L’alliance du bronze et de la céramique – communément dite \"porcelaine montée\" – est à l’origine d’objets séduisants qui intéressent nombre d’amateurs et forment une catégorie d’objets d’art à eux seuls. On ne saurait en effet les assimiler aux bronzes ni aux porcelaines.
D’origine européenne ou le plus souvent extrême-orientale, des porcelaines montées figureront dans les grandes ventes parisiennes du mois de décembre. Mais aussi à Londres chez Christie’s et Sotheby’s ( les 7 et 8) et à Monaco le 9, en même temps que la vente de la comtesse de Castellane.
C’était en 1989. Mes Ader, Picard et Tajan venaient d’adjuger – au prix alors record de 5,5 millions de francs – une splendide paire de vases en porcelaine du Japon à décor Kakiemon, parés d’une éblouissante monture en bronze ciselé et doré.
L’heureux acquéreur de ces remarquables objets, un Japonais, aurait alors déclaré qu’il s’était préparé à enchérir plus haut encore "malgré les montures". Authentique ou apocryphe, le mot illustre en tout cas fort bien le paradoxe des porcelaines montées : elles ne s’adressent ni aux collectionneurs de bronzes, ni à ceux de porcelaines. Surtout s’ils sont d’origine asiatique, ces derniers voient dans les montures un ajout disgracieux ; à l’inverse, beaucoup d’amateurs de bronzes estiment que la polychromie des porcelaines détourne trop l’attention de la finesse des ciselures du métal.
L’examen des catalogues corrobore cette observation : les porcelaines montées figurent dans les ventes d’objets d’art et de mobilier ; elles viennent, dans la plupart des cas, compléter des intérieurs classiques auxquels elles apportent une ultime touche de raffinement.
Si l’on veut essayer d’y voir plus clair, la comparaison avec les livres s’impose : on sait que les bibliophiles recherchent des textes en édition originale et dans la plus belle reliure possible. Il en va un peu de même pour les porcelaines montées qui, outre la qualité de la céramique elle-même, doivent présenter une monture séduisante.
Ce qualificatif sous-entend que la monture doit être aussi proche que possible de la porcelaine qu’elle met en valeur. Un vase Ming pourra sans dommage s’adjoindre une monture du XVIIIe siècle, mais une céramique du XVIIIe siècle montée au siècle suivant vaudra sensiblement moins cher que son équivalent enserré dans un bronze lui aussi du XVIIIe siècle. De même en matière d’ouvrages illustrés et rehaussés à la main : la polychromie doit être contemporaine de l’édition sous peine d’entraîner une sévère décote.
À ces critères relativement "objectifs" s’en ajoutent d’autres, qui influent sur les prix enregistrés mais ne sont pas aisément identifiables pour le profane. Pour schématiser, on peut avancer qu’un prix élevé dépendra à la fois de la concordance d’époque entre le support et sa monture, et de la qualité d’au moins un de ces deux éléments : des bronzes finement ciselés valoriseront une porcelaine courante, tandis que la qualité de celle-ci pourra "sauver" une monture relativement banale. Il est probable qu’à l’origine, les montures avaient un aspect principalement utilitaire : protéger des objets importés à grands frais d’Extrême-Orient.
D’ailleurs, les porcelaines montées d’époque Régence présentent généralement des montures assez simples. Puis, les exigences d’une clientèle raffinée et avide de nouveautés se sont accrues, une tendance qu’ont su suivre (ou précéder ?) les marchands-merciers.
Dès le règne de Louis XV, les montures deviennent de plus en plus élaborées, la porcelaine ne servant plus que de prétexte à des montures d’une éblouissante virtuosité. La tendance persistera au XIXe siècle avec, en parallèle, le développement d’une tendance nettement "orientaliste", à laquelle nous sommes redevables de montures d’un exotisme souvent débridé et follement fantaisiste.
L’éventail des prix demeure largement ouvert, de quelques milliers de francs à 1 045 000 livres, l’enchère record prononcée en juin 1994 chez Christie’s pour une paire de buires de couleur aubergine, dans une monture attribuée à Pierre Gouthière, précieux objets encore auréolés d’avoir appartenu à Marie-Antoinette. Il convient de souligner – les enchères successives relevées au cours des dernières années pour des objets passés plusieurs fois en vente publique le prouvent – que le cours des porcelaines montées suit une progression mieux que satisfaisante. Elles constituent sans nul doute un excellent placement.
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Les Habits de bronze des céramiques
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°20 du 1 décembre 1995, avec le titre suivant : Les Habits de bronze des céramiques