière picturale et le carton laissé à nu sont des caractéristiques de l’œuvre peint. Chez Aittouarès, La Cruche cassée (1928) se distingue par sa technique originale du papier carbone sur panneau de bois. À la galerie Le Minotaure, l’humour noir prend la forme d’un égorgeur s’attaquant à une rangée de bambins alignés dans un grand lit, mais aussi les traits de prostituées aux multiples bourrelets, minaudant auprès de leurs clients éméchés et engoncés dans leurs habits de soirée. Au cours de son séjour à Cuba, Pascin abandonne le pastel pour la chaleur des tons caribéens, sans toutefois oublier son sens aigu de l’observation (Le Cavalier cubain, 1916). Une telle vivacité ne laissait en rien augurer d’un Pascin malade, au cœur brisé, se suicidant à l’âge de 45 ans.
La cote de l’artiste a largement souffert de la quantité notoire de fausses feuilles, très souvent d’époque, qui pullulent sans certificat d’authenticité sur le marché. À l’été 2004, le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, à Paris, a présenté une large sélection d’œuvres détenues par le Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Mais il en faudra sans doute plus pour redonner ses lettres de noblesse au « roi de Montparnasse ».
- Nombre d’œuvres : 130 peintures, dessins et aquarelles
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Libre comme l’air
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 31 décembre, Galerie Aittouarès, Galerie Le Minotaure, Galerie Rambert, 2 et 4, rue des Beaux-arts, 75006 Paris, tél. 01 40 51 87 46 (Aittouarès), 01 43 54 62 93 (Le Minotaure), 01 43 29 34 90 (Rambert), du mardi au samedi 11h-13h et 14h30-19h. Catalogue, 130 p., 130 ill. couleur, ISBN 2-9609113-8-2.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°225 du 18 novembre 2005, avec le titre suivant : Libre comme l’air