À l’occasion de l’exposition “Ruhlmann”? au Musée des années 30 de Boulogne-Billancourt, la manufacture Prelle présente dans son showroom parisien une partie de ses archives consacrées aux années folles. Réalisées sur des dessins de Jacques-Émile Ruhlmann, Suzanne Lalique, Michel Dubost ou Aimé Prelle, les étoffes exposées rappellent la place prépondérante qu’a occupée la maison lyonnaise dans cette période d’explosion créatrice du mobilier et de la décoration de luxe.
PARIS - L’avènement du style Art déco, au lendemain de la Grande Guerre, matérialise sur le plan artistique l’esprit de liesse et de liberté qui règne sur la société française. Après quatre années de douleurs et de restriction, la France se relève, enterre ses morts et fête les vainqueurs. Les revues parisiennes emplument la capitale, les jeunes filles raccourcissent leurs cheveux et leurs robes, la jeunesse dorée roule en voitures de sport... L’heure est au strass et à la volupté, au désir d’insouciance et de luxe. L’exposition des Arts décoratifs industriels et modernes triomphe en 1925 au pont de l’Alma. Le stand de Ruhlmann, “L’hôtel du collectionneur”, réalisé par l’architecte Patout, frappe particulièrement les esprits. Le mobilier y est recouvert d’un tissu aux motifs abstraits, un satin gris clair parsemé de tâches de couleurs et de lignes sinueuses. Séduit par cet ensemble harmonieux, le fabriquant de soieries François Ducharne confie à Ruhlmann la réalisation d’un mobilier original pour son hôtel particulier. Depuis cette époque, la manufacture lyonnaise, qui fut chargée de la fabrication des tissus, n’a jamais cessé de retisser les prestigieuses étoffes alors dessinées. De nombreux coloris et effets de matière ont assuré leur postérité, sur les demandes de particuliers, de décorateurs ou même de musées. Profitant de l’engouement pour les années 1930 qui saisit actuellement la France et les États-Unis, la manufacture Prelle présente les célèbres œuvres de Ruhlmann, accompagnées des créations contemporaines d’autres dessinateurs parfois oubliés, comme Michel Dubost.
Ce Lyonnais d’origine prend en 1922 la direction de l’atelier des dessins des soieries de François Ducharne, installé à Montmartre. Les motifs d’étoffes sur lesquelles il travaille sont alors destinés à la haute couture. Privilégiant le crêpe de Chine et le lamé d’or, Michel Dubost conçoit plusieurs panneaux, décorés de formes oniriques et nouvelles frôlant parfois l’abstraction. Certains figurent dans l’exposition de la place des Victoires, ils sont devenus aujourd’hui techniquement difficiles à réaliser en raison de la finesse de l’étoffe et la délicatesse des broderies d’or. Dubost n’a que très peu travaillé de textiles véritablement destinés à l’ameublement. Ses rares réalisations sont couvertes de motifs presque abstraits dans des harmonies colorées raffinées et assonantes. Les quelques œuvres de Dubost présentées, pour certaines accompagnées de retissages modernes, rendent justice à un dessinateur souvent oublié dans l’ombre de Dufy et de Ruhlmann. Parmi les autres pièces remarquables qui sont proposées figurent la grande étoffe dite “au prunus” composée par Suzanne Lalique pour le salon d’apparat du paquebot Le Paris en 1921, ainsi que plusieurs dessins d’Aimé Prelle et de sa fille, Thérèse Verzier.
Réalisée à partir du fonds d’archives de la manufacture, de prêts du Musée des tissus de Lyon, du Musée des années 30 et de particuliers, cette petite exposition permet à la maison Prelle de témoigner du patrimoine spectaculaire dont elle est l’héritière. En décembre prochain, le Musée Carnavalet consacrera une rétrospective plus vaste à la manufacture lyonnaise qui fête cette année son 250e anniversaire.
- LES ANNEES 30 DE LA SOIE, LES GRANDS CRÉATEURS TEXTILES DES ANNEES 30, jusqu’au 15 mars, showroom Prelle, 5 place des Victoires, 75001 Paris, tél. 01 42 36 67 21, ouvert de 10h à 17h.
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Les années folles de la soie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°141 du 25 janvier 2002, avec le titre suivant : Les années folles de la soie