Provenance garantie, valeur historique et émotionnelle, présentation dans les intérieurs d’origine… autant d’ingrédients qui expliquent l’engouement autour de ces ventes pas tout à fait comme les autres.
Alors que la dispersion de la collection Rockefeller, en mai à New York, fait le buzz depuis des mois, force est de constater que ce type d’emballement n’est pas un cas isolé. « Les collections sont une composante essentielle des ventes aux enchères d’art », souligne Loïc Lechevalier, secrétaire général du Conseil des ventes volontaires (CVV). « Elles font l’objet d’une concurrence acharnée entre les maisons de vente », renchérit Damien Leclere, qui a dû se résigner à « partager » la mise aux enchères de la collection Robert de Balkany avec Sotheby’s en 2016. Les deux leaders du marché parisien, Christie’s et Sotheby’s, font tout pour s’attirer les plus beaux ensembles. Au point de concentrer 92 % du total récolté par le top 10 des collections adjugées en 2017, le reste revenant au numéro trois du marché, Artcurial. Un top 10 qui voit son montant progresser d’année en année, générant l’an dernier 180,4 millions d’euros d’enchères, contre 113,4 millions en 2016 et 95,8 millions en 2015.
Alors, pourquoi un tel engouement ? Parce que le succès y est presque toujours au rendez-vous. « Il y a une fascination pour ces collectionneurs qui ont passé toute une vie à réunir des œuvres, créant une atmosphère particulière autour. Pour peu que leur nom soit célèbre, cela apporte une sorte d’estampille, de cachet, de bon goût et d’élégance », confie François de Ricqlès, président de Christie’s France. Présenter une pièce faisant partie d’une collection, apporte immédiatement à celle-ci une plus-value de l’ordre de 30 %, selon lui. Un avis partagé par Pierre Mothes, vice-président de Sotheby’s France. « Il y a une prime à la provenance, qui rassure les acheteurs. C’est la garantie que l’objet a fait partie d’une famille de connaisseurs, parfois depuis cinquante ans. Et, du coup, il y a aussi une fraîcheur de la pièce, restée tout ce temps hors du marché. Dans les années 1990, ces paramètres comptaient pour 15 à 20 % dans le prix final adjugé ; aujourd’hui parfois pour 50 %. »
Cela est particulièrement vrai pour les collections de marchands réputés, tel Félix Marcilhac, vendues par Artcurial et Sotheby’s en 2014, ou de grands créateurs et décorateurs : de la dispersion Yves Saint Laurent/Pierre Bergé chez Christie’s en 2009 à Jacques Grange chez Sotheby’s l’an passé. « Et, alors que le mobilier ancien se vend aujourd’hui moins facilement, l’acheteur peut se projeter davantage dans l’intérieur d’un collectionneur, d’autant qu’il y a une histoire à raconter autour, comme cela a été le cas avec la Maison d’Orléans en 2015 : nous avions d’ailleurs baptisé cette vente « Une collection pour l’Histoire », se souvient Pierre Mothes.
« La collection permet même de vendre des pièces qui habituellement ne trouveraient pas preneur car un peu passées de mode comme des pendules Louis XIV, par exemple. Lors de la vente Balkany, le fait de pouvoir présenter les lots dans leur décor d’origine, rue de Varenne, a beaucoup impressionné des clients russes et américains. La vente a totalisé 19,5 millions d’euros », insiste Damien Leclere.
Et, c’est aussi pour cela que les maisons de vente apprécient les collections : elles peuvent déployer pour elles une stratégie événementielle, construire un récit, ensuite très médiatisé, bien plus que pour les autres ventes. Cela a été le cas de la dispersion des collections Eleanor Post Close et Antal Post de Bekessy, intitulée « Une dynastie américaine en Europe », qui a enregistré un record de clics sur Internet et généré l’enthousiasme de deux cent cinquante enchérisseurs en ligne. Ainsi, quand Sotheby’s met en vente des photos, lettres et manuscrits d’un personnage aussi mythique que Marcel Proust en 2015, « l’emballement médiatique est assuré », se réjouit Pierre Mothes.
En 2017, selon le CVV, sur les deux mille six cents lots émanant des dix collections majeures mis en vente, seulement 7 % n’ont pas été adjugés, contre 34 % ordinairement ; les vingt et une pièces présentées par Hubert de Givenchy ont même toutes trouvé un acquéreur. Et, sur ces deux mille six cents lots, plus de cinq cents ont atteint plus de 25 000 euros hors frais. Il faut dire que ces collections proposent principalement des spécialités plutôt porteuses : design et objets d’art pour 42 % du montant des ventes, 34 % pour l’art contemporain.
En dehors du top 10, les belles dispersions de 2017 ont été réalisées conjointement par deux opérateurs, souvent à la demande du vendeur désireux de mettre dans la boucle à la fois son commissaire-priseur favori et une maison à forte notoriété : les collections Jean Lafont chez Thierry de Maigret et Christie’s, Lesieutre chez Piasa et Sotheby’s ; les bibliothèques R. et B.L. chez Binoche-Giquello et Sotheby’s, Gruaz chez Binoche-Giquello et De Baecque, Bonna ou Bergé chez Touati-Duffaud et Beaussant-Lefèvre. Les opérateurs de taille moyenne demeurent néanmoins maîtres du jeu pour les spécialités où ils ont acquis une forte légitimité : cela était le cas de la collection du prince Victor Napoléon dispersée en 2013 par Osenat à Fontainebleau ou, dernièrement, de la collection américaine d’art précolombien adjugée par Binoche-Giquello à Drouot.
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Les grandes collections une valeur sûre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°712 du 1 mai 2018, avec le titre suivant : Les grandes collections une valeur sûre