Si ces structures délivrent d’abord des certificats d'authenticité, chacune a son mode de fonctionnement. Pour autant, ces multiples pratiques convergent vers une plus grande efficience pour la défense des œuvres.
L’Institut Art & Droit organisait le 11 mai dernier, en partenariat avec l’Université Paris I, la première manifestation scientifique française sur la problématique des comités d’artistes. Ces structures plus ou moins formelles constituées en vue d’assurer la défense de l’œuvre d’un artiste, avec pour mission principale, mais non exclusive, la délivrance de certificats d’authenticité, ont connu un réel essor ces vingt dernières années. L’influence du marché, en quête de certitudes, y est assurément pour beaucoup ; la volonté des ayants droit, voire des artistes eux-mêmes, également. Le colloque a ainsi convié les représentants de ces deux grandes catégories d’acteurs, ainsi que des universitaires spécialisés, afin d’offrir une réflexion sur les bonnes pratiques des comités, réflexion qui se poursuivra avec la publication des actes de cette rencontre.
Des comités attachés à des noms d’artistes célèbres ont été identifiés depuis longtemps par les acteurs du marché de l’art, à l’image du Comité Giacometti, de Picasso Authentification, du Comité Marc Chagall, ou encore de l’ADOM pour Joan Miró. À l’ombre de ces derniers, une multiplicité de comités existe et défend au quotidien l’œuvre d’artistes du XIXe siècle à nos jours. Pour autant, si une convergence des pratiques existe, chaque comité est marqué du sceau de la singularité, sa composition, ses missions et ses intérêts reflétant l’œuvre, l’histoire et la vie de l’artiste auquel il est dédié. À défaut d’une quelconque définition juridique ou d’une législation particulière, l’homogénéité de ces structures, adossées ou non à une association ou à une fondation, ne peut être recherchée.
Aéropage d’experts en art
Seule la finalité de ces comités – l’avis sur l’authenticité d’une œuvre soumise – permet une réflexion sur une composition idéale et sur un fonctionnement type. Ainsi, la crédibilité d’un comité d’authentification réside avant tout dans la réunion des meilleurs connaisseurs de l’œuvre de l’artiste. En pratique, si le nombre de membres s’avère très variable, leur qualité est soit celle d’ayants droit de l’artiste, soit celle d’expert (historien de l’art, expert spécialiste, marchand, voire collectionneur).
Parfois, des sachants extérieurs, tels que des experts scientifiques, sont sollicités en vue d’apporter un éclairage complémentaire. La présence de ces deux catégories constitue alors, aux yeux du marché, un facteur primordial de sérieux. De même pour le caractère collégial des comités qui atténue, par nature, le risque d’arbitraire sur l’analyse de l’œuvre. Incarnée en un acteur unique, cette collégialité offre également une meilleure régulation du marché avec un seul interlocuteur identifié et sollicité. Et en cas de pluralité de comités pour un artiste donné, le marché parvient à une forme d’autorégulation en ne s’adressant qu’à celui dont le travail est reconnu pour sa qualité. Le Comité Giacometti est ainsi formé de trois experts reconnus dans leur domaine respectif auxquels les ayants droit de l’artiste ont confié le soin d’authentifier les œuvres soumises par des propriétaires ou des intermédiaires. Dans d’autres comités, les ayants droit auront au contraire une véritable implication dans le processus d’authentification. Cette dernière composition attise toutefois des critiques ou des suspicions souvent infondées. Que ce soit en France et plus encore aux États-Unis, certains propriétaires déçus tentent, en effet, de démontrer la volonté des comités composés d’ayants droit de restreindre le marché en vue de valoriser artificiellement la cote des œuvres en leur possession. Mais pareille pratique aboutirait nécessairement à la mise au ban d’une telle structure et à l’émergence d’une concurrente, adoubée par le marché. En ce domaine, les fantasmes prennent bien souvent le pas sur la réalité. Quant au fonctionnement interne des comités, deux règles ont tendance à s’imposer. Les débats entre les membres sont toujours confidentiels et ne sont nullement révélés aux tiers, même en cas de contestation. Une motivation éventuelle au profit des tiers existe cependant pour les avis négatifs. Et l’avis, positif ou négatif, est très souvent pris à l’unanimité des membres. En cas d’avis divergents, le certificat d’authenticité ne sera pas délivré, faute d’éléments permettant d’emporter la conviction de tous. La prudence est toujours de mise, les avis délivrés l’étant « en l’état actuel des connaissances » du comité. Formule qui permettra à un comité de revenir sur l’authenticité ou son absence lors d’une future présentation de la même œuvre. À condition toutefois que la pérennité du comité soit assurée, ce qu’offre la mise en place d’une structure juridique, par exemple associative, sous réserve d’un renouvellement des membres.
Multiples procédés d’authentification
L’enjeu crucial du recours aux comités par le marché réside donc dans la soumission d’œuvres en vue de leur authentification. Là encore, les pratiques sont diverses. Certains comités ne prennent jamais la responsabilité de détenir, même temporairement, les œuvres, le processus d’authentification se réalisant sur photographie et sur documents. D’autres, au contraire, encadrent contractuellement le dépôt physique des œuvres et aménagent parfois leur responsabilité éventuelle en cas d’avis négatif, aménagement bien délicat juridiquement. Une nouvelle fois, tout dépend des ressources de ces comités, notamment en matière de documentation et d’archives ou plus prosaïquement au vu des coûts d’assurance, des médiums utilisés par l’artiste ou encore de la localisation géographique des œuvres. Le coût de l’examen des œuvres varie également. Rares sont les comités à délivrer gracieusement des certificats, la plupart sollicitant un prix forfaitaire dont le montant dépendra tant du temps d’analyse estimé que du médium ou de la renommée de l’artiste.
Une telle pratique s’avère doublement compréhensible. Si la plupart des membres de comités agissent de manière bénévole, ces structures supportent des coûts de fonctionnement importants. Et l’expertise apportée aura, en cas de succès, une réelle influence sur le prix de l’œuvre adoubée. La mise à l’écart du doute sur l’attribution a un coût, ce que le marché accepte sans ciller lorsqu’un expert indépendant est sollicité.
Enfin, la forme de l’avis donné par les comités épouse également des contours multiples. Souvent succinct, il peut prendre la forme d’un certificat d’authenticité ou d’un avis d’inclusion au sein du catalogue raisonné de l’artiste, ouvrage auquel concourent souvent les comités. Les avis négatifs, eux, ne semblent pas devoir être détaillés afin d’éviter à tout faussaire d’y puiser là des informations nécessaires en vue d’améliorer leurs contrefaçons. Mais face à un propriétaire de bonne foi, des explications complémentaires poursuivant une visée pédagogique semblent s’imposer pour expliquer au mieux le choix du comité et éviter toute procédure judiciaire. En effet, il semble se dessiner désormais un glissement progressif de la mise en jeu de la responsabilité attachée à une authenticité contestée des intermédiaires du marché vers les comités. Cette judiciarisation de l’expertise à laquelle procèdent ces acteurs est problématique. Leur rôle est avant tout scientifique et les considérations marchandes leur sont étrangères. Heureusement, et à l’image des auteurs de catalogues raisonnés, la jurisprudence écarte souvent leur responsabilité au nom de la liberté d’expression, bouclier particulièrement efficace dès lors que l’analyse même défaillante a été menée sérieusement. Demeurent cependant les frais attachés à la défense de leurs intérêts ; frais qui, aux États-Unis, ont conduit à la cessation des activités de la fondation Warhol et Basquiat.
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Les comités d’artistes dans le droit chemin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°460 du 24 juin 2016, avec le titre suivant : Les comités d’artistes dans le droit chemin