Le marché de l’art britannique se prépare à ce qu’il considère être une menace majeure : l’extension de l’« Artist’s Resale Right » (ARR, l’équivalent du droit de suite) aux artistes décédés et à leurs ayants droit.
En 2006, lorsque cette taxe, déjà présente en Europe, a été introduite au Royaume-Uni, le gouvernement avait obtenu une dérogation jusqu’au 31 décembre 2011 lui permettant de la limiter aux artistes vivants. Désormais, l’ARR s’applique sur la revente de n’importe quelle œuvre d’art d’une valeur supérieure à 1 000 euros, avec un plafond de taxe à 12 500 euros. Selon l’économiste Clare McAndrew, la part de marché de l’Union européenne a baissé sur la période 2005-2010, en raison notamment de l’ARR. Elle souligne également que l’ARR ne bénéficie qu’à 3 % des artistes vivants. La Commission européenne s’était appuyée l’an dernier sur le rapport de Clare McAndrew, qui publiait les résultats d’une consultation auprès de professionnels sur la directive. Elle relevait « qu’il n’y a pas assez de preuves pour établir que la perte de parts de marché concernant les œuvres des artistes vivants était due directement à l’harmonisation du droit de suite en 2006 ». Et s’agissant des ayants droit d’artistes décédés, elle concluait qu’il n’y avait pas, « à ce jour, d’éléments permettant de dire que les États membres qui ne taxent pas les transactions sur les œuvres des artistes décédés ont été plus performants sur la période que ceux qui le font ». Les montants perçus par les ayants droit représentent 82 % de la totalité des droits en valeur, 71 % en volume et 63 % des bénéficiaires.
Tania Spriggens, la directrice de la communication de Dacs, l’une des trois sociétés britanniques de perception de droit, réfute l’idée selon laquelle l’extension de l’ARR va fragiliser le marché britannique : « Le marché britannique se porte bien depuis l’introduction de l’ARR en 2006. » Elle considère que l’extension aux ayants droit va aider les successions d’artistes à faire des études, réaliser des authentifications, produire des catalogues raisonnés. Elle ajoute que les marchands ont disposé de plusieurs années pour mettre en place les procédures de calcul et de paiement du droit de suite.
À l’étude aux États-Unis
D’après Anthony Browne, le président de la British Art Market Federation, la législation permet de réexaminer l’impact de cette directive dans deux ans, de telle manière que s’il est avéré qu’un possible affaiblissement du marché britannique est imputable à l’extension de l’ARR, des mesures pourront être prises avant que d’autres dommages n’adviennent.
Dans le même temps, un projet de droit de suite est à l’étude aux États-Unis. Un recours judiciaire collectif est actuellement mené contre Sotheby’s, Christie’s et eBay en Californie, qui est le seul État américain à disposer d’un droit de suite, bien qu’il soit peu appliqué et que son fondement légal soit peu assuré. Browne affirme que si l’ARR était obligatoire pour tous les signataires de la Convention de Berne sur le droit d’auteur (parmi lesquels figurent les États-Unis), l’équité serait rétablie. Un projet de loi fédéral a été introduit au Sénat et à la Chambre des représentants en décembre 2011 aux États-Unis.
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Les marchands britanniques inquiets
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°361 du 20 janvier 2012, avec le titre suivant : Les marchands britanniques inquiets