Un périmètre de plus en plus convoité par les marchands.
PARIS - Qui dit Drouot pense hôtel des ventes. Pourtant, depuis neuf ans, la nébuleuse des métiers greffés au vaisseau amiral sort de l’anonymat grâce à l’association Quartier Drouot et sa vitrine des « Trois Jours ». Longtemps cantonnés dans la drouille, les marchands du périmètre se sont professionnalisés. « Ce n’est plus un métier de maquignons, la nouvelle génération de marchands a fait, à 95 %, des études poussées », indique Jean-François Chabolle, vice-président de l’association. Le quartier s’est, de fait, bigarré de figures atypiques. Spécialisés tous deux en tableaux anciens, Maurizio Canesso et Alexis Bordes font figure d’ovnis, d’autant plus qu’ils exercent à l’étage. Transfuge de la rive gauche, Philippe Delpierre s’est installé depuis un an avec une marchandise différente de ses voisins, habitués aux meubles dans leurs jus. Alors que la majorité des professionnels travaillent sous flux tendu, Frédérick Chanoit garde parfois des toiles pendant deux ans. Cette vision à long terme fait des émules, puisque d’après Jean-François Chabolle, une bonne quarantaine de marchands ont conservé des objets pour les Trois Jours. On s’étonne néanmoins de l’arrivée depuis février de Philippe Couque, actif dans une spécialité très rive gauche, la céramique. « Je suis ici plus près des marchands, qui représentent 60 % de ma clientèle », explique-t-il.
La carotte des tarifs
L’installation de nouveaux antiquaires s’explique tant par l’aimantation de Drouot que par des loyers avantageux malgré des cessions de bail coûteuses. « J’ai un espace deux fois plus grand qu’au Carré Rive Gauche, remarque Philippe Delpierre. Lorsqu’on peut présenter plus de marchandises, on a mathématiquement plus de chances d’en vendre. Rive gauche, les visiteurs veulent sortir d’une galerie pour visiter la suivante, en pensant que c’est toujours mieux ailleurs. Ici, je n’ai quasiment pas de concurrence. » Président de l’association, Alexis Bordes souligne pour sa part que le quartier, moins tributaire de l’export que le Carré Rive Gauche, se révèle aussi moins fragile. Le fonds de commerce du Quartier Drouot ne repose toutefois pas sur les enchérisseurs de l’hôtel des ventes. D’après le marchand Xavier Eeckhout, les clients des grosses dispersions de Drouot allouent leur budget aux objets choisis dans les catalogues de ventes.
Pour attirer les particuliers, les marchands du quartier invoquent souvent la carotte des tarifs, supposés moins élevés qu’ailleurs. « Au faubourg Saint-Honoré, les marchands ont déjà acheté cher, notamment dans les ventes publiques, et du coup revendent cher, note Philippe Delpierre. Ici, comme nous avons acheté à meilleur compte, nous revendons à meilleur compte. » Un jugement que tempère Maurizio Canesso : « Le marché est devenu tellement international qu’il n’y a pas de zone d’ombre où l’on pourrait acheter moins cher. Parfois une vente perdue en province peut faire des prix qui dépassent New York… » Un autre mythe a pris du plomb dans l’aile, celui des vases communicants entre les cimaises de Drouot et les présentoirs des marchands. Un flux ralenti par la raréfaction des pièces. « À une époque, j’achetais à Drouot beaucoup de panneaux italiens du XVIe siècle, un par mois. Maintenant, c’est un par an », poursuit Canesso. Dans l’exposition de Frédérick Chanoit, seules trois œuvres viennent de Drouot. Dans deux cas, il s’agit de découvertes réattribuées par ses bons soins.
L’atout principal du quartier reste finalement sa diversité. Cette édition des Trois Jours a ainsi lâché la bride à ses membres, en leur épargnant pour une fois les thématiques tarte à la crème. Cette liberté permet de glisser d’une quarantaine d’œuvres de Maurice Traquoy, artiste fétiche de la marque Hermès, entre 500 euros et 6 000 euros, chez Xavier Eeckhout à une planche des prisons de Piranèse (3 500 euros) chez Julie Maillard. Chez Collin-Delbos, une paire de lions en pierre du XVIIe siècle (42 000 euros) donnent le change à des vases de Gaudi. Les plus gros marchands ne sont pas nécessairement ceux qui se décarcasseront le plus pour l’événement. Delpierre le dit d’avance, il y présentera ses invendus de Biennale ! L’occasion de les brader ?
5-7 octobre, rens. 01 47 70 41 73.
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Les 3 J
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°243 du 22 septembre 2006, avec le titre suivant : Les 3 J