Pour la deuxième fois, la galerie Talabardon et Gautier, organise une exposition consacrée au XIXe siècle. La sélection de 39 œuvres propose une vision résolument subjective de cette période riche, témoignage des découvertes et des goûts personnels des deux marchands.
PARIS - Ce sont les hasards des ventes, des rencontres et des recherches qui ont permis aux deux marchands de mettre en place cette exposition. C’est en tout cas l’impression que le visiteur peut avoir car, en dehors d’un cadre chronologique précis, aucune thématique, aucune monographie ou étude d’école ne dirigent l’exposition. Tout l’intérêt des galeristes pour cette période réside dans ce fait : le XIXe est un siècle multiple. Au-delà de la lecture logique, chronologique et progressive que l’histoire de l’art peut en faire, cette époque est aussi constituée d’anecdotes, d’unica et d’essais, bref d’une « petite histoire ». Parmi la foison de mouvements, d’artistes et de genres, les marchands font leurs sélections. « Notre démarche se rapproche de celles des galeristes contemporains puisque nous pouvons réellement choisir les œuvres que nous exposons, considère Bertrand Gautier, notre vision se veut résolument subjective, uniquement guidée par le plaisir, l’émotion et le goût de la découverte.» De fait, ce sont des œuvres surprenantes que l’on rencontre dans sa galerie, fruits d’artistes peu connus mais aussi toiles très étonnantes au sein de la production d’artistes célèbres. Le catalogue, constitué de 39 œuvres, est en majorité composé de tableaux, mais comprend aussi quelques dessins et études.
Érotisme maniéré
Parmi les dessins présentés, deux études de Delacroix. L’une d’elles témoigne de l’origine des intérêts de l’artiste pour le thème de Faust. En 1828, 17 lithographies du peintre accompagnaient une nouvelle traduction du texte de Goethe dans un recueil publié par Charles Motte. Ce dessin correspond aux tâtonnements de Delacroix relatifs à ce sujet, aux alentours de 1825. Les figures de Faust et Méphistophélès y trouvent leurs premières formes, accompagnées d’un petit squelette mais aussi d’une amusante figure gribouillée, témoignage touchant et involontaire de l’artiste (360 000 francs). Une feuille d’étude de Géricault, Un démon ailé, deux hommes nus, datant du séjour de l’artiste en Italie durant l’hiver 1817, est aussi proposée.
La plus grande partie de l’exposition est constituée de tableaux, et là aussi, des pièces originales sont montrées. La continuité de l’École davidienne est présentée au travers d’œuvres de Gérard, Guérin et Granet. Flore caressée par Zéphir, 1799, loin de la grande peinture d’histoire, témoigne d’un courant anacréontique, avatar du néoclassicisme davidien, alors très en vogue. L’érotisme maniéré et la naïveté galante de ce tableau de cabinet en font une œuvre décalée dans la production officielle de François Gérard. Dans un genre très différent, une tête d’expression de Guérin, Tête d’homme barbu, esquisse à l’huile sur papier, dépasse le sujet même d’un exercice classique d’atelier pour dresser un véritable portrait psychologique. L’influence sur la jeune génération qui fréquentait l’atelier de Guérin – Géricault en tête – frise l’évidence face à ce ténébreux portrait au regard tendu. Le tableau de Granet, Intérieur de la chapelle de Maintenon, est plus tardif puisque certainement postérieur à 1833. Aujourd’hui moins célèbre que ses paysages, ce sont les tableaux d’intérieur qui ont, du vivant de l’artiste, assuré sa renommée.
La Commandite de Thomas Couture (880 000 francs) permet un regard nouveau sur un artiste ignoré. L’œuvre s’inscrit dans une suite de tableaux stigmatisant, grâce aux personnages de la Commedia dell’Arte, les travers de la société du début du Second Empire. Plein d’humour et d’une facture proche de la modernité, le tableau rappelle plus Daumier que les Romains de la décadence. D’autres toiles retiendront l’attention des amateurs, Jeune garçon au bonnet rouge de Monanteuil pour sa facture enlevée et le regard intense de son modèle, Femmes mauresques d’Alger dans leurs appartements, œuvre de Philippoteaux, reflet du mirage oriental, ou encore une tête de Jeune Kabyle exécutée en Algérie durant l’un des voyages d’Isidore Pils.
L’Enseigne de l’estaminet du buisson (520 000 francs) est sans nul doute la découverte de cette exposition. Réalisée en 1865 par Harpignies, pour un débit de boissons de Maresches, elle présente les spécialités de la maison : le billard, le café et les écrevisses. Jouant avec le thème du buisson d’écrevisses, Harpignies propose une composition humoristique, loin des paysages aquarellés auxquels nous sommes habitués.
Jusqu’au 21 décembre, galerie Talabardon et Gautier, 134 rue du Fbg-Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 43 59 13 57, du lundi au sam., 15h-19h.
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Le XIXe siècle buissonnier
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°137 du 23 novembre 2001, avec le titre suivant : Le XIXe siècle buissonnier