Après une longue absence des cimaises, Alain Jacquet revient, chez Georges-Philippe & Nathalie Vallois, avec une exposition de sa première période, fondatrice de son œuvre.
PARIS - Alain Jacquet (1939-2008) n’a pas bénéficié d’exposition personnelle dans une institution parisienne depuis 1993 (dans les galeries contemporaines du Centre Pompidou), dans une institution nationale depuis 2005 (au Mamac de Nice) et dans une galerie à Paris depuis… 1996 (chez Daniel Templon). On croit rêver ! Pourtant, telle est bien la paradoxale réalité concernant un artiste régulièrement considéré comme l’un des plus marquants de son époque et indéniablement pionnier dans l’interrogation de l’image, l’expérimentation de nouveaux supports (le Plexiglas…) et outils (l’ordinateur, le pinceau électronique…), précurseur même du « Mec art », selon le terme inventé par le critique Pierre Restany pour qualifier certaines de ses œuvres. Il fut aussi le seul artiste français présent dans l’exposition « Quand les attitudes deviennent forme » conçue par Harald Szeemann à Berne en 1969, et il représenta la France à la Biennale de Venise en 1976 puis à São Paulo en 1989. Ceci pour ses principaux faits d’armes, afin de rappeler son importance et sa qualité. En témoignent les œuvres réunies dans cette première exposition à la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois qui, comme pour certains Nouveaux Réalistes (Jean Tinguely, Niki de Saint Phalle…), représente désormais la succession de l’artiste, en l’occurrence sa veuve, Sophie Matisse (arrière-petite-fille d’Henri, le peintre, et petite-fille de Pierre, le galeriste).
C’est ce goût pour les années 1960, parallèlement à celui pour des artistes contemporains, qui a poussé les Vallois à se pencher sur le malheureusement trop oublié Alain Jacquet, et à commencer par le commencement : ses premières années, de 1961 à 1963 avec deux séries d’œuvres, les « Images d’Épinal » et les « Camouflages ». Une période fondatrice au cours de laquelle l’artiste met en place son langage et ses grandes lignes, notamment son utilisation d’une iconographie populaire – les images d’Épinal justement, la publicité… – ainsi que les références à l’histoire de l’art, comme il le fera juste après, en 1964, avec sa toile culte Le Déjeuner sur l’herbe, réalisée d’après le chef -d’œuvre de Manet. Il mêlera même quelquefois ces deux sources comme dans Camouflage Picasso (Micheline 1), superposition et interaction du portrait de Micheline par Picasso et de l’image du bonhomme Michelin. Car l’humour, le détournement, le jeu sont également déjà très présents : c’est même en s’amusant du jeu de jacquet et de son propre patronyme qu’il concevra ses « Images d’Épinal ». En s’inspirant des formes triangulaires du plateau du backgammon (autre nom du jeu), il va en effet transposer la scène figurative de ces gravures populaires en tableaux abstraits uniquement peints à partir des couleurs du jeu, rouge, jaune, vert… Cette « transcription » est perceptible dans le catalogue édité à cette occasion et où sont montrés les images de référence, les dessins intermédiaires de Jacquet et le résultat final sur la toile.
Installé à New York
La couleur égaye ainsi cet ensemble d’œuvres rafraîchissantes et très pop. On la retrouve – avec cette autre clef de voûte qu’est la question du point de vue – dans les « Camouflages », et notamment dans une magnifique anamorphose (Camouflage Vénus de Cnide). Dans une autre œuvre étonnante, « Fresque Iolas », Construction Game, composée de 21 tubes en carton de 3 m de hauteur sur lesquels sont marouflés des papiers représentant de coquines jeunes femmes ainsi que des briques et fenêtres d’immeubles new-yorkais. L’installation n’avait pas été montrée depuis sa première présentation à la galerie Alexandre Iolas à New York en 1964. Et donc jamais en France, où l’on attend toujours une grande rétrospective.
Les prix vont de 5 000 euros pour un petit dessin à 600 000 pour la grande installation. La somme est coquette, mais Jacquet n’a réalisé que deux installations picturales et celle-ci est la seule à se trouver encore sur le marché. Ensuite, si ses prix sont soutenus, c’est aussi parce qu’il s’est installé et a exposé dès 1964 à New York et qu’il est présent dans de grandes collections américaines. Enfin cette période est courte et compte peu de tableaux par série : il n’y en a d’ailleurs pas eu depuis un certain temps à vendre.
Nombre d’œuvres : 31 dont 13 dessins
Prix : entre 5 000 et 600 000 €
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Les jeux de Jacquet
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Abonnez-vous dès 1 €ALAIN JACQUET, DES IMAGES D’ÉPINAL AUX CAMOUFLAGES (1961-1963), jusqu’au 11 octobre, Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, 36, rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 46 34 61 07, www.galerie-vallois.com, du lundi au samedi 10h30-13h et 14h-19h.
Légende Photo :
Vue de l'exposition des oeuvres d'Alain Jacquet à la Galerie GP & N Vallois, Paris. Courtesy Comité Jacquet et Galerie GP & N Vallois, Paris. © Photo : André Morin.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°441 du 18 septembre 2015, avec le titre suivant : Les jeux de Jacquet