Galerie

ART CONTEMPORAIN

Les sculptures en suspens de Valerie Keane

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 28 mars 2022 - 355 mots

PARIS

Le côté acéré de ses figures androïdes de métal est tempéré par leur mode d’installation dans l’espace de la galerie High Art.

Paris. Si la grande majorité des galeries montrent actuellement de la peinture, quelques-unes font le pari d’exposer des œuvres tridimensionnelles, parti pris plus risqué sur le plan commercial. La sculpture se vend moins bien. Elle demande à être vue « en vrai » et prend de la place. Surtout, comme c’est le cas des pièces de Valerie Keane, lorsqu’elle s’arrime au plafond par de longs câbles, se voit mieux à hauteur de regard et a besoin d’espace autour d’elle pour respirer et osciller à son aise. Dans l’écrin de la galerie High Art, murs d’un blanc immaculé et moulures Haussmann, l’accrochage fonctionne à merveille. Six œuvres seulement (affichées entre 12 000 et 20 000 euros) – Valerie Keane produit très peu – ont été sélectionnées pour ce solo qui est le deuxième de l’artiste américaine (née en 1989) dans la galerie du 9e arrondissement.

Minutie horlogère

Le travail de Valerie Keane n’a pas beaucoup varié depuis sa précédente exposition, en 2016. Ses compositions anthropomorphes évoquent des anatomies androïdes de métal et d’acrylique constituées d’éléments qu’elle dessine et assemble à plat avec une minutie horlogère. Le bois fait son apparition dans certains de ces assemblages, et l’artiste a désormais mis au point un système de fixation qui en stabilise l’équilibre fragile. Seule demeure la vibration, imperceptible, d’un léger balancement. Bien que le détail de ces squelettes d’acier inoxydable laisse apparaître des crans, des dents, des pointes, leur aspect ornemental annule quasiment toute forme d’agressivité, quand bien même le titre de l’exposition, « Nature Angst » (qui est également celui d’une des œuvres), voudrait souligner leur potentiel anxiogène [« Angst » signifie « peur » en allemand]. Est-ce parce qu’elles semblent trop propres et étincelantes, quand notre regard s’est accoutumé aux objets de rebut auxquels recourent souvent les artistes ? Si cette perfection plastique surprend, la façon dont cette verticalité toute en tension souligne la gravité fascine. Il y a dans ces objets pendus quelque chose d’humain qui touche juste, et dans leur façon de flotter dans l’espace une séduction non dénuée d’élégance.

Valerie Keane, Nature Angst,
jusqu’au 16 avril, galerie High Art, 1, rue Fromentin, 75009 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°585 du 18 mars 2022, avec le titre suivant : Les sculptures en suspens de Valerie Keane

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