L’absence de réglementation sur les ventes aux enchères d’art sur l’Internet inquiète, à juste titre, la Compagnie des commissaires-priseurs de Paris, qui vient d’assigner en justice la société n@rt, nouveau site français de ventes aux enchères, « pour lancer le débat public », plutôt que dans l’espoir d’obtenir raison. Car, dans l’état actuel de la législation, la démarche est difficilement attaquable.
PARIS - Depuis le 26 novembre, nart.com, filiale américaine de la société française n@rt, organise des ventes aux enchères sur le Net (lire dans le JdA n° 95 du 17 décembre notre dossier “marché de l’art et Internet”). Aucun frais pour l’acheteur, pas de fiscalité, pas de droit de suite, et de très modestes garanties : tout est possible puisque le commerce électronique n’est pas réglementé. Un pied de nez aux commissaires-priseurs en pleine réforme ? La Compagnie de Paris aurait souhaité que les ventes d’art aux enchères en France sur l’Internet obéissent à la législation sur les ventes publiques françaises. Dans une lettre datée du 7 décembre, la Compagnie avait demandé au gouvernement de se prononcer sur la question lors du vote de la réforme, le 22 décembre. Elle a également adressé en fin d’année une assignation à la société n@rt. Sans résultat immédiat. “Concernant l’Internet, le gouvernement n’a pris aucune position et s’est contenté de se retrancher derrière une directive européenne en préparation”, regrette le président de la Compagnie, Me Dominique Ribeyre. Quant à n@rt, “le site est français et les objets mis en vente ont été présentés en France”, ajoute-t-il. Mais, même s’il s’agit d’un montage juridique, c’est à New York qu’on vend et qu’on facture. Ainsi que nous le rappelions dans notre dernier numéro, d’un point de vue de droit, cette approche n’est pas, dans son principe et dans l’état actuel de la législation, plus contestable juridiquement que celle de Sotheby’s ou Christie’s.
Me Patrick Deburaux, le spécialiste de la Compagnie pour les questions Internet, indique : “Nous attaquons sur le fond, pour prendre date ”. Entre autres griefs, les professionnels du marché insistent sur l’absence de sélection sérieuse des objets proposés, les garanties insuffisantes sur leur authenticité et leur valeur . Jusqu’à présent, un certificat garantissant la conformité de l’objet à sa description était délivré par un “expert” en cas de vente (il était simplement précisé au vendeur qu’une pénalité de 20 % du prix de l’adjudication serait retenue en cas d’échec de la vente pour cause de non-conformité). “L’expertise sera désormais préalable, annonce Antoine Beaussant, président de n@rt, et dès la fin janvier, nous allons travailler avec des experts de Drouot “. L’autre enjeu est fiscal. Les ventes de la société de droit américain sont exemptes de TVA. Néanmoins, n@rt promet d’appliquer la TVA “en fonction de la nationalité du vendeur et de l’acheteur. S’ils sont tous les deux français par exemple, la TVA française s’appliquera, ainsi que le droit de suite et le droit de préemption attachés à l’œuvre et pas au site”. Nous remarquions dans notre dernier numéro que la culture des “nouveaux marchands” était plus proche du marketing et de la publicité que des connaissances fondamentales du marché. Voilà donc un “nouveau marchand” convaincu. Pour Me Dominique Ribeyre, “les gens de n@rt semblent honnêtes, mais que vont faire les autres sites de ventes aux enchères amenés à se développer sur l’Internet ?”. Et, de toute façon, ces promesses de régularisation paraissent difficiles à tenir longtemps. Car si l’on monte en France des sites de ventes aux enchères appliquant intégralement les conditions imposées aux nouvelles sociétés de ventes volontaires, ils vont à leur tour être tout aussi défavorisés qu’elles face à leurs concurrents délocalisés à l’étranger. Et l’on revient à la case départ...
Oxion.com, le nouveau site d’enchères lancé par Me Jean-Claude Binoche, basé à Londres, doit prochainement démarrer. De son côté, Drouot prépare le sien. À suivre...
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Les ventes sur l’Internet préoccupent Drouot
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°96 du 7 janvier 2000, avec le titre suivant : Les ventes sur l’Internet préoccupent Drouot