Cinq ans après le début des travaux de rénovation, le Viaduc des Arts entre dans la dernière phase de son aménagement. Il doit maintenant réussir à devenir la vitrine parisienne des métiers d’art.
PARIS. Les grands travaux se terminent, et un certain optimisme se manifeste au Viaduc des Arts. Les dernières arches libres sont en voie d’aménagement : quatre nouvelles enseignes sont attendues pour l’automne. Elles viendront s’ajouter à la trentaine ayant déjà pignon sur rue. Parallèlement, au mois de juin dernier, "le Geste d’Art", la première manifestation grand public du Viaduc, a été un succès. Les visiteurs arrivent... et artisans comme aménageurs se prennent à croire à la réussite de l’opération. Elle était pourtant risquée quand, en 1992, la Mairie de Paris lance les travaux de réhabilitation du vieux viaduc ferroviaire qui longe l’avenue Daumesnil dans le 12ème arrondissement, un dernier vestige de la ligne "Bastille-Vincennes". Au-dessus, à l’emplacement des voies, sera créée une promenade plantée. Niveau rue, les larges voûtes seront louées – à prix doux – à des artisans d’art. Ils pourront travailler et vendre sur place. L’esprit du quartier doit aider : le Viaduc se trouve en bordure du faubourg Saint-Antoine, célèbre pour ses ébénistes et autres fabricants de meubles.
Loyers trop élevés
Mais bien que d’une architecture belle et originale – l’ouvrage d’art en briques roses et pierre blanche s’étend, rectiligne, sur près de 2 km de long –, il ne constitue pas l’espace commercial idéal. Les artisans concernés redoutent ces voûtes livrées brutes, difficiles et onéreuses à aménager. De fait, la première année, ils ne se bousculent pas pour occuper l’endroit. Et ceux qui tentent l’aventure s’en plaignent encore. “Le plus lourd, ce sont les travaux d’aménagement. Cela veut dire un investissement de 500 à 600 000 francs en entrant dans les lieux”, explique l’encadreur et doreur Bernard Dupré, qui est aussi le président de l’association des résidents “Paris-Viaduc des Arts”. Une plainte qui semble aujourd’hui entendue : la Mairie de Paris étudie la possibilité d’une reprise des frais engagés par les premiers installés. D’autres déplorent l’humidité, et un sculpteur devra renoncer devant l’impossibilité technique d’installer sa forge. Mais, pour tous les métiers, le principal problème semble être le prix des loyers : 800 francs le m2 pour les surfaces en rez-de-chaussée, 400 francs au sous-sol et 560 francs en mezzanine. "Beaucoup de gens ont des difficultés à payer, et j’en suis, déclare le designer Cyrille Varet. Cela explique qu’il n’y ait pas beaucoup d’artisans et de plus en plus de showrooms". Pourtant, il ne regrette pas son installation. "La première année a été la plus dure, mais ça fait trois ans que je suis là et il commence à y avoir des retombées intéressantes. Maintenant, il y a plus de monde qui passe. L’avantage pour moi reste le même qu’au départ : pouvoir disposer d’un atelier et d’un espace d’exposition au même endroit". À ce reproche sur les loyers, Hervé Bénessiano, adjoint au maire de Paris, chargé des métiers d’art et des industries de création, répond que le prix demeure raisonnable si l’on considère le prestige des lieux. Il affirme que les entreprises installées sur le site ont créé 29 emplois supplémentaires depuis 1993, une preuve de leur bonne santé.
700 m2 pour la Sema
Aujourd’hui, 35 métiers d’art sont représentés, et la Semaest (la société d’économie mixte gestionnaire du lieu) a ouvert une liste d’attente pour les locations. Du design à la tradition séculaire, le Viaduc des Arts héberge une grande variété de styles et, contrairement au projet initial, il s’agit parfois de simples showrooms. Deux restaurants se sont aussi installés, ainsi qu’une galerie d’art et l’espace d’exposition du VIA-Industrie française de l’ameublement, association consacrée à la promotion de la création dans l’ameublement. Le Viaduc des Arts risque-t-il alors de se transformer en banale galerie commerciale ? “L’objectif initial est maintenu”, répond Hervé Bénessiano. Il en veut pour preuve les ouvertures prévues à l’automne : un costumier de spectacle, un designer... et la Sema, la société d’encouragement aux métiers d’art, qui s’installe sur 700 m2. L’espace offert par une arche ne lui suffisant pas, la Sema s’est fait construire un bâtiment attenant qui surplombe la promenade plantée. Pourtant, si l’opération s’achève en termes de travaux, elle démarre en termes de communication et de promotion. Pour cela, il y a l’association des résidents. Elle voudrait surtout faire connaître le Viaduc à l’étranger, mais avec un budget réduit et uniquement des bénévoles, les moyens d’action sont limités. La Mairie de Paris veut elle aussi s’investir, bien décidée à en “faire le grand secteur européen de l’artisanat d’art”. “À mon avis, le Viaduc est sorti de sa phase difficile. On entre dans la phase dynamique”, ajoute Hervé Bénessiano. Parmi ses projets : aménager les rues voisines pour favoriser le maillage avec le faubourg Saint-Antoine, créer la première résidence d’apprentis sur le modèle des résidences universitaires... Dès cet hiver, une signalétique particulière viendra identifier le Viaduc. Mais tous ces projets de développement laissent un problème en suspens : sept arches, les plus proches de la place de la Bastille, que la Ville de Paris doit encore acheter au ministère de la Culture. Après des années d’atermoiements, un accord était presque trouvé, mais le changement de ministre ravive les craintes. L’Hôtel de Ville se dit prêt à l’acquisition de la partie bâtie pour 3 millions de francs. L’État voudrait, pour 15 millions de francs, vendre les arches avec quelques terrains attenants... Et aujourd’hui, plus personne ne se hasarde à fixer un calendrier. Lentement, à petites touches, le Viaduc des Arts avance, pourtant. Un travail d’artisan ?
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le Viaduc des Arts sur la bonne voie
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°45 du 10 octobre 1997, avec le titre suivant : Le Viaduc des Arts sur la bonne voie