La Commission européenne vient d’exposer au gouvernement français les raisons pour lesquelles le monopole des commissaires-priseurs serait incompatible avec le Traité de Rome. La procédure juridique engagée par Sotheby’s auprès de Bruxelles, pour faire reconnaître son droit de vendre en France, avance à grands pas.
PARIS - Fin novembre, après plusieurs plaintes formulées par la maison de ventes britannique, la Commission européenne de Bruxelles a envoyé une mise en demeure au gouvernement français. Point par point, elle développe une analyse démontrant que le monopole des commissaires-priseurs français est incompatible avec les règles du Traité de Rome, en particulier avec l’article 59 sur la libre prestation de service.
Les "griefs" de la Commission portent sur le contrôle a priori des qualifications professionnelles, l’obligation d’être nommé préalablement à un office ministériel, les modalités d’appartenance à une compagnie et de la participation à un système de garantie collective, ainsi que sur les limitations imposées à la forme sociétaire que peut revêtir l’exercice de l’activité de vente aux enchères.
Cette lettre fait suite à une décision, prise le 16 novembre à Bruxelles, d’ouvrir une procédure à l’encontre du gouvernement français. Les mécanismes juridiques sont maintenant enclenchés : Paris disposait d’un délai d’un mois, qui pouvait éventuellement être prolongé de trente jours, pour répondre à la mise en demeure. La Commission devra y répliquer par un "avis motivé", qui enjoindrait le gouvernement à mettre fin à l’infraction aux règles du Traité de Rome. Si Paris ne se soumet pas à l’injonction bruxelloise, le gouvernement risque d’être poursuivi par la Commission devant la Cour de justice européenne.
Aucun commentaire de la Chancellerie
"Les termes du Traité et la jurisprudence sont très clairs, et la Commission n’a jamais perdu un tel procès," nous a confié un haut fonctionnaire de Bruxelles, qui estime que les commissaires-priseurs seront obligés de se plier à l’injonction de l’organisation européenne. La Chancellerie, qui s’occupe de l’aspect juridique du monopole des commissaires-priseurs – tout comme les ministères de la Culture et des Finances sont concernés par les questions artistiques et fiscales de la profession – a préféré ne faire aucun commentaire sur cette mise en demeure.
En avril, la Chancellerie avait répondu négativement à la demande formulée par la Direction générale du marché intérieur à la Commission à Bruxelles (une sorte de ministère européen de la Justice, qui veille à la compatibilité des décisions nationales et de la législation communautaire) de laisser Sotheby’s exercer librement en France. Le mois suivant, dans une interview au Journal des Arts, le ministre de la Culture Jacques Toubon avait exprimé le souhait de voir les auctioneers travailler en France à armes égales avec les commissaires-priseurs.
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Les commissaires-priseurs en infraction, selon Bruxelles
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Les commissaires-priseurs en infraction, selon Bruxelles