La vente d’étoffes anciennes organisée le 14 juin au château de Chantilly par l’étude de Muizon-Le Coënt a très nettement captivé l’intérêt des collectionneurs pour cette spécialité, tout en attirant une nouvelle clientèle. D’une qualité exceptionnelle, la collection réunissait de nombreuses commandes royales, provenant depuis le XVIIIe siècle d’une lignée de marchands d’étoffes parisiens. Cette disperson, qui a produit un total de 5 millions de francs, sur une estimation de 3 millions, donne une cote des textiles anciens.
PARIS. Au cours d’une vacation de plus de sept heures, des milliers de pièces d’étoffes venant d’une "grande collection parisienne" et de "l’ancienne collection d’un soyeux lyonnais" ont été vendues en cinq cent lots, le 14 juin, au château de Chantilly. Une partie provenait de la collection Besselièvre, dispersée à Drouot avant 1914. L’identité du requérant n’a pas été révélée, et la maison Tassinari & Chatel a déclaré ne pas être à l’origine de cette vente. L’expert Xavier Petitcol indique que ce fonds a été réuni par des "dynasties de marchands d’étoffes parisiens, fournisseurs du Garde-meuble de la Couronne sous les différents régimes". Les dispersions de telles étoffes, comprenant de nombreuses commandes royales, étant peu courantes, l’expert a fixé des estimations prudentes, rarement au-dessus de 35 000 francs, qui ont été très largement dépassées par les enchères. Les grands marchands sont entrés en vive concurrence sur certaines pièces d’exception, et les grandes maisons de soieries lyonnaises ont elles aussi acquis des pièces. Une nouvelle clientèle de particuliers est apparue, s’intéressant au textile ancien et achetant avec des moyens importants. Neuf préemptions ont été prononcées par l’État au profit du Musée national de la mode et du textile, du Mobilier national, de la Bibliothèque Forney, du Musée national de la Renaissance d’Écouen, du Musée national du château de Fontainebleau et du Musée historique des tissus de Lyon.
Les plus beaux tissus d’Occident
Pour expliquer cet engouement, l’expert Xavier Petitcol rappelle que les tissus français "sont les plus beaux qui aient jamais été tissés en Occident". Les soieries lyonnaises référencées constituaient la majorité des pièces de cette collection, réunie dès 1760. Remarquablement préservées, les étoffes avaient été mises à l’abri depuis le siècle dernier dans une armoire du XVIIIe siècle. La tenture dite "au paon et au faisan" de Philippe de Lasalle pour Catherine II de Russie, Lyon, vers 1773, a atteint 450 000 francs, l’enchère la plus élevée de la vente. Toujours de Philippe de Lasalle, la tenture dite "la branche de corail" a été adjugée 82 000 francs. Modestement estimé, un lampas broché à décor de fleurs pour le meuble d’été des jeux de la Reine à Versailles, Michel, Lyon, 1784-1786, est monté jusqu’à 110 000 francs. Un "gros de Tours" broché de la maison Pernon, Lyon, 1785-1786, pour la chambre du Roi à Compiègne, est parti à 70 000 francs. En satin blanc broché, la magnifique couverture du "ployant" du meuble Gaudin destiné à la Reine à Versailles, placé ensuite à Fontainebleau à l’intention de l’impératrice Joséphine, a été adjugée 95 000 francs. D’autres commandes impériales ont atteint des enchères comparables : 90 000 francs pour un velours ciselé de Brion, Lyon, vers 1810, destiné au second salon des petits appartements de l’Empereur au château de Fontainebleau, et 70 000 francs, pour le "gros de Tours" jaune à médaillons du quatrième petit salon de l’appartement de l’Empereur à Versailles. Enfin, un curieux brocart en satin perle broché, vers 1740, avec un chef de pièce inédit tissé d’un idéogramme chinois, peut-être conçu en Chine pour le marché européen, a été adjugé 130 000 francs sans avoir livré le secret de ses origines.
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Les étoffes en fête
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°41 du 4 juillet 1997, avec le titre suivant : Les étoffes en fête