À la Galerie Maria Lund, le photographe se livre à une exploration du motif par le biais du papier photographique ou de la chimie.
Paris.« Old Tjikko » est le nom donné au plus vieil arbre du monde. L’épicéa vieux de 9 600 ans se dresse à 1 000 mètres d’altitude dans la région de la Dalécarlie, au centre de la Suède. Nicolai Howalt n’est pas le premier à l’avoir photographié. Les 97 tirages argentiques qu’il a obtenus à partir d’un seul et même négatif du conifère donnent lieu cependant à une vertigineuse variation d’interprétations du spécimen, toutes fort différentes car effectuées sur 97 types de papier photo ancien et périmé. D’où une vision particulière de l’arbre à chaque fois, mais aussi une très belle réflexion sur le temps, l’ontologie de l’image photographique et la reproduction en photographie.
Si la série « Old Tjikko » évoque l’incroyable résistance d’un arbre, elle exprime l’importance du papier et de ses propriétés dans la réalisation d’un tirage photographique, avec pour chacun le rappel de son histoire. Howalt précise systématiquement le type de papier utilisé, le lieu de sa fabrication (de l’ancienne Union soviétique aux États-Unis) et sa date limite d’utilisation (variant d’octobre 1933 à 2005 pour les plus récents). Un papier vintageà la date de péremption largement dépassée inscrit ainsi son propre temps sur l’image. Matérialité de l’image, silhouette de l’arbre plus ou moins perceptible, contrastes et déclinaison des gris : d’un tirage à l’autre, la représentation de l’épicéa varie.
Pour sa première exposition en solo à la Galerie Maria Lund, Nicolai Howalt a retenu dix photographies de cette série, préambule à trois autres tout aussi récentes et inédites en France dont « Preparation » [voir ill.]. Cet ensemble d’images marquantes est issu de l’invitation, au début de la pandémie de Covid-19, du Musée d’histoire de la médecine de Copenhague à regarder l’histoire des grandes épidémies, du choléra à la pneumonie, à travers ses collections de bactéries. L’interprétation qu’en livre le photographe danois ouvre à d’envoûtantes et mystérieuses abstractions picturales, croisant là encore sciences, techniques, outils et usages photographiques avec, en creux, le rôle essentiel du microscope et du procédé de coloration/décoloration mis au point par le bactériologiste danois Hans Christian Gram pour déterminer le type de bactérie observé.
Beaucoup de choses se racontent dans les photographies de Nicolai Howalt. Trois expositions collectives, proposées à la galerie entre 2015 et 2019, l’avaient suggéré, au travers en particulier de la série « Silver Migration » (2018), observation de la transformation des cristaux de bromure d’argent en ions, avec les déplacements de ces derniers sur un papier gélatino-argentique. « Light Break » (2014) proposait quant à elle une variation sur l’inscription de la lumière sur un papier photosensible sans recours à l’appareil photo ; l’exposition en montre à nouveau quelques pièces.
Le prix des œuvres s’étend de 1 600 à 3 000 euros, et jusqu’à 16 000 euros pour le Microscope en format 220 x 155 cm encadré.
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Les expérimentations de Nicolai Howalt
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°591 du 10 juin 2022, avec le titre suivant : Les expérimentations de Nicolai Howalt