Dans l’effervescence de Paris Photo, les ventes se multiplient. Si les stratégies des opérateurs diffèrent, la tendance est aux ventes thématiques.
Du Grand Palais, qui abrite Paris Photo, aux galeries ou aux institutions qui multiplient les expositions, Paris vit au rythme de la photographie en ce mois de novembre, confirmant son statut de capitale européenne du secteur. Les maisons de ventes participent à ce foisonnement de l’offre parisienne, particulièrement depuis que les départements dédiés de Christie’s et Sotheby’s ont traversé la Manche (2011). « L’effet Paris Photo date de plusieurs années, ce n’est pas une surprise. Paris est un rendez-vous incontournable », confirme Matthieu Humery, directeur du département photo de Christie’s. Mais si Paris attire un public de plus en plus internationnal pendant cette période, tout n’est pas gagné pour la capitale. « Il faut absolument éviter l’effet de saturation. Un autre problème est la concurrence directe des ventes d’art contemporain de New York, où restent beaucoup de grands collectionneurs », poursuit l’expert.
Un marché de niche
Comment se comporte le marché de la photographie ? Premier fait, il est en croissance depuis une dizaine d’années : les ventes aux enchères de photographies dans le monde sont passées de 50 millions d’euros en 2002 à 115,5 millions d’euros en 2012 (1). Mais il reste un marché de niche, avec des prix adaptés à tous les budgets : la photo représente seulement 4,1 % du produit total des ventes aux enchères mondiales (2). « Ce marché est assez cloisonné, particulièrement la photo ancienne. La photo des années 1920-1930, son versant contemporain ou les images iconiques fonctionnent bien », explique Simone Klein, responsable Europe du département photo de Sotheby’s. « Depuis cinq à dix ans, la photo de mode rencontre une reconnaissance croissante, ce sont les générations les plus jeunes qui font bouger les lignes », ajoute Matthieu Humery. Aussi, le renouvellement des acheteurs est tangible. « Il y a toujours de nouveaux acheteurs », témoigne Simone Klein. « Dans certaines catégories plus que d’autres, notamment pour les photos iconiques ou de mode. Et il est aujourd’hui impossible de voir une collection contemporaine sans photo, aussi il existe des passerelles entre l’art contemporain et la photo plasticienne », complète Matthieu Humery.
Dans ce marché, quelles sont les stratégies adoptées par les maisons de ventes ? Si l’on remarque de belles ventes généralistes, la tendance est aux vacations thématiques. Sotheby’s propose sa traditionnelle vente généraliste le 14 novembre (est. 2,1 à 2,9 millions d’euros). La vacation couvre toutes les périodes de la photographie, y compris la photo ancienne, pourtant pas le segment le plus en vogue du marché. « Le XIXe ne peut pas manquer et même si le marché n’est pas facile, cela reste important. Nous essayons d’être le plus large possible en termes d’acheteurs », précise Simone Klein.
Une diversité organisée par thèmes et monographies
Parmi les autres éléments clé de la politique de Sotheby’s figurent la sélectivité et la provenance des œuvres. « Nous ne sommes pas seulement très sélectifs. Nous présentons des œuvres de tous les courants européens. À Paris, il y a beaucoup de choses qui viennent de France », ajoute la spécialiste. Au sein de la vente, on trouve une importante section contemporaine (notamment Andreas Gursky et sa suite de flacons de parfum), mais aussi les avant-gardes du XXe (Hannah Höch, August Sander, Laszlo Moholy-Nagy) ou des figures majeures telles Helmut Newton ou Irving Penn. La maison propose également le 14 novembre une importante vente consacrée à Man Ray, issue de la succession de l’artiste et comprenant aussi bien des photographies que des œuvres, objets, dessins ou films de l’artiste.
Christie’s opte pour une stratégie bien différente avec des ventes spécialisées. « L’offre se segmente car les collectionneurs ont des intérêts bien différents. Avant, nous diluions nos cibles », explique Matthieu Humery. Ce sont ainsi trois ventes qui ont lieu les 13 et 14 novembre. La première regroupe une partie de la collection de l’ancien galeriste suisse Kaspar Fleischmann : 150 tirages (est. 1,5-2 millions d’euros) dont un portrait de Charlie Chaplin de Richard Avedon, aux côtés d’Eugène Atget, Brassaï ou Germaine Krull. Christie’s joue également la carte de la vente monographique avec une seconde partie de la collection Fleischmann consacrée à des vues de New York de Berenice Abbott (67 tirages, est. 400 000 à 600 000 euros). « Les ventes monographiques sont le meilleur moyen de comprendre un univers », commente Matthieu Humery. Enfin, une vente généraliste propose tant des tirages de Gustave Le Gray, qu’un ensemble de Constantin Brancusi ou des photographies de Gerhard Richter (114 tirages, est. 2 à 3 millions d’euros). Traditionnellement absent du secteur, Artcurial remet le couvert le 14 novembre après une première vente aux résultats relativement décevants en mai dernier. La maison a fait le choix d’une vente monographique avec 125 clichés d’André Kertész pris en Hongrie, en France ou aux États-Unis.
Les propositions thématiques foisonnent aussi ailleurs. Le 6 novembre, en préambule de sa vente générale (320 lots), Yann le Mouël présente un ensemble de photographies de la Nasa sur la conquête spatiale, comprenant tant des vues de la terre que des clichés des premiers pas sur la lune. Pour la deuxième année, Kapandji Morhange se consacre à la thématique du cinéma, et présente quelque 300 images, du muet aux années 1980, avec un gros plan sur la nouvelle vague. Le 15 novembre, la vente de Chayette & Cheval s’intéresse à la thématique Guerre et révolution : vues stéréoscopiques de la Première Guerre mondiale, clichés de la Libération de Paris ou du conflit israélo-palestinien. Chez Piasa (6 novembre, est. 150 000 euros), les ventes sont conceptualisées autour de la métamorphose en proposant des clichés de Jean-Paul Goude, Erwin Blumenfeld ou Diane Arbus. Seuls Tajan et Millon conservent des formats de ventes généralistes (le 14 novembre). La première propose un éventail assez large, de Charles Nègre à Nan Goldin, tandis que la seconde met à l’honneur, entre autres, une collection particulière de photographies humanistes et modernes, mais également le fonds du photographe Frédéric Barzilay.
(1) Étude Artprice publiée à l’ouverture de l’édition 2013 de Paris Photo.
(2) Rapport Artprice sur l’art contemporain 2014, chiffres correspondant à la période juillet 2013 à juin 2014.
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Les enchères se spécialisent
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°422 du 31 octobre 2014, avec le titre suivant : Les enchères se spécialisent