L’art du XXe siècle, et en particulier de la première moitié du siècle, bénéficie d’un large renouvellement des exposants, séduits par les nouvelles ambitions de la Biennale.
L ’art du XXe siècle, présent sur plus de 25 stands parmi les 124 marchands réunis à la Biennale des antiquaires, se taille la part du lion. Comme en réponse à l’évolution des goûts des collectionneurs, et par là, aux exigences du marché. Dans ce domaine, le renouvellement des exposants est important : Dominique Levy (New York), la Galerie Mitterrand (Paris) ou Robilant Voena (Londres, Milan, St. Moritz) ne sont plus de la partie. Certains comme Le Minotaure (Paris) ont tourné le dos à la Biennale pour participer au « Rendez-vous », nouvel événement fondé par une poignée de galeristes germanopratins (lire p. 40). D’autres, comme Tornabuoni (Paris), lui préfèrent des événements internationaux. « Nous faisons quinze foires par an, dont la Fiac [Foire internationale d’art contemporain, Paris], Frieze [Londres] ou Art Basel Miami, aussi nous devons faire des choix. Mais nous n’excluons pas de revenir l’an prochain », indique sa directrice, Francesca Piccolboni.
Conséquence de ces départs, la Biennale accueille nombre de nouveaux venus, convaincus par les promesses de renouveau de la manifestation. Selon l’habitué Jean-Baptiste Auffret, directeur de la Galerie Malaquais (Paris), c’est « l’expression d’une nouvelle génération et d’un nouveau départ ». Le galeriste parisien Damien Boquet abonde en ce sens : « Ce qui m’a incité à participer est avant tout l’esprit d’ouverture et de renouveau affiché par le SNA [Syndicat national des antiquaires], ainsi que l’ambition du président de faire de ce salon un rendez-vous annuel d’envergure internationale, ce qu’il n’était peut-être plus. L’enjeu est de faire à nouveau de Paris une place incontournable. Ce serait particulièrement important dans le domaine de l’art moderne, qui n’a pas vraiment de lieu pour s’exposer, à la différence de l’art contemporain ou de l’art ancien qui ont trouvé des salons spécifiques. »
1966, 1937, des années célébrées
L’édition 2016 trouve en la Galerie Daniel Templon (Paris) un nouvel arrivant plus surprenant. « C’est la refonte de l’événement qui nous a incités à participer et la promesse de s’ouvrir plus à l’art moderne et à la peinture », précise Anne-Claudie Coric, sa directrice. Pour cette première participation, la galerie a fait le choix, à l’instar de quelques rares autres, de l’accrochage thématique. « À l’occasion des 50 ans de la galerie, nous avons souhaité célébrer l’année de fondation de la galerie, 1966. À 21 ans, Daniel Templon s’était alors établi dans la cave d’un antiquaire, un amusant clin d’œil à la Biennale. Nous avons souhaité montrer l’éclectisme de la scène parisienne de ces années, de Vasarely à [Georges] Mathieu en passant par [Valerio] Adami », explique Anne-Claudie Coric. Dans une scénographie visant à recréer l’esprit de l’époque, le stand accueille des œuvres réalisées en 1965 et 1966 par Daniel Buren, Martin Barré, Yves Klein, Jean-Paul Riopelle ou Simon Hantaï.
Autre stand thématique, celui de la galerie barcelonaise Mayoral, qui rend hommage à l’année 1937, et plus précisément au pavillon espagnol de l’Exposition universelle organisée à Paris. « Le thème “les révolutionnaires de l’art”, qui réunit des artistes ayant défendu la démocratie et la liberté en 1937, essaie de parler de ce moment crucial aux visiteurs », détaille le directeur. Sur son stand, le visiteur navigue entre une huile et fusain signée Miró, datée de la toute fin des années 1960, un Stabile de Calder de 1974 et un Mousquetaire aux mains jointes de Picasso (1967). Rares sont les galeries à faire le choix osé du solo show. Zlotowski (Paris) consacre ainsi son stand à la dernière partie de l’œuvre pictural de Le Corbusier, dans les années 1950-1960, comprenant notamment deux beaux pastels de taureaux. La Galerie de la Présidence (Paris) opte également pour l’exposition monographique, consacrée ici à Albert Marquet, dans le sillage de l’exposition qui s’est achevée récemment au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Florence Chibret-Plaussu observe : « On considère Marquet comme très classique alors qu’il est résolument moderne, comme en témoignent sa démarche de simplification des formes et sa grande liberté stylistique. » Une quinzaine d’œuvres sont accrochées, des aquarelles affichées à 10 000 euros aux toiles fauves portées à 400 000 euros.
L’un des artistes phares du fauvisme, Kees Van Dongen, justement, est à voir chez Hélène Bailly (Paris), qui propose un Buste de femme nue de 1911. De Van Dongen encore, une toile exécutée quelques années auparavant (1905-1907), Le clown qui se croit être le président de la République, est exposée chez Landau Fine Art (Montréal) en parallèle des Femmes à la toilette (1920) de Fernand Léger, des Mariés de Modigliani (1915-16) ou encore d’une Femme assise (1953) de Picasso. « Nous présentons majoritairement des chefs-d’œuvre modernes classiques, surtout de la première moitié du XXe siècle, dont la plupart n’ont pas été vus à Paris depuis des générations », précise Robert Landau.
Anquetin, Rodin, Maillol…
C’est là l’une des caractéristiques de la Biennale d’accorder une large place à cette première moitié du XXe siècle – plus on avance dans le temps, plus rares sont les œuvres présentées. L’aube de l’ère moderne est représentée par Brame & Lorenceau (Paris) dont l’œuvre phare est un pastel de Louis Anquetin, Femme au chapeau bleu (1890). « Il existe très peu d’œuvres de cet artiste représentatif du cloisonnisme aux côtés de Van Gogh ou d’Émile Bernard. Le jeu de déformation des visages confère une certaine étrangeté à cette œuvre inspirée des papiers japonais », explique Antoine Lorenceau. À la Galerie Malaquais sont montrées des sculptures de Rodin et de Maillol, mais aussi un bronze de Charles Malfray, La Douleur d’Orphée (1914).
Sur le stand de Damien Boquet, c’est l’art surréaliste qui est à l’honneur, « particulièrement la période d’internationalisation du mouvement, dans les années 1930-1940 ». Aux côtés de Dalí, Picabia ou Wifredo Lam, figure La Bagarre d’Austerlitz (1936, gouache et encre sur photographie et film translucide montés sur papier) de Marcel Duchamp. « Un clin d’œil à l’appartement-bureau d’André Breton, rue Fontaine », précise le galeriste.
Puis, les années d’après guerre s’illustrent chez Applicat-Prazan (Paris), qui montre notamment une Composition claire (1951) de Nicolas de Staël, aux épais aplats, ou une huile de Camille Bryen (1955). Des décennies 1950-1960, le visiteur peut encore voir sur le stand de la Galerie Berès (Paris) les Rythmes colorés (1954), une gouache de Sonia Delaunay ; Oiseau, étoile, (1959), une aquarelle, gouache et crayon de Georges Braque ; ou une œuvre de Hans Hartung (1961) placée non loin d’une toile de Simon Hantaï dans les tons bleus et datée de 1971.
Pour apercevoir quelques œuvres contemporaines, il faut se rendre sur le stand de Diane de Polignac (Paris), qui présente entre autres des toiles de Sam Francis des années 1970-1980, ou chez Aktis (Londres), qui propose un panel d’œuvres de Zao Wou-ki.
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Les classiques des modernes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°462 du 2 septembre 2016, avec le titre suivant : Les classiques des modernes