PARIS
L’artiste, présenté pour la première fois à la galerie Ceysson & Bénétière, donne une nouvelle vie, très plastique, aux technologies obsolescentes.
Paris. Quels liens existe-t-il entre des câbles d’antennes de télévision, des cassettes VHS, des fils conducteurs ? A priori aucun, ou du moins ils ne sautent pas aux yeux. Sauf à ceux de Mounir Fatmi (né en 1970 à Tanger) qui, depuis ses débuts au milieu des années 1990, voit en eux au moins deux points communs. Le premier concerne leurs potentialités esthétiques que l’artiste débusque pour les transfigurer, et rendre ces matières pour la plupart plastiques extrêmement… plastiques, au sens artistique du terme. En témoigne notamment, dans cette première exposition personnelle à la galerie Ceysson & Bénétière (sa précédente exposition en galerie parisienne remonte à 2014 chez Yvon Lambert), le très beau détournement de câbles blancs – éléments peu identifiables d’ailleurs au premier regard. Leurs lignes en relief peuvent aussi bien figurer le chiffre zéro que dessiner, de façon plus abstraite, un labyrinthe de fils d’Ariane. De même, la juxtaposition de ces boîtes rectangulaires noires typiques des anciennes cassettes vidéo, ici repeintes en blanc pour une partie d’entre elles, permet une belle composition géométrique avec mise en abyme du cercle. Le second point commun à tous ces matériaux est leur obsolescence, celle que recherche Mounir Fatmi pour aborder la question du temps, centrale dans sa démarche. « Je me situe entre l’archive et l’archéologie », confie-t-il. Et le mot « entre » est ici un mot-clef qui ouvre une boîte à outils (une ceinture à outils est d’ailleurs accrochée au mur), voire de Pandore , car il faut également l’entendre au sens de « milieu » et de « médium », des notions essentielles ici, en référence respectivement à Gilles Deleuze et au théoricien de la communication Marshall McLuhan. Le milieu, synonyme de « présent », un temps furtif entre le dépassé du passé et l’incertain du futur. Et le médium : « J’utilise ce que j’appelle des médiums morts. Quand on me parle de ready-made, je dis, moi, “ready-dead” », précise l’artiste qui « travaille déjà avec les restes d’une technologie en train de disparaître puisqu’on est sorti de l’analogique pour passer au numérique ». Le médium qui, tel des fils de communication ou même notre propre corps, est le conducteur entre l’émission d’une information et sa réception. D’où le titre de l’exposition « The White Matter », « La matière blanche », du nom de ces fibres nerveuses qui, selon leur définition, « constituent le câblage de notre cerveau et servent à la transmission des informations ». Concernant le prix des œuvres, il va de 3 000 euros pour un petit dessin (34 x 24 cm) à 120 000 pour la plus grande installation Deconstruction structure 04 composée de trois écrans. Une cote en adéquation avec la carrière d’un artiste qui travaille avec une vingtaine de galeries dans le monde, de Los Angeles à Tokyo en passant par Johannesburg, Genève ou Milan, et qui est présent sur la scène internationale à travers à de nombreuses manifestations collectives.
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Les « ready-dead » de Mounir Fatmi
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°525 du 7 juin 2019, avec le titre suivant : Les « ready-dead » de Mounir Fatmi